Citations de Omar Youssef Souleimane (62)
Mohammed Atta, un des hommes qui a mis au oint les attentats du 11 septembre et y a participé, avait étudié l'astronomie et l'architecture. J'imaginais pouvoir impressionner Mouna quand elle verrait ma photo à la télévision. Mais, avant de devenir un héros, je devais étudier pour être admis à l'université, comme Mohamed Atta.
Les établissements publics d'Arabie Saoudite portent les noms des compagnons de Mohamed, d’imams ou de princes. En revanche, les écoles de filles n'ont pas de nom, mais des numéros. (...) La société trouve en effet préférable que les femmes ne soient pas valorisées par l'aura d'un nom illustre.
Quand nous dessinions un homme ou un animal, il fallait systématiquement effacer une main, un pied ou la tête, car, dans l'islam, il est interdit de représenter les organismes animés dans leur entièreté.
Je lui ai demandé pourquoi il ne portait pas de barbe. Il m'a répondu que cette photographie avait été prise en 1982, l'année de l'affrontement entre Hafez al-Assad et les Frères musulmans. A l'époque tout signe religieux islamiste suffisait à faire arrêter celui qui arborait et à l’accuser d'appartenir à la confrérie.
Il balaya l'assemblée du regard pour s'assurer qu'il avait toute notre attention, mais je ne parvenais pas à me concentrer sur ses paroles. Il ressemblait à ce simple d'esprit dans notre ville en Syrie et qui marchait tout le temps très vite comme s'il était en retard, et qui, tout en marchant, poussait toujours devant lui sa charrette vide.
Je ne peux pas me mettre à la place de ces élèves, je n'ai pas vécu leur enfance en France, au sein d'une minorité. Mais je sais qu'ils souffrent d'une crise identitaire et d'un manque d'attachement à leur environnement. Pour compenser ce manque, ils ont besoin de construire une identité culturelle fondée sur une intégration ambitieuse, de se sentir valorisés en trouvant quel rôle jouer dans cette société. Il serait donc utile de disposer d'un programme national qui inclurait des débats où nous pourrions tous aborder franchement la question de l'intégration. C'est une chose nécessaire pour régler ce problème qui s'aggrave chaque jour et afin que ces élèves fassent réellement partie de la République française tout en pensant comme une richesse leurs origines et non pas comme une honte.
J'interroge les jeunes : "Vous faites quoi pour Noël ou le 31?" Aucun ne réagit. Une minute de silence. Amel intervient : "Ce n'est pas notre truc, nous sommes musulmans." Les autres sont d'accord. "Pour nous, c'est l'Aïd qui compte", réponds Moustapha. Je continue : "Vous savez, ce n'est plus une célébration religieuse, même à Damas, à cette époque de l'année, beaucoup d'habitants décorent leur maison, musulmans aussi bien que chrétiens." Ils ne sont pas d'accord. "Il ne faut pas célébrer la fête des autres, d'ailleurs les Français ne fêtent pas la nôtre", réplique Amel.
Les élèves vivent dans un monde fermé, ils passent leur temps entre Snapchat, Tik tok, les jeux vidéos, la mosquée, la maison et l'école. La plupart n'ont jamais lu un livre, à part des mangas, ne sont jamais allés au cinéma ni au théâtre. Pour beaucoup, Liberté, Égalité, Fraternité sont les trois pouvoirs. La loi sur la laïcité n'a pas de place dans leur mémoire. De même pour les dates de la Révolution Française, celle de la Cinquième République, ou encore de la Seconde Guerre mondiale. Des filles et des garçons de 17 ans ne sont pas capables de construire une phrase en français sans faire au moins une faute de conjugaison.
Je me fiche complètement des dieux, mais je suis toujours subjugué par l'art religieux.
Dans le flot des mirages
Le bateau a coulé
Seules les mouettes ont emmené le pays avec elles
Je voulais devenir un martyr le plus vite possible pour apaiser la douleur causée par le doute et aller au Paradis.
La plus belle mouette dans les nuages est celle qui en cherche d'autres
Je ne traverse pas l'espace. Mais le temps. Je quitte ce Moyen Âge qui contrôle le Moyen-Orient et gagne une époque que je ne connais pas encore. Je suis un étranger qui part vers l'anonyme.
De la langue française, je ne connais que six mots. "Bonjour", "bonsoir", "au revoir", "merci", "pardon" et "liberté".
Nous marchons des heures durant. Je n'éprouve aucun sentiment. Mon corps est derrière moi. Je suis un vide qui marche dans le néant.
En automne
Le bord des feuilles entaille mon cœur
Un seul arbre fleurit dans l'absence
Irrigué par les murmures de ma mère
"Les balles n'ont tué en nous que la peur !"
C'est une autre France, où Hassan el Banna remplace André Malraux, où un islamologue peut être considéré comme quelqu'un de plus modéré qu'un philosophe et où le burkini fait plus parler que l'art. Le racisme et la religion prennent la place de la Rennaissance (...)
C'est ainsi que je me suis réfugié dans l'écriture. Ce n'était pas un loisir, mais un pays, une façon unique de résister, d'exister, d'être en harmonie avec le monde.
Je me suis inscrit en littérature arabe à l'université, j'ai annoncé à tout le monde que je ne croyais plus en leur dieu, en leur Coran et qu'un poème d'Eluard avait beaucoup plus de valeur à mes yeux que tous les propos de Mahomet. Ce poète est devenu l'exemple qui m'a permis de ne pas emprunter le chemin de la radicalisation, du salafisme, comme mes parents.