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Critiques de Peter Matthiessen (27)
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Le Léopard des neiges

Longtemps différée, la lecture émerveillée du Léopard des neiges de Peter Matthiessen est enfin devenue chose effective ; l’enthousiasme lapidaire de Nadjalou dans l’Agora des livres a été un des déclencheurs. Grâce soit rendue ! Le livre en est empli. L’auteur effectue un trek sur le plateau tibétain, dans le Dolpo intérieur, en 1973. Il a 46 ans. Ses quatre enfants sont en Amérique et sa femme est décédée d’un cancer. L’expédition au Tibet, entrecoupée de digressions et de retours en arrière, est tellement prenante, la hauteur de vue si saisissante, qu’il vaut mieux laisser le livre reposer après la lecture d’une seule page ou encore d’une simple phrase. On n’avance plus dans la longueur du récit mais dans sa profondeur. Il y a aussi la crainte d’en avoir fini trop tôt avec un chef-d’œuvre. Jamais un écrivain ne m’aura parlé avec autant de sincérité, de force, des sensations et des sentiments que j’ai moi-même connus et enfouis : les chuchotements de mort, la peur du vide domptée, la force de l’illumination, l’intuition d’une conscience supérieure, le tout en un, les pleurs versés face à la beauté d’un paysage, la vacuité des entreprises humaines, l’inaudible, l’inexprimable… On vit au pas du voyageur. On reste suspendu à son souffle. Rien n’a vieilli. Tout est actuel, vivant, intemporel. La raison du voyage reste floue : « …mais moi, qu’espérais-je trouver au cours de cette expédition ? Gêné, je haussai les épaules. Dire que je m’intéressais aux bharals, aux léopards des neiges ou même aux lamaseries reculées n’était pas répondre…, bien que tout cela fût vrai ; parler de pèlerinage semblait prétentieux et vague et cependant, en un sens, c’était également vrai… je voulais pénétrer les secrets des montagnes… (p. 145-146) On sent que ce livre est une somme, ne serait-ce que par les mises en exergue de Rilke, Hesse, Ovide, Basho… qui ouvrent les quatre chapitres intitulés : « Vers l’ouest » ; « Vers le nord » ; « La Montagne de Cristal » ; « Retour ». Le regard humaniste de Peter Matthiessen est aussi visionnaire, poétique, mystique, sans aucun dogmatisme. Parfois, un haïku (qui ne dit pas son nom) se trouve serti dans le texte : « Soleil sur les ailes des libellules, au-dessus d’une prairie encore dans l’ombre… (p. 42). On apprend beaucoup. On ne peut jamais s’ennuyer. Ce livre est une mine intarissable. On en sort transformé, densifié et aérien : « Ne pèse rien, dit Soen Roshi. Sois léger, léger, léger… lumineux ! »… Où était la réalité ? Dans la veille ou dans le rêve ? Le dernier idéogramme japonais écrit et le dernier mot prononcé dans cette vie par le vénérable maître de Soen Roshi voulait dire : « Rêve ». (p. 199)
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Le Léopard des neiges

Un livre remarquable, d'une densité exceptionnelle, qui, à travers la quête de "l'inaccessible étoile", ce léopard des neiges, invisible voyeur, aborde différents thèmes tels que le questionnement philosophique sur le sens de la vie, des vies, le bouddhisme, l'appréhension de la mort, qu'on la côtoie dans le danger ou dans un lit d'hôpital pour la dernière extrémité, et, bien sûr, la nature et la montagne, omniprésentes.



Peter Matthiessen et George Schaller partent au nord-ouest du Népal à la découverte d'une nature sauvage, tantôt hostile, tantôt débonnaire, pour tenter d'observer différents animaux et surtout le mythique léopard des neiges. Le récit de leur expédition par Peter Matthiessen revêt une dimension humaine très profonde car l'auteur analyse toutes les journées, les rencontres, les événements, les nuits étoilées ou noires, comme son âme qui passe par des alternances de paix et de trouble tant il est attentif au vécu de chaque instant.



D'abord, la montagne avec des descriptions variées et précises des sommets, de leurs couleurs suivant le temps, l'ensoleillement ou l'ombre, des animaux et oiseaux si nombreux, avec un souci du détail qui pourrait lasser ou donner envie d'aller encore plus loin avec ces deux hommes et leurs compagnons. L'eau, la neige, la glace, le vent jouent un rôle de premier plan dans la symbolique de Matthiessen et il fait sans cesse partager au lecteur son ressenti de tous leurs changements.



C'est aussi un livre de relations humaines qui, le plus souvent, passent par l'expression des visages du fait de l'absence de connaissance réciproque des langues. Matthiessen se trompe souvent sur les non dits de ces visages et il en fait son mea culpa à chaque fois.



Je retiens surtout sa relation avec le sherpa Tutken qu'il a soupçonné tout au long du voyage, craignant d'être trompé ou pire volé par lui, jusqu'aux dernières pages dans lesquelles il livre avec émotion la découverte qu'il a faite de la valeur de cet homme à la fidélité duquel il rend un hommage émouvant.



Des retours sur le vécu de l'auteur, sa famille, ses enfants, l'agonie de son épouse et leurs interrogations sur la pérennité de leur amour. Ces digressions n'entament pas l'intérêt du récit mais viennent à propos éclairer sur l'humanité de l'auteur, ses doutes, ses interrogations.



Ils n'auront pas vu le léopard, peut-être entr'aperçu une fois et encore sans certitude, et Matthiessen conclut que c'est bien ainsi, car lui les a vus, il a été dans leurs têtes et dans leurs coeurs, Moby Dick invisible pour ces deux Achab qui ne lui voulaient aucun mal.

