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Critiques de Petra Rautiainen (98)
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Un pays de neige et de cendres

Si vous aimez les grands espaces arctiques et leurs paysages de neige, si vous n’êtes pas insensibles à l’histoire du XXe siècle, alors partez à la découverte de ce premier roman tout-à-fait étonnant de la finlandaise Petra Rautiainen. L’intrigue mêle seconde guerre mondiale en Laponie, mystère d’une disparition, neige et nuit polaire et culture samie. Dépaysement assuré.

Tout commence en 1947, lorsque Inkeri Linddqvist arrive à Enontekiö. Journaliste et photographe, elle s’intéresse à la reconstruction de la région détruite par la guerre, mais sa motivation première c’est la recherche de la trace de son mari disparu dans un camp de prisonniers.

Finlandais et samis vivent côte à côte, et ils ont comme point commun de ne pas s’épancher sur ce terrible et trouble passé qui a bouleversé le pays. Grâce à Bigga-Marja, la journaliste va découvrir la culture sami. Les Samis, (et non les lapons, terme péjoratif) sont un peuple autochtone, à l’origine nomade, qui vivent dans le nord de la Finlande, de la Suède, de la Norvège et une partie de la Russie.

L’originalité de ce roman, c’est d’alterner deux périodes et deux voix différentes. La première est issue d’un journal écrit par un soldat finlandais envoyé comme interprète au centre pénitentiaire d’Inari en février 1944. La seconde raconte l’arrivée et l’installation d’Inkeri à Enontekiö en 1947. En slalomant entre deux époques, deux histoires, se construit peu à peu le puzzle de ce mystère qui entoure ce camp de prisonniers pas comme les autres et qui n’a jamais figuré sur les cartes. Que s’y passait-il vraiment ? Et que sont devenus ses gardiens et ses prisonniers à la fin du conflit ? Il y avait une femme parmi eux, Saara, mais qui était-elle exactement ? Olavi, qui l’a connue, dit qu’elle était « Une guérisseuse, une noaidi. Elle était saigneuse et infirmière dans les camps »

Inkeri va être confrontée à la chappe de silence des habitants, à commencer par Olavi, son colocataire, qui semble cacher des choses, comme cette photo prise dans le camp de prisonniers et qu’il tente de dissimuler dans les fondations de la nouvelle église.

« Pour bien mentir, il faut rester aussi proche que possible de la vérité, Olavi le savait »



On se prend d’affection pour Inkeri et son combat difficile pour connaitre la vérité. Rattrapée par son passé et ses années africaines aux côtés de son mari, elle tente, parfois avec maladresse de se lier avec les samis. Elle veut faire connaitre leur culture et, contrairement à ses contemporains, n’a pas d’opinion négative à leur égard.

L’intrigue se met en place petit-à-petit, et, au fur et à mesure que le mystère s’éclaircit, on découvre la vraie personnalité des personnages, et les intrications entre eux. C’est aussi une plongée dans une culture souvent méconnue avec ses croyances, ses rites et sa langue.

L’écriture est fluide, agréable, avec de nombreux dialogues, et la personnalité de chaque personnage bien cernée. Sur des bases historiques sérieuses, la romancière a construit une intrigue bien ficelée qui m’a tenue en haleine jusqu’à l’épilogue.





Ce roman est traduit du finnois par Sébastien Cagnoli. Spécialiste de culture finno-ougrienne et écrivain, il a traduit entre autres les romans de Sofi Oksanen. On ne souligne pas assez le travail de traduction qui demande des connaissances qui vont au-delà de la langue traduite, et il est dommage que le nom de Sébastien Cagnoli soit absent de la couverture et qu’on ne le trouve que sur la 4e de couv et à l’intérieur du livre.

Je remercie les éditions du Seuil et Babelio pour la découverte de ce premier roman.

