Citations de Paul-Henri Thiry d`Holbach (57)
Etre libre c'est céder à des motifs nécessaires que nous portons en nous-mêmes.
Moïse, Jésus et Mahomet étant tels que nous venons de les peindre, il est évident que ce n’est point dans leurs écrits qu’il faut chercher une véritable idée de la Divinité. Les apparitions et les conférences de Moïse et de Mahomet, de même que l’origine divine de Jésus, sont les plus grandes impostures qu’on ait pu mettre au jour et que vous devez fuir si vous aimez la vérité.
Le courtisan doit s’étudier à être affable, affectueux et poli pour tous ceux qui peuvent lui aider et lui nuire ; il ne doit être haut que pour ceux dont il n’a pas besoin. Il doit savoir par cœur le tarif de tous ceux qu’il rencontre, il doit saluer profondément la femme de chambre d’une Dame en crédit, causer familièrement avec le suisse ou le valet de chambre du ministre, caresser le chien du premier commis ; enfin il ne lui est pas permis d’être distrait un instant ; la vie du courtisan est une étude continuelle.
Le courtisan bien élevé doit avoir l’estomac assez fort pour digérer tous les affronts que son maître veut bien lui faire. Il doit dès la plus tendre enfance apprendre à commander à sa physionomie, de peur qu’elle ne trahisse les mouvemenis secrets de son cœur ou ne décèle un dépit involontaire qu’une avanie pourrait y faire naître. Il faut pour vivre à la Cour avoir un empire complet sur les muscles de son visage, afin de recevoir sans sourciller les dégoûts les plus sanglans. Un boudeur, un homme qui a de l’humeur ou de la susceptibilité ne saurait réussir.
Si nous examinons les choses sous ce point de vue, nous verrons que, de tous les arts, le plus difficile est celui de ramper. Cet art sublime est peut-être la plus merveilleuse conquête de l’esprit humain. La nature a mis dans le cœur de tous les hommes un amour-propre, un orgueil, une fierté qui sont, de toutes les dispositions, les plus pénibles à vaincre. L’âme se révolte contre tout ce qui tend à la déprimer ; elle réagit avec vigueur toutes les fois qu’on la blesse dans cet endroit sensible ; et si de bonne heure on ne contracte l’habitude de combattre, de comprimer, d’écraser ce puissant ressort, il devient impossible de le maîtriser. C’est à quoi le courtisan s’exerce dans l’enfance, étude bien plus utile sans doute que toutes celles qu’on nous vante avec emphase, et qui annonce dans ceux qui ont acquis ainsi la faculté de subjuguer la nature une force dont très-peu d’êtres se trouvent doués. C’est par ces efforts héroïques, ces combats, ces victoires qu’un habile courtisan se distingue et parvient à ce point d’insensibilité qui le mène au crédit, aux honneurs, à ces grandeurs qui font l’objet de l’envie de ses pareils et celui de l’admiration publique.
[...] de tous les arts, le plus difficile est celui de ramper. Cet art sublime est peut-être la plus merveilleuse conquête de l’esprit humain. La nature a mis dans le cœur de tous les hommes un amour-propre, un orgueil, une fierté qui sont, de toutes les dispositions, les plus pénibles à vaincre. L’âme se révolte contre tout ce qui tend à la déprimer ; elle réagit avec vigueur toutes les fois qu’on la blesse dans cet endroit sensible ; et si de bonne heure on ne contracte l’habitude de combattre, de comprimer, d’écraser ce puissant ressort, il devient impossible de le maîtriser.
Les peuples ingrats ne sentent point toute l’étendue des obligations qu’ils ont à ces grands généreux, qui, pour tenir leur Souverain en belle humeur, se dévouent à l’ennui, se sacrifient à ses caprices, lui immolent continuellement leur honneur, leur probité, leur amour-propre, leur honte et leurs remords ; ces imbéciles ne sentent donc point le prix de tous ces sacrifices ?
L’homme de Cour est sans contredit la production la plus curieuse que montre l’espèce humaine. C’est un animal amphibie dans lequel tous les contrastes se trouvent communément rassemblés. Un philosophe danois compare le courtisan à la statue composée de matières très-différentes que Nabuchodonosor vit en songe. « La tête du courtisan est, dit il, de verre, ses cheveux sont d’or, ses mains sont de poix-résine, son corps est de plâtre, son cœur est moitié de fer et moitié de boue, ses pieds sont de paille, et son sang est un composé d’eau et de vif-argent. »
La vérité est ordinairement trop mal accueillie des princes et des grands, pour séjourner longtemps dans les cours.