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Le Léopard des neiges

J'ai beaucoup entendu causer (est été un peu saouler) du dernier livre de Sylvain Tesson sur les traces du Léopard des neiges. Grâce à ma compagne, j'ai pu découvrir et lire ce livre qui a inspiré Tesson. Quelle prouesse littéraire ! La lecture est fluide, certains passages descriptifs sont magnifiques. Je me suis senti transporté par ce trek à travers le Tibet. Peter Matthiessen a un don pour raconter, avec beaucoup de détails, peut-être trop parfois au point de ressentir ici et là quelques longueurs. J'ai également été quelques fois surpris du manque de compassion de l'auteur envers les sherpas. Néanmoins, la magie opère du début jusqu'à la fin. Ce fut une belle découverte.



[Livre acheté en librairie indépendante]
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Le Léopard des neiges

Peter Matthiessen dans un autre de ses voyages épiques - épique dans la mesure où il écrit à leur sujet bien mieux que quiconque a entrepris des voyages ou entreprend des voyages comme le sien. Bien qu'il écrive également de bons romans, il a fait du rafting sur l'Amazonie, s'est aventuré en Nouvelle-Guinée, a traversé une grande partie de l'Afrique de l'Est en camion souk et Land Rover, a chassé des requins au large des côtes australiennes et a rendu visite aux Esquimaux.

Dans ce livre, il a marché pendant cinq semaines dans l'Annapurna, du Dhorpatan au Dzong, par le col de Jang La, entre les rivières Seng et Bheri, jusqu'à Ring-mo, et par le col de Kang La, vers Crystal Mountain dans "le Pays du Dolpo », avant le déferlement de l'hiver qui approche. Son compagnon était George Schaller, observateur remarquable des faits - probablement l'un des plus entreprenants de tous les biologistes de la faune.

Habituellement, les compagnons de M. Matthiessen étaient une collection débraillée de mercenaires minables et de riches playboys machos qui payaient la facture. Alors - avec son ami et avec les sherpas - il y a pour lui une légèreté dans cette marche. Ils commencent par traverser l'Himalaya du sud au nord; puis, du nord au sud,jusqu'à 5 700 mètres. C'est le pays des saints et des bandits - où des prophètes mythiques chevauchant des léopards des neiges volants ont jadis combattu les redoutables dieux de la montagne, assistés de hordes de serpents. C'est une terre d'« enterrements aériens », où même les os d'un mort que les oiseaux charognards ont laissés sont pulvérisés et mélangés à de la pâte, de sorte qu'eux aussi serviront à faire de la chair d'oiseau. Des griffons et des aigles royaux fondent sur M. Matthiessen alors qu'il est assis en train de méditer sur le flanc de la montagne, le prenant pour un tel cadavre.

Sur chaque sentier, il y a des cairns de prière et des autels. Des moulins à prières tournent dans les torrents ; les drapeaux de prières claquent et les moulins à prières tournent au vent. La bouse de yak alimente les feux de la lamaserie et le beurre de yak les lampes. Se penchant comme un chercheur de fumier inoffensif, M. Matthiessen traque les moutons en rut. Son sherpa préféré, Tukten, fait un cri de yéti pour lui et dit qu'il resterait plus de yétis si les villageois n'en avaient pas tué beaucoup avec de l'orge empoisonnée il y a des années. M. Matthiessen voit ce qu'il soupçonne d'en être un, néanmoins. Le soleil rugit, remplissant jusqu'à éclater chaque cristal de neige. « Nul n'apprendra à vivre qui n'aura appris à mourir », cite-t-il, pour s'encourager le long des corniches vertigineuses. Légèreté du pas et éclat de la lumière - bien que le Bouddha ait un jour crié de pitié pour un yogi impudique qui avait gâché 20 ans de sa vie à apprendre à marcher sur l'eau, alors que pour une petite pièce de monnaie le passeur l'aurait fait traverser.

Maintenant, bien sûr, ce n'est pas la fantaisie trop facile d'un passionné religieux qui a accompli les cascades d'images qui se précipitent parfois sur 20 pages d'un coup. Au contraire, 20 ans d'expérience dans la prise de notes sur le sentier, l'étude des oiseaux et la lecture anthropologique sont à l'œuvre ici. Pourtant, les moutons bleus, les gentils léopards, les loups, les yacks, les renards, les poneys et les mastiffs de village «exaltés», «berserk» qui menacent de le déchirer membre par membre sont plus exacts et plus vivants que l'histoire naturelle de tout cela. Et la plupart d'entre nous savent, vraiment, que dans leur légèreté, les meilleurs des saints hommes des grandes religions mondiales ont probablement raison, même si nous ne choisissons pas d'investir suffisamment de notre temps pour nous préparer à l'illumination de ce type. Ainsi, les hymnes et les sutras de M. Matthiessen, ses amulettes de prune et ses "oms", ne sont pas sans justification, en particulier dans cet immense ciel où les séquences les plus impressionnantes de falaises et de pics, de neige et de glace se juxtaposent les unes sur les autres. Des larmes chaudes gèlent sur son visage aussi facilement qu'il crie avec un rire inattendu. Il a une démarche ludique, lorsqu'il ne rampe pas en semi-paralysie le long du bord d'un dénivelé. « Jusqu'au paradis, c'est le paradis », dit-il.

