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Pédro Mairal :
L'intempérie]
A la Fondation Suisse de la Cité Internationale Universitaire de Paris,
Olivier BARROT présente "
L'intempérie",
roman de l'écrivain argentin
Pédro MAIRAL. Sur des
photos de villes argentines,
Olivier BARROT explique l'histoire de ce
roman, à la frontière du
fantastique, qui parle de l'Argentine et de ses périodes de dictatures.
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Il devrait y avoir des cours pour élever les enfants......Personne ne t’annonce à quel point il est difficile de ne pas dormir, de renoncer à soi à chaque instant, de se remettre à plus tard. Parce que plus jamais tu ne dormiras huit heures d’affilée, ta bande-son se réduit désormais à l’unique « Vas-y Oui-Oui », pour baiser tu dois planifier un mois à l’avance un week-end sans enfant, au cinéma tu ne vois plus que des films d’animation américains doublés en mexicain, et tu dois lire quatorze fois par jour l’album du rhinocéros......Si on proposait réellement un cours global sur comment élever les enfants, personne ne voudrait en avoir. Cette ignorance est indispensable à la survie de l’espèce, des générations de naïfs qui se fourrent dans un pétrin dont ils n’ont pas idée. Un cours qui annoncerait les dangers et les souffrances de la paternité et de la maternité épouvanterait tout le monde. Il pourrait être sponsorisé par une marque de préservatifs. Tu sors de là, tu achètes le paquet de cent vingt sans hésiter une seconde.
Heureusement, les Uruguayens freinent quand ils te voient poser un pied sur le passage piéton. À Buenos Aires, on serait morts écrasés.
Je suis toujours terrifié par ce côté siamois des couples : ils pensent pareil, mangent pareil, se saoulent ensemble, comme s’ils partageaient un même flux sanguin. Il doit y avoir un résultat chimique d’arasement après plusieurs années à maintenir cette chorégraphie continue. Même lieu, mêmes routines, même alimentation, vie sexuelle simultanée, stimulants identiques, concordance de température, de niveau économique, de peurs, d’incitations, de promenades, de projets… Quel monstre bicéphale crée-t-on ainsi ? Te voilà symétrique à l’autre, les métabolismes se synchronisent, tu fonctionnes en miroir ; un être binaire porteur d’un seul désir. Et l’enfant arrive pour envelopper cette étreinte, la sceller d’un lien éternel. L’idée seule est pure asphyxie.
Il déambula, heureux, pensant à ce qu'il laissait derrière lui, sentant qu'il coupait un fil, qu'il se délivrait d'un ordre établi, d'une route tracée, pour aborder la diversité de nouveaux chemins, d'une vie différente, pleine de possibilités, jusqu'au moment où, descendant une rue en pente à le suite d'une blonde à la démarche de cadre supérieur, il tomba sur le stade du Luna Park et fut frappé par le souvenir du show de patinage sur glace qu'il était allé voir avec ses parents et ses frère et sœur, lors de ce déjà lointain voyage à Buenos Aires, quand il avait dix ans.
A présent cette tasse est chez moi, au fond d'un placard. Je ne m'en sers jamais. Sauf quand je reçois beaucoup de copains le samedi soir et qu'il manque des verres. Ils me demandent parfois d'où je la sors et je dis que ce sont les anciens locataires qui l'ont laissée. Je mens pour ne pas avoir à raconter toute cette histoire.
...cet abandon au "non-être" qu'on éprouve en voyageant, les nuages... En haut de la fenêtre, sur la vitre, on pouvait lire "Issue de secours", juste ces mots sur fond de ciel. On aurait dit une sorte de métaphore. La possibilité de s'enfuir vers le néant céleste.
Salvatierra voulait donner l'impression qu'une créature,une fois entrée dans sa peinture ne pouvait traverser l'espace peint,avancer sur la toile et réapparaître.Personne n'est à l'abri.
A l’écrit il est délicat, je crois, de convaincre le lecteur qu’une personne est attirante. On peut dire qu’une femme est belle, qu’un homme est charmant, mais où est l’étincelle éblouissante, dans le regard du narrateur, dans l’obsession ? Comment montrer avec des mots la conjonction exacte des traits d’un visage qui provoquent cette folie durable ? Et l’attitude ? Et les yeux ? Je peux juste dire qu’elle avait un nez uruguayen. Je ne sais pas comment mieux l’expliquer.
Ce qui arrive aux gens pendant leur temps de vie leur appartient;il ne faut pas le déterrer.Ce n'est pas pour rien que c'est oublié.Il faut vivre sa vie et laisser les morts tranquilles.
J'ai commencé dans la pauvreté totale et j'en suis arrivé là; vous autres,vous commencez ici et nous allons bien voir jusqu'où vous irez.