Nous voyons souvent des hommes corrompus se détromper des préjugés religieux dont leur esprit a senti la futilité, en conclure très imprudemment que la morale n’a point de fondements plus réels que la religion ; ils s’imaginent que celle-ci une fois bannie, il n’existe plus de devoirs pour eux, et qu’ils peuvent dès lors se livrer à toutes sortes d’excès.
Une Nation (...) peu contente d'avoir satisfait ses besoins réels par un commerce étendu, s'occupe à en inventer de fictifs et de surnaturels : la satiété l'endort ; le changement lui devient nécessaire ; la langueur et l'ennui, bourreaux assidus de l'opulence, suivent les besoins satisfaits : pour tirer les riches de cette léthargie, l'industrie est forcée d'imaginer à tout moment de nouvelles façons de sentir : les plaisirs se multiplient ; la nouveauté, la rareté, la bizarrerie ont seules le pouvoir de réveiller des êtres pour qui les plaisirs simples sont devenus insipides. Tout se change en fiction ; le luxe comme la féerie ne fait naître que des fantômes : des imaginations malades ne se soulagent que par des remèdes imaginaires. L'avidité, le désir d'acquérir des richesses, afin de les étaler et de les dissiper, sont les passions épidémiques : personne n'est content de ce qu'il a, chacun est envieux de ce que possèdent les autres ; personne ne peut-être heureux, à force de vouloir le paraître.
En effet le bonheur de chaque individu de l'espèce humaine dépend des sentiments qu'il fait naître et qu'il nourrit dans les êtres parmi lesquels son destin l'a placé.
Ce que l'homme va faire est toujours une suite de ce qu'il a été, de ce qu'il est et de ce qu'il fait jusqu'au moment de l'action.
Les philosophes, qui communément sont des gens de mauvaise humeur, regardent à la vérité le métier de courtisan comme bas, comme infâme, comme celui d'un empoisonneur. Les peuples ingrats ne sentent point toute l'étendue des obligations qu'ils ont à ces grands généreux, qui, pour tenir leur Souverain en belle humeur, se dévouent à l'ennui, se sacrifient à ces caprices, lui immolent continuellement leur honneur, leur probité, leur amour-propre, leur honte et leurs remords ; ces imbéciles ne sentent donc point le prix de tous ces sacrifices ? Ils ne réfléchissent point à ce qu'il en doit coûter pour être un bon courtisan ?
Ce n'est que pour leur intérêt qu'un Monarque doit lever des impôts, faire la paix ou la guerre, imaginer mille inventions ingénieuses pour tourmenter et soutirer ses peuples. En échange de ces soins les courtisans reconnaissants payent le Monarque en complaisances, en assiduités, en flatteries, en bassesses, et le talent de troquer contre des grâces ces importantes marchandises est celui qui sans doute est le plus utile à la Cour.
« Si quelque chose semble devoir rabaisser l’homme au-dessous de la bête, c’est sans doute la guerre. Les
lions et les tigres ne combattent que pour satisfaire leur faim; l’homme est le seul animal qui, de gaieté de
coeur et sans cause, vole à la destruction de ses semblables, et se félicite d’en avoir beaucoup exterminé. »
Un bon courtisan ne doit jamais avoir d'avis, il ne doit avoir que celui de son maître ou du ministre, et sa sagacité doit toujours le lui faire pressentir; ce qui suppose une expérience consommée et une connaissance profonde du cœur humain. Un bon courtisan ne doit jamais avoir raison, il ne lui est point permis d'avoir plus d'esprit que son maître ou que le distributeur de ses grâces, il doit bien savoir que le Souverain et l'homme en place ne peuvent jamais se tromper.
"Si quelque chose semble devoir rabaisser l'homme au-dessous de la bête, c'est sans doute la guerre. Les lions et les tigres ne combattent que pour satisfaire leur faim ; l'homme est le seul animal qui, de gaieté de cœur et sans cause, vole à la destruction de ses semblables, et se félicite d'en avoir beaucoup exterminés."
Un véritable courtisan est tenu comme Arlequin d'être l'ami de tout le monde, mais sans avoir la faiblesse de s'attacher à personne ; obligé même de triompher de l'amitié, de la sincérité, ce n'est jamais qu'à l'homme en place que son attachement est dû, et cet attachement doit cesser aussitôt que le pouvoir cesse. Il est indispensable de détester sur-le-champ quiconque a déplu au maître ou au favori en crédit.
Si nous examinons les choses sous ce point de vue, nous verrons que, de tous les arts, le plus difficile est celui de ramper. Cet art sublime est peut-être la plus merveilleuse conquête de l'esprit humain.