Comme d'autres chroniqueurs, il était à la merci de son humeur et de ses notes originales dans la préparation de son livre; et ainsi, les jours effrayants, les premières étapes plus lentes du voyage, et les intermèdes effrayants et lunatiques quand il a été assailli par la dépression du voyageur, se télescopent avec un catalogue décontracté, nostalgique mais troublant de ses voyages passés - en Ombrie, Paris, Galway, ainsi que d'autres plus pertinent dans les régions "primitives". Aussi un pêle-mêle de références anthropologiques aux coutumes africaines, andines, indiennes du Canada.

M. Matthiessen est sous-estimé, voire peu connu en tant qu'écrivain . Peut-être est-ce du en partie au fait qu'il était aussi un mondain, et il y a une longue tradition d'écrivains mondains--F. Scott Fitzgerald et Truman Capote sont d'autres exemples - qui, dans le scintillement de la futilité, sous-estiment l'importance de leur travail.

Dans ce livre nous rencontrons la même paix que lui parmi ces villages médiévaux - Murwa, Shey, Rohagaon, Tarakot. À une journée de marche se trouve une nouvelle tribu, peut-être une atmosphère totalement différente. Mais ce qui rend la recherche plus intéressante, c'est que son objectif s'est déplacé de la naissance à la mort et à la transfiguration.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Au paradis

4.25/5 : Peter Matthiessen nous a quittés en 2014 en nous laissant un dernier roman : Au Paradis, un titre évocateur pour un roman qui ne laissera personne indifférent.



Laissant de côté ces thèmes récurrents inhérents à la cause amérindienne ou à l'environnement, l'auteur s'attaque à un pan historique connu, terrible : celui des camps d'extermination. C'est ainsi que plusieurs personnes d'origine, de sexe, d'âge, de nationalité différentes, aux croyances parfois divergentes vont se rejoindre dans une retraite à Auschwitz. Par la même occasion, un universitaire américain va en profiter afin d'approfondir ses recherches professionnelles mais aussi personnelles...



Ce que j'ai aimé, ce qui m'a frappée dans ce livre c'est cette confrontation entre la rancœur et la volonté de pardonner, entre le silence omniprésent et la parole salvatrice, entre le passé et le présent, entre des descriptions apaisantes et des dialogues vifs, entre tous les protagonistes. En effet, ce livre est à la fois poétique, sensible, il aborde une thématique difficile avec une sagesse littéraire et une maturité rare.



L'écriture est vraiment agréable, fluide, sincère, juste, elle est limpide et descriptive, elle n'en dit jamais trop, elle joue sur les silences et les non-dits. C'est une écriture parfaite pour ce sujet. J'ai adoré chaque personnage, ce microcosme mettant en exergue tous les conflits antérieurs et à venir, la haine omnisciente qui parfois disparait au profit du partage.



En définitive, un ultime roman qui démontre encore une fois que Peter Matthiessen était, EST un très grand écrivain.
Lien : http://leatouchbook.blogspot..
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Les Indiens d'Amérique du Nord

De 1832 à 1839, Georges Catlin sillonna les grands espaces de l’ouest américain, en remontant le Missouri et en allant jusqu’aux Rocheuses, à la recherche des tribus indiennes les moins touchées par la « civilisation » qui se ruait déjà vers eux. À une trentaine d’années de distance, il partit sur les traces des grands explorateurs Lewis et Clarck et, comme Audubon, il fut aussi un peintre de paysages et de portraits de chefs Peaux Rouges. Ses tableaux, rassemblés dans un musée, figurent parmi les rares documents permettant de se faire une idée de la vie des tribus indiennes juste avant l’invasion yankee et la fin de cette civilisation singulière. En effet les Indiens d’Amérique passèrent d’une population de 16 millions d’habitants à seulement 2 en fort peu de temps, victimes du whisky, de la variole et de la guerre. D’abord repoussés au-delà du Mississippi, puis de plus en plus loin vers l’ouest, sur des territoires de plus en plus déserts, tous firent néanmoins un excellent accueil à Catlin.

« Les Indiens d’Amérique du Nord » est un essai anthropologique d’une lecture un peu laborieuse. En effet, cet ouvrage illustré de nombreuses reproductions de tableaux de l’auteur et composé de 58 lettres suivies d’un appendice consacré à un plaidoyer en faveur des Indiens et d’un réquisitoire enflammé à l’encontre des Visages Pâles, ne suit ni un ordre chronologique vu que ce n’est en aucun cas un récit de voyage classique, ni une forme thématique. Le résultat donne une accumulation de redites comme la chasse aux bisons qui est décrite à de multiples reprises. Sans parler des longues descriptions de paysages. Paradoxalement, le lecteur en apprendra moins sur les us et coutumes de ces populations disparues que dans les ouvrages de la collection « Terre Humaine » par exemple. Il découvrira cependant que la viande de chien, les queues de castor et les langues de bisons figurent parmi les plats les plus recherchés de leur gastronomie, que l’Indien est superstitieux et qu’il a un grand sens de l’honneur. Il place autour de sa taille et un peu partout sur ses vêtements les scalps pris sur ses ennemis tués au combat. Plus il peut en exhiber, plus il sera considéré comme un guerrier respecté. Il garde en permanence une bourse à médecine qui contient des gris-gris censés le protéger. Il pratique la polygamie, seule organisation permettant de compenser les pertes en hommes des perpétuelles guerres entre tribus. On passera sur les supplices d’initiation très bien décrits pour ne pas choquer les âmes sensibles. Il ressort de ce témoignage une impression mitigée. Bien sûr, ces pauvres gens furent broyés impitoyablement, comme par un rouleau compresseur. Mais ils eurent une certaine part dans leur destinée. Leur chasse au bison était avec aussi peu respectueuse du maintien de l’espèce que celle des chasseurs yankee (Buffalo Bill). Ils contribuèrent pour une part à la disparition de l’animal qui était garant de leur survie. Ils ne surent pas se fédérer, étant perpétuellement en guerre les uns contre les autres. Très peu parvinrent à passer du statut de chasseur-cueilleur à celui de cultivateur. Ils furent aussi d’une grande naïveté dans les négociations des traités de paix, véritables marchés de dupes. Une tragédie et un génocide dont les Américains resteront éternellement responsables.
Lien : http://www.bernardviallet.fr
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Le Léopard des neiges