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La Mémoire des mers

Je viens de terminer , la lecture de ce roman. Il y avait beaucoup de retours positifs, cela a titillé la lectrice qui est en moi.Une couverture alléchante, un résumé tentant, tout pour me laisser entraîner dans les contrés glaciales de la Laponie. le sujet de l'histoire sur le réchauffement climatique,et les les conséquences que cela engendrent sur l'environnement, sont très bien expliqués par l'auteur, ce qui fait peur pour les années avenirs Voila le gros dilemme qui se pose en moi, je ne savais pas si j'avais aimé ou pas ce roman, avais-je un avis mitigé Lors de l'écriture d'un livre il y a bien entendu un ou plusieurs personnages , pour alimenter l'histoire Ce qui m'a ennuyé dans ma lecture c'est le personnage d'Aapa, aucune empathie pour elle, dés le début, et cela a duré jusqu'au final. Elle m'a totalement agacée énervée, une envie de la faire sortir de là pour ne plus entendre parler d'elle, mais chose impossible évidemment et c'est bien dommage, du coup un livre que je vais vite oublier

Attention cela reste mon ressenti personnel, je respecte toujours le travail de l'auteur.
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La Mémoire des mers

Avec La mémoire des mers, l’autrice finlandaise, Petra Rautiainen nous emmène dans les contrées nordiques pour une enquête intime dans laquelle la mer occupe une place centrale.

Aapa, une jeune femme de quarante ans, travaille pour le compte d’une compagnie pétrolière, la Sté G. Oil à Miami, et plus spécialement dans la production de films publicitaires.

Aussi, lors du début de la conception d’un documentaire pétrolier, quand la direction a opté pour l’histoire du pétrole norvégien et a proposé comme témoin à interviewer Henrik Larsson, l’un des premiers foreurs du pays, l’un des plus doués, celui qui a trouvé le premier gisement près de Stavanger, Aava y voit là une chance de promotion. Étant du coin, elle connaît cet homme respecté partout et ne voit aucune raison qu’il n’accepte pas de coopérer.

Et donc presque vingt ans après avoir quitté les membres de la communauté kvène, une minorité en Norvège, Aava revient au Finnmark dans son village natal en 1980.

Mais, ce retour va être perturbé par une découverte essentielle sur un évènement qui l’a traumatisée quand elle était enfant, la mort de sa mère, une biologiste de renom, dans la collision d’un navire avec une baleine et dont le souvenir est encore très présent chez tous les habitants de la région.

En parallèle est dévoilé un journal de voyage en décalé tenu à bord d’un brise-glace transformé en vaste laboratoire de recherche, navigant dans les eaux norvégiennes avec pour objectif l’océan Glacial arctique.

La mémoire des mers de Petra Rautiainen est un retour aux sources à plusieurs niveaux. Il l’est pour Aapa, la mer en kvène, qui revient dans son ancienne maison, dans ce lieu où la mer est partout, où elle est vitale.



Retour aux sources aussi dans son esprit, qui, progressivement, va s’ouvrir pour démêler cet enchevêtrement d’informations plus ou moins vraies et enfin faire jaillir la lumière.

Cela a été aussi pour moi la découverte de ces populations minoritaires avec ce dialecte finnois qu’est le kvène, parlé uniquement dans le nord de la Norvège ou encore cette branche religieuse des laestadiens de Finlande encore présente.

Un univers particulier où la vie est rude et sobre, d’où sans doute l’explication de ces personnages avares de paroles et à la psychologie un peu difficile à cerner...

Mais avant tout, ce qui m’a le plus captivée, ce sont les réflexions sur le réchauffement climatique qui privera les eaux marines de leur oxygène entraînant donc la disparition de nombreuses espèces animales au cours des cent prochaines années, mais aussi les recherches montrant que les baleines souffrent des forages pétroliers à grande échelle. Petra Rautiainen sait parfaitement insérer dans son roman ces enjeux climatiques au cœur de l’océan arctique.

Mais n’y a-t-il pas lieu d’être découragé de savoir que déjà en 1930 les professeurs Alister Hardy et Cyril Lucas alertaient sur la quantité de plastique ramassé dans les mers qui augmentait au fil des ans, bien avant leur progression fulgurante, ou encore que, dès 1959, Edward Teller, un des développeurs de la bombe H, avait mis en garde les dirigeants du secteur pétrolier contre l’augmentation des niveaux de dioxyde de carbone et alertait de la probabilité d’un réchauffement climatique et d’une élévation du niveau de la mer d’ici la fin du XXe siècle…

La mémoire des mers de Petra Rautiainen, traduit du finnois par Sébastien Cagnoli, à la couverture superbe, se révèle comme un bel hymne à la mer, et à la nature en général, dans toute sa beauté et sa complexité et un roman profondément humaniste et écologiste.

Je remercie les éditