Jérémy Chaponneau, chargé de collection au département Philosophie, histoire et sciences humaines, vous propose un programme de lectures autour des voyages d'Henri Cartier-Bresson :
« le Musée du peuple mexicain », Pedro Ramirez Vazquez, Vilo, 1968 https://c.bnf.fr/NKm
« La Nuit de Tlateloco », Elena Poniatowska, Éditions CMDE, 2014 https://c.bnf.fr/NKp
« Autobiographie ou Mes expériences de vérité », Gandhi, PUF, 1982 https://c.bnf.fr/NKs
« Gandhi : la biographie illustrée », Kapoor Pramod, Chêne, 2017 https://c.bnf.fr/NKv
« Gandhi, athlète de la liberté », Catherine Clément, Découvertes Gallimard, 2008 https://c.bnf.fr/NKy
« Mahatma Gandhi », Romain Rolland, Stock, 1924 https://c.bnf.fr/NKB
« Mahatma Gandhi : a biography », Bal Ram Nanda, Oxford India paperbacks, 1959 https://c.bnf.fr/NKE
« Histoire de l'U.R.S.S. », Nicolas Werth, Que sais-je ?, 2020 https://c.bnf.fr/NKH
« Staline », Oleg Khlevniuk, Gallimard, 2018 https://c.bnf.fr/NKK
« U.R.S.S. », Jean Marabini, le Seuil, 1976 https://c.bnf.fr/NKN
En savoir plus sur l'exposition Henri Cartier-Bresson. le Grand Jeu : https://www.bnf.fr/fr/agenda/henri-cartier-bresson
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Pour Staline, l'État fondé par les bolcheviks est souverain. L'individu est totalement, et de manière inconditionnelle, subordonné à l'État, le Parti et son dirigeant suprême en étant la plus haute émanation. Les intérêts privés ne sont pris en considération que dans la mesure où ils servent l'État, celui-ci s'arrogeant le droit de demander au citoyen n'importe quel sacrifice, y compris le sacrifice de sa vie. Quelles que soient les décisions prises et les actions entreprises, l'État, seul dépositaire de la Vérité et instrument du Progrès, a toujours raison. Toute mesure décidée par le régime l'est au nom d'un principe supérieur qui lui donne sa raison d'être. Erreurs et crimes d'État n'existent pas ; seule existe la nécessité historique, inéluctable. Quant aux souffrances endurées par le peuple, elles sont inhérentes à la construction d'une société nouvelle.
Staline aimait beaucoup lire et ses idées naissaient souvent de ses lectures. Dans le milieu révolutionnaire que Staline avait fréquenté durant sa jeunesse, on tenait en haute estime l'activité intellectuelle et l'élaboration de théories, mais cette recherche était toujours orientée vers une même idéologie et Staline n'échappa pas à la règle. Ses lectures devaient toujours avoir un "contenu social", et il connaissait parfaitement les œuvres de Marx et de Lénine. Une étude poussée des textes et des discours de Staline a mis en évidence le spectre étroit de ses références littéraires. Il connaissait bien la littérature de la période soviétique, mais avait une médiocre connaissance des classiques russes et étrangers. Les livres et les revues de sa bibliothèque, et plus précisément ceux contenant des annotations de sa main, révèlent clairement que le choix de ses lectures était guidé par ses convictions politiques et idéologiques et s'en trouvait fortement limité. Au total, sa bibliothèque et ses archives personnelles regroupent 397 ouvrages.
Les révolutionnaires ne sont pas tous taillés sur le même modèle. Nombre d'entre eux se lancent dans le combat avec l'ardeur de la jeunesse et poussés par la recherche de sensations fortes. Ces motivations étaient probablement étrangères à Staline, même si elles ne sont pas non plus à exclure complètement. Le futur dictateur était plutôt révolutionnaire par calcul, agissant avec méthode, persévérance et prudence. Un révolutionnaire de la trempe de ceux qui, une fois la révolution menée à son terme, cueillent les lauriers de la victoire. Un de ceux qui trouvent le juste équilibre entre l'action et la prudence, la passion et le cynisme, pour finalement sortir indemnes des innombrables écueils semés sur le chemin de la révolution.
Les colossales dépenses militaires n'étaient pas les seules responsables de l'inflation des dépenses budgétaires. Durant les dernières années de sa vie, Staline – nous en avons de multiples preuves – montra une prédilection pour les projets pharaoniques, projets coûteux que la propagande soviétique présentait, de manière grandiloquente, comme la "construction du communisme" : gigantesques barrages hydroélectriques, grands canaux, voies de chemin de fer jusqu'aux zones les plus inaccessibles et les plus inhospitalières du pays. Pour assurer la liaison avec les territoires de l'Extrême-Orient soviétique nouvellement annexés, une nouvelle ligne de ferries fut inaugurée et deux ambitieux projets lancés : la construction d'un tunnel sous la mer de 13,6 kilomètres pour relier l'île de Sakhaline et l'ouverture d'une ligne de chemin de fer qui raccorderait le tunnel au réseau ferroviaire du pays. Derrière ces projets se cachait une réalité moins glorieuse : la construction du communisme se faisait sur le dos des détenus du Goulag au prix d'immenses souffrances.
Comme de coutume, Staline rendait autrui responsable des difficultés qu'il avait lui-même créées.
Ainsi, dans le années 1930, c'est sur son ordre que des dizaines de milliers d'officiers - des hommes qui se seraient sans doute distingués au service de leur pays - furent limogés, envoyés dans des camps de travail forcé ou exécutés pour des raisons politique.
Les tyrans peuvent faire montre d'une exceptionnelle cruauté, conduire à la mort, dans la plus complète indifférence, des millions d'hommes, et en même temps se sentir très affecté par la mort d'un proche.
La politique stalinienne : une prudence relative en matière de politique étrangère allant toujours de pair avec une brutalité extrême à l'intérieur du pays.