Je conseille volontiers 'Le Léopard des neiges' à ceux qui aiment les récits de voyage qui impressionnent, l'aventure dans l'Himalaya, ses contraintes et ses risques, la beauté non sans douleur de ce type d'expédition comme on n'en fait plus beaucoup aujourd'hui...



Le 'Léopard des neiges' de Peter Matthiessen est le récit de son expédition durant trois mois dans l'Himalaya. Il accompagne le zoologiste George Schaller, l'initiateur et "patron" du voyage. Ils vont parcourir depuis le Népal dans la région du Dolpo, jusqu'à Shey au Tibet, des régions perdues, franchir des hautes chaînes de montagne comme le Kanjiroba ou le Dhaulagiri, traverser des petits villages retranchés en altitude.



Matthiessen est donc l'invité de Schaller, venu étudier les bharals, sorte de mouflons entre l'ovin et le caprin et, sans trop y croire, rencontrer le légendaire et rarissime léopard des neiges.



Chacun des deux mène sa vie, accompagnés des sherpas et guides qui parfois agacent, tantôt chaleureux, confiants et admirables, tantôt semblant prêts à tout abandonner, et pour continuer, réclament quelques roupies de plus. Une amitié est née avec ces hommes si précieux dans l'expédition que la vie de tous dépend d'eux, qui doivent porter les lourdes charges, guider le groupe sur des chemins escarpés et dangereux jusqu'à 6 000 mètres d'altitude où l'air est rare et glacial, les paysages époustouflants.



Matthiessen ne parle pas beaucoup de Schaller sauf pour se plaindre parfois de ses exigences, de son comportement glacial et renfermé mais aussitôt dit, il se ravise et comprend qu'il s'agit de respect d'un homme discret pour l'intimité des autres. Leur but est différent. Schaller est un zoologiste en mission ; Matthiessen est quant à lui dans une quête spirituelle bien que non définie comme telle, après la mort de sa femme, et à la recherche de l'"éveil", malgré les recommandations de son maître Zen Sohen Roshi qui l'a averti : « n'attends rien » (de ce voyage).



Matthiessen est bouddhiste, tout comme les sherpas qui accompagnent l'expédition. Chaque jour, il nous confie ses impressions quotidiennes, décrit les étapes qui sont enfin franchies, les camps de base sommaires, les paysages dans la neige imprégnés de yin-yang, les pics vierges scintillant dans la lumière, la glace et le ciel bleu lavande, les chants des populations locales (tels les Ring-mos), les ravins vertigineux et les cols où les passages à quatre pattes, agrippé aux parois ! Sur chaque rocher, on entend le 'Om mani padme hum', mantra bouddhiste en écho des moulins à prières, les drapeaux qui claquent au vent et dispersent les prières à chaque passage de col, ou encore écrits sur un stupa… Il nous explique en action, dans ce livre, la philosophie des bouddhistes tibétains, lui le bouddhiste zen, la signification des fresques, des décorations, des croyances, des symboles, des mots.



Ce récit de voyage est une véritable bouffée d'air bien frais, c'est le cas de le dire, paisible et enchanteresse malgré le danger, qui fait frémir la petite fibre spirituelle, que nous avons tapie au fond de nous ! Immergée dans la philosophie bouddhiste-en-acte, j'ai vraiment aimé, c'était pour moi une méditation et la découverte de paysages splendides et impressionnants.

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Le Léopard des neiges

Ce livre est un récit qui peut parfois être déroutant, l'auteur nous fait certes partager les chemins qu'il a pris en quête de cet animal quasi-mythique, tant il est rare aux yeux de l'homme, mais il nous emmène aussi souvent sur les sentiers de sa réflexion et de ses inspirations, empreintes de préceptes relevant du boudhisme. La circonvolution prise par Peter Matthiessen nous entraîne donc ailleurs qu'à la recherche du fabuleux fauve, et si l'on ressent les aspérités de la route enneigée, on se perd parfois dans les limbes de certaines pensées trop personnelles. On retient cependant la lumière des paysages, la particularité de l'aventure et la force de la volonté humaine dans cette quête ou la panthère des neiges apparaît comme une possibilité de rejoindre l'insondable.
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Silences africains

J'aurais pas dû .

Je savais bien pourtant que la lecture de ce livre allait exacerber ma détestation de l'Homme (avec un H majuscule s'il vous plait). Je savais bien que je me complairai dans un masochisme vain et stérile. Ce livre je le connaissais déjà avant de l'avoir lu.

"Silences africains" de Peter Matthiessen trainait depuis longtemps dans un carton , destiné à un vide-grenier estival , je l'avais acheté parce que j'avais beaucoup aimé "Urubamba" et surtout le superbe "Léopard des neiges".

Mais j'avais toujours remis aux lendemains de disette littéraire la lecture de ce récit naturaliste en Afrique. Je savais trop bien ce que j'allais y trouver.

