On lira davantage du Barbara Cassin que du Parménide. Son poème est fondamental, mystérieux, déconcertant. Cassin l’est pourtant tout autant : on sait qu’elle pratique la réhabilitation des sophistes, on sait qu’elle s’intéresse particulièrement aux effets de langue et à la performativité. L’ontologie part elle de tels effets ? Toute la métaphysique rationnelle des Anciens viendrait elle d’un jeu fusionnel entre le sens du mot être et sa fonction grammaticale ? Si être et penser c’est la même chose, voilà sans doute l’enseignement du Poème : la langue de l’être, c’est l’être même.
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Parménide d'Elée est considéré par ses contemporains ou successeurs directs comme l'un des plus grands philosophes, physicien de son temps. On le range dans les présocratiques, les pythagoriciens et les éléates. Il a vécu entre les VIeme et les Veme siècles avant J.-C. en Asie mineure. Une seule oeuvre nous est parvenue, sous forme fragmentaire "De la Nature", rédigée en vers.
Ce sont ces fragments que commentent Jean Beaufret.
Ce dernier est surtout connu pour être le principal défenseur et introducteur de la pensée d'Heidegger en France. Il tisse d'ailleurs des liens entre le poème de Parménide et les thèses de l'auteur allemand qu'il a découvert lors de son passage dans la résistance.
Comme je l'ai dit, la philosophie de Parménide, auquel Platon a consacré un dialogue, est en vers. Des vers parfois tronqués, dans une oeuvreincomplète, écrite il y à plus de 2500 ans. Les interprétations sont donc multiples, celle de Beaufret est séduisante, esthétique, poétique, argumentée. Il y déploie sa connaissance de la philosophie, du grec, des présocratiques. Dans une longue introduction il commente le poème dans
lequel le philosophe grec donne sa vision des sciences, de la sagesse, de la vérité -son problème central- à travers des images, des métaphores, des allusions qui devaient être limpides au Veme s. av. J.-C. mais qui le sont moins aujourd'hui !
Aussi les explications et justifications de Beaufret sont elles très éclairantes, ou du moins donnent un sens nouveau à ces vers qui sans cela demeureraient bien obscurs pour nous.
A l'instar d'un Héraclite commenté par Marcel Conche, Parménide resterait obscur à quiconque ne lit pas le grec dans le texte et possède une solide culture antique des autres présocratiques et du contexte historique dans lequel vécu l'auteur.
Il s'agit bien sûr d'une interprétation, d'une vision, et il y a sans doute autant de Beaufret que de Parménide dans ce livre -il existe d'ailleurs d'autres exégèses du poème grec- mais le traducteur/commentateur a su garder l'âme et la poésie de texte grec.
C'est un livre passionnant, compliqué à lire et qui se mérite mais qui offre tant au lecteur que l'effort en vaut la peine
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