Il est un lieu commun que nous servent rituellement les news hebdomadaires (l'Obs, l'Express, Le point...) : " Le décollage économique de l'Afrique" ! "L'Afrique sort de la pauvreté" , " L'Afrique profite de la mondialisation" .....Ouais...

L'Afrique je la connais un peu. J'ai pratiqué. Il y a longtemps. C'était mon époque tiers-mondiste . René Dumont (mon idole de l'époque) , venait de publier " L'Afrique noire est mal partie". Le choc. Alors comme ça les valeureux révolutionnaires qui ont chassé les affreux coloniaux ne seraient que des accapareurs d'une autre sorte ? Dumont pointait les errances des politiques agricoles , les obscurantismes séculaires, l'impéritie des nouveaux pouvoirs. Un peu plus tard (entre temps je me suis régalé de pas mal de livres sur l'Afrique mais qui ne m'ont pas enthousiasmé outre mesure ) , j'ai lu "Safari noir" de Paul Théroux . Coup de boule ! ce livre écrit dans les années 2000 est le récit du voyage du Caire au Cap par le grand voyageur américain (une autre de mes idoles ) Paul Theroux, bon connaisseur de l'Afrique de l'est pour y avoir enseigné dans le Peace Corps dans les années 1960. Son récit montre une Afrique crépusculaire, plus pauvre qu'à l'époque des colonies, où les guerres et la succession lancinante des coups d'états ont ravagé ce qui reste des états issus des indépendances. Son constat est sans appel , a mille lieues des enthousiasmes mondialistes des news précités.

"Silences africains" est dans la même veine ; avec juste un éclairage différent. Peter Matthiessen est un touche à tout naturaliste : ornithologue, biologiste, journaliste, écrivain... "Silence africains" est la compilation de trois voyages qu'il effectua dans les années 1980 en compagnie de plusieurs spécialistes de la faune africaine dont George Schaller avec qui il partagea les aventures népalaises du "Léopard des neiges".

Partis à l'origine avec quelques buts scientifiques bien précis (découvrir le "fameux" éléphant pygmée" dont parlent tous les explorateurs , faire l'état des lieux des réserves d'animaux sauvages, mesurer l'impact de la pression démographique sur les espaces naturels) , nos biologistes vont faire le constat amer du grand silence africain. La savane est vide, la forêt est atone. Les animaux ont disparus. Les guerres civiles incessantes, la pression démographique, les habitudes ancestrales, ont eu raison de la grande faune africaine. Matthiessent constate. Il constate surtout que les responsabilités sont multiples et partagées. Difficile de pointer du doigt un responsable unique. Peut-être en premier lieu la vacance du pouvoir dans des états livrés à la corruption, au jemenfoutisme, à l'aquabonisme. L'Occident (c'est à dire en fait les Multinationales Occidentales ! ), a bien sûr sa part de responsabilité dans l'affaissement brutal des populations animales . Mais il me semble que désormais tous ces états africains sont souverains depuis au moins cinquante ans, et qu'il leur serait facile de dire non si leur classe politique avait un tant soi peu de vertu matinée d'un souci du bien public ; ce dont je doute.

Les 300 pages du livre m'ont mis dans un état de prostration dont j'avais anticipé les effets par quelques provisions d'alcools forts. Même les "natifs" (on marche sur des oeufs de nos jours ...) , ne trouvent pas grâce aux yeux de Peter : les Pygmées qu'il côtoie sont dénaturés. La soi-disant empathie que les peuples primitifs éprouvent pour les proies qu'ils chassent est bien une illusion d'ethnologue idéaliste . Donnez leur des armes à feux et l'éthique sera remisée au fond de la case ; on a connu ça avec les bisons et les indiens...

Tristes tropiques.... Silence des grandes forêts du Congo, des savanes ivoiriennes, des marécages centrafricains.

Peter Matthiessent se veut optimiste, à la fin de son livre, en misant sur la raison des hommes et l'opportunité qu'on les Etats africains de gagner de l'argent en promouvant les parcs nationaux . C'était il y a 31 ans. Et je n'y crois pas une seconde. Aujourd'hui il ne reste que quelques centaines de Rhinocéros en liberté ; de quelques millions d'éléphants en 1986 la population de ces animaux se compte désormais en dizaine de milliers. La Chine achète à la fois les consciences africaines et des milliers de kilomètres carrés de terres arables d'où les paysans sont chassés sans compensations. Oui l'Afrique est mal partie.
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Le Léopard des neiges

Je me suis trompée dans mon choix de lecture. C’est à cause d’un montagnard italien. Grâce à Paolo Cognetti j’ai fait ce choix de lecture maladroit : après avoir été séduite par Les Huit Montagnes, j’ai appris qu’il s’est rendu au Tibet, inspiré par l’ouvrage de Matthiessen. Sacré parcours : il est devenu moine bouddhiste, après un certain temps passé au service de la CIA !





J’aurais dû faire attention aux comptes rendus des autres lecteurs et à la quatrième de couverture - tous parlent clairement d’une quête spirituelle (pas ma tasse de thé).

Le journal de cette expédition me semble plutôt répétitif.

Qu’est-ce que j’attendais ?

Des anecdotes, de l’exotisme ?

« L’usage du monde » ?





Extraits :

Je suis tombée sur ce paragraphe qui m’a fait sourire :

« Prend garde, ô Pèlerin, à ne pas mépriser les fonctions prétendues inférieures, car elles aussi sont porteuses du miracle inhérent de la vie. Un grand maître n’a-t-il pas connu l’illumination en entendant choir son propre étron dans l’eau ? La transparence elle-même, ô Pèlerin, peut être un obstacle, si tu t’y attaches. Evites de t’attarder sur la Montagne de Crystal… » p278

Chapeau bas, les gars ! Un tel voyage mérite considération.

« GS [le zoologiste George Schaller] estime que notre voyage a eu la qualité d’une aventure parce que nous ne dépendions que de nous-mêmes et que dans cette entreprise à l’ancienne mode [il n’y avait] ni véhicules, ni médecin ni radio et encore moins de parachutage de matériel, d’équipes de soutien de soutien et autres accessoires des expéditions modernes. » p 274

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Le Léopard des neiges

Magnifique récit d'un long trekking au Dolto, à l'époque où cette région du Népal, située non loin de la frontière du Tibet, n'était que peu fréquentée par les Occidentaux, et les touristes en général. Deux autres livres m'ont donné envie de découvrir ce livre de Peter Matthiessen (écrit en 1978). Il s'agit du dernier roman de Paolo Cognetti, "Sans jamais atteindre le sommet" et de celui de Rick Bass, "Sur la route et en cuisine avec mes héros". J'ai beaucoup apprécié la partie "voyage" du récit, la description des paysages parcourus et la richesse des rencontres humaines au fil des jours. Les nombreux passages "introspectifs" apportent une dimension supplémentaire au journal de bord que rédige Matthiessen ; j'avoue avoir beaucoup moins accroché à la partie mystique et aux nombreuses descriptions liées à l'histoire et aux pratiques du Bouddhisme. Ces passages consacrés à la religion sont nombreux et j'en ai trouvé certains carrément fastidieux, d'où ma note un peu mitigée.

J'ai choisi deux citations extraites de ce livre qui montrent la richesse et la poésie du style de l'auteur, parfaitement adapté aux aspects grandioses du paysage.

Le livre terminé, je n'ai qu'une envie : relire le Paolo Cognetti. L'auteur italien marche sur les traces de Peter Matthiessen et compare à de multiples reprises ces vallées profondes et ces cols arides que tous deux ont arpentés. Presque cinquante années séparent les deux voyages ! Quant au léopard des neiges ? Eh bien vous verrez ce qu'il en est en regardant par dessus l'épaule des deux auteurs !
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Le Léopard des neiges

J’avais attendu cette lecture depuis longtemps poussé par celle du jeune auteur italien qui aime la montagne Paulo Cognetti. Chose faite mais marquée par la déception du sujet, du style et de l’histoire. L’introspection est sans intérêt et peut être même datée. Le léopard des neiges, dit on, est un prétexte à une quête de soi-même… possible mais j’avoue avoir trouver cette recherche himalayenne longuette.
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Le Léopard des neiges

Le léopard des neiges est un livre culte mais peu connu.

Il retrace la formidable aventure d'un écrivain en pays inconnu: au cœur du Tibet profond, dans le Dolpo intérieur, Matthiessen part avec son ami George Schaller à la recherche d'un animal mythique, le léopard des neiges.

Des tracas de la route et de la quête de ces animaux méconnus qui peuplent ces régions presques désertes et très inhospitalières, nous n'en sauront finalement qu'assez peu.

Car Matthiessen se concentre en fait plus sur son voyage intérieur. Lecteur et pratiquant assidu des sagesses de l'orient, il prend cette aventure comme une épreuve, une pierre de plus sur son chemin vers l'éveil, racontant des anecdotes connus des sages bouddhistes et zen, des épisodes de sa vie, son regard sur celle-ci à la lumière des sages et ce que ce voyage lui apporte.

C'est donc surtout un texte sur la lumière intérieure et le message des textes bouddhistes que ce livre. On aimerait aussi avoir la vision de Schaller pour en savoir un peu plus sur l'apport scientifique de ce voyage passionnant !
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Au paradis

Une centaine de personnes se rassemblent dans l'enceinte d' Auschwitz, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la libération du camp, pour prier,méditer et témoigner.

Un des participants, Clements Olin, universitaire américain, s'interroge sur l'utilité d'une telle démarche, entraînant plus de conflits, souvent absurdes, entre les participants de confessions et de nationalités différentes, que de sérénité. La présence de nonnes catholiques (nous sommes au début de l’installation, très controversée d'un Carmel catholique dans l’enceinte du camp d'extermination) ne faisant qu'exacerber les tensions.

Progressivement, Clements Olin devra quitter sa position d'observateur , interroger sa propre histoire et ses origines polonaises, et s'impliquer bien plus qu'il ne le voulait au départ car "cet endroit l'a attendu toute sa vie, depuis les cauchemars de son enfance."

Le titre, éminemment ironique, donne le la de ce roman qui, nourri d'informations et de réflexions, multiplie les ruptures de ton afin de mieux déstabiliser et interroger son lecteur. Ses personnages ne sont jamais manichéens, ni donneurs de leçons , chacun étant renvoyé à ses propres limites devant l'indicible. Un texte fort et intense.
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Tigres dans la neige

Abandonnant page 52 avec un soupir un roman de la rentrée littéraire, joli, bien écrit, mais un peu plan plan, après un regard sur la fin quand même, je saute d'un bon sur ces Tigres dans la neige, qui me permettront de découvrir (un peu) Peter Matthiessen.



Ecrivain et naturaliste, cofondateur de Paris Review, il a écrit de la fiction et de la non-fiction sur divers thèmes, à ce que m'apprend wikipedia, et il relate ses différents voyages à l'est de la Sibérie, où vivent quelques centaines de tigres, pour combien de temps encore? L'opération Tigres de Russie est un projet conjoint entre les autorités russes chargées de la protection du tigre et des biologistes américians de la faune sauvage. Ceci au tournant des années 80-90, lors de la dislocation de l'Union soviétique, quand les problèmes humains étaient plus criants que ceux des tigres.







"Où qu'il vive, le tigre est au sommet de la pyramide écologique et la santé de la population féline est le meilleur indicateur de la bonne santé de l'écosystème de façon générale. En régulant le nombre des populations herbivores par sa prédation, il assure une stabilité et une biodiversité du système. "







Les populations rurales démunies obligées de partager le territoire avec le tigre, ou bien de quitter leurs terres, même si l'animal était révéré par des ancêtres animistes, ont bien du mal à comprendre les mesures prises pour sauvegarder le tigre. Lequel n'a pas l'homme à son menu en priorité, mais hélas attaque parfois lorsqu'il manque du gros gibier qu'il consomme ordinairement. Gros gibier disparaissant suite à la déforestation, l'agriculture, la chasse et le braconnage. Autre danger guettant le tigre, l'appauvrissement génétique.







La bête est forcément magnifique, pouvant atteindre 2,70mètres à 3,60 mètres de long depuis le museau jusqu'à la base de la queue, et dans les 300 kg, pour un mâle.





Peter Matthiessen ne se contente pas de donner des nouvelles (pas très optimistes) du projet, il évoque les différents habitats du tigre en Asie (Inde, Chine, Indonésie,...), la situation actuelle des parcs et réserves censés le protéger. L'appât du gain est souvent le plus fort (peaux prisées au Moyen Orient, os et autres utilisés dans la pharmacopée orientale), forêts mises à mal par les grandes compagnies étrangères ou nationales. Quand les interdictions de chasse sont respectées, quand la population locale se sent concernée et reçoit un salaire décent, il y a un léger mieux, mais c'est extrêmement fragile. Verra-t'on disparaître l' "amba", respecté par les populations indigènes nanaï et oudègué, chassant pour consommer et ne tuant pas plus que nécessaire pour ne pas "ôter le pain de la bouche au tigre"?







Conclusion : Peter Matthiessen lui même n'a aperçu qu'une seule fois un tigre sauvage, expérience qui lui a laissé un souvenir durable, et je le comprends! Son récit est bien documenté, écrit sobrement., lucide. Le tigre de Sibérie n'est pas encore tiré d'affaire, la situation est fragile, et ailleurs en Asie cela semble encore pire.



Première rencontre avec cet auteur, qui n'a pas l'humour d'un Durrell et l'enthousiasme d'un O'Brien, mais je devrai me faire une raison!
Lien : http://en-lisant-en-voyagean..
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Silences africains

Les animaux sauvages produisent la « viande de brousse », complément alimentaire indispensable aux Africains. Sur la côte occidentale africaine peuplée de longue date, toutes les espèces animales sont touchées par la chasse, le braconnage, la disparition de leurs milieux. La grande faune est à l’agonie. Les silences africains explosent aux tympans de l’auteur même lorsqu’il est en visite dans les rares parcs nationaux du Sénégal, de la Gambie et de la Côte-d’Ivoire. Peter Matthiessen raconte son odyssée et son immersion sur le continent noir. Les portraits sont pris sur le vif tel celui du guide et chauffard Baba Sow ou encore celui de Touré Basamanno. Les scènes défilent, les anecdotes s’empilent et la vie africaine prend forme, convaincante. Le périple se poursuit au Zaïre, grand comme quatre-vingt fois la Belgique. La description de Kinshasa est dantesque avec ses quatre millions d’habitants, en 1978, entassés dans des bidonvilles sans aucune hygiène : « Les ordures et les eaux sales sont devenues un élément du paysage. A l’aéroport de N’dola, dont les hangars déglingués et les bâtiments abandonnés sont pris d’assaut par les réfugiés, les pistes sont couvertes d’excréments humains. Les Zaïrois sont fiers de leur seule ville, qu’ils appellent affectueusement « Kin ». Les Belges lui ont donné le nom de « Poubelleville ». Dans ce contexte, la découverte des gorilles au Rwanda apparaît miraculeuse : « un bébé gorille… tendit les bras, je le serrai contre moi comme un enfant, en mettant ma main sous ses petites fesses. » L’exploration du bassin du Congo à la recherche de l’éléphant de forêt pourrait apparaître comme une bouffée salutaire pour Peter Matthiessen mais il s’agit d’estimer les chances de survie de l’espèce en fonction du braconnage. On retrouve annuellement sur le marché international sept cent cinquante tonnes d’ivoire. L’espèce accuse probablement un déclin accéléré : « Etant difficile d’accès et faiblement peuplé, le bassin du Congo reste encore largement intact mais il n’y a aucune raison d’espérer qu’il le restera ». L’auteur remarque tout lors de son passage et il rédige sans aucun parti pris ses impressions de voyage. Il devrait se trouver au cœur de la vie animale mais déjà le pouls de la nature vierge bat de plus en plus faiblement. En vingt-cinq ans, il constate : « En février 1961, cette mare était pleine d’hippopotames ; aujourd’hui, on n’en voit plus un seul. Les douze mille éléphants que comptait le parc [Kabalega en Ouganda] ont été réduits aujourd’hui à trois cents… » « …victimes des tirs d’armes automatiques des armées en maraude » quand ce n’est pas l’« empereur » Jean Bedel Bokassa qui commandite en République centrafricaine le massacre de « trente mille éléphants par hélicoptères de combat » afin de fournir son entreprise familiale, La Couronne, qui détenait le quasi monopole des exportations d’ivoire. Les défenses d’ivoire sont maintenant prélevées sur des jeunes éléphants immatures, les grands mâles ayant été exterminés. En 1887, l’explorateur Stanley notait dans son journal : « Chaque défense, chaque débris, la moindre parcelle d’ivoire possédée par un trafiquant arabe est teintée de sang humain : un demi kilogramme a coûté la vie à un homme, à une femme ou à un enfant ; pour moins de trois kilogrammes, on a brûlé une case ; pour deux défenses, un hameau entier a été détruit… » Le sort du rhinocéros blanc est aussi dramatique : « En quelques années, les Simbas massacrèrent quatre-vingt-dix pour cent des rhinocéros blancs dans le seul but de vendre leurs cornes pour s’acheter de nouvelles armes ». Au début des années 1980, il en subsistait moins de vingt. Le lecteur n’échappera pas au tournis et à l’inévitable mélancolie en face d’une maladie proliférante qui consiste à détruire de manière irrémédiable et systématique toutes les richesses humaines et animales d’un continent unique. Ce terrible constat s’applique à la terre entière mais Peter Matthiessen se garde bien de proférer des sentences et des phrases définitives. L’exploration de la forêt primaire en compagnie de l’écologue David Western et des pygmées Mbutis arrive en fin de parcours, après de multiples vicissitudes comme si un temps de décantation était nécessaire avant d’entrevoir la beauté du monde : « De plus en plus gêné de faire intrusion dans cet univers, on avance avec précaution et on se laisse envahir par le sentiment d’une immense harmonie. La poussière du monde tournoie comme dans une cathédrale dans les longs rais de lumière tombant du ciel. » Le journal d’exploration de Peter Matthiessen n’est pas aussi intime et touchant que « Le léopard des neiges » mais il relate avec vie et humanité tous les silences africains du monde.
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Far Tortuga

La quatrième de couverture convoquait Melville et Conrad. Je n'ai trouvé qu'un modeste Ketch, mal équipé, à demi châtré, au bord duquel des malheureux s'acharnent contre des tortues vertes déjà en voie de disparition. Pas même le fantôme du capitaine Achab, et un Kurtz pâle et zombi. Plus un documentaire qu'un roman pour cette œuvre paru en 1975. Néanmoins une belle d'écriture poétique et graphique bien servi par un grand traducteur Brice Matthieussent et par un éditeur consciencieux.



J'ai voulu voir si les tortues étaient mieux traitées 50 ans après. Pas déçu :



« Depuis le début de la crise sanitaire liée au Covid-19, les plages de Mayotte connaissent une forte augmentation du braconnage des tortues vertes (Chelonia mydas). Les braconniers tirent profit du fait que les associations, les gardes du conseil environnemental, la police et les touristes soient confinés pour agir en toute impunité. »
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Au paradis

À travers le pélerinage d'une centaine de personnes venues se recueillir à Auschwitz, l'écrivain américain décédé en 2014 s'interroge sur l'holocauste, l'indicible et la résurgence de l'antisémitisme.
Lien : http://www.lefigaro.fr/livre..
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Le Léopard des neiges

LE LÉOPARD DES NEIGES de PETER MATTHIESSEN

L’auteur part en septembre 1973 avec le zoologiste Georges Shaller pour le Dolpo dans le but d’étudier le mouton bleu et éventuellement le très rare léopard des neiges. C’est un long voyage qui commence par le nord de l’Inde puis le Népal. Georges est un taiseux les discussions se font rare, Peter lui est pétri de bouddhisme, de méditation et surtout des souvenirs de sa femme morte récemment. De longues marches souvent difficiles, des porteurs qui négocient en permanence leurs prestations, heureusement le tout dans un décor irréel autour de 4000/5000m en contemplant les sommets autour de 8000m dont les pentes sont couvertes de rhododendrons. Ils arrivent finalement à la montagne de cristal dans le Dolpo près de Shey, accès compliqué à cause de la neige, on est en novembre. Les moutons bleus sont bien là, des bharals ainsi que des loups. Georges commence ses observations et note assez rapidement des traces de léopards. Ils séjournent sous la tente, sont hébergés dans un monastère, rencontrent des lamas, continuent leurs investigations. Peter quittera Georges le 16 novembre et ce dernier entamera son retour le 1er décembre.

Récit entièrement biographique, passionnant dans la partie initiale, les décors montagneux les recherches de passages pour certains cols le somptueux environnement les dialogues avec les porteurs et puis il y a les interminables considérations philosophiques et bouddhistes dans lesquels Peter nous entraîne sur des pages et des pages et j’avoue en avoir sauté un certain nombre…les différences entre les différentes sectes bouddhistes, les noms des lamas, c’est beaucoup trop pour moi bien que le nom de certains gourous m’aient rappelé des temps anciens😇 A noter que plus tard Peter deviendra moine.

Reste que c’est un bouquin intéressant sur un secteur difficile d’accès, les aventures pour y arriver rappelleront sûrement des souvenirs à ceux qui sont passés par le Népal. Lisez le comme ça vous saurez s’ils ont vu un ou des léopards des neiges.
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Le Léopard des neiges

Un livre lent, une quête spirituelle, un voyage au bout du monde et de soi, à la rencontre de civilisations si différentes des de nous, au cœur de la Nature. Il faut prendre le temps, il y’a une habitude de lecture et se laisser porter. Un récit ardu mais qui vaut le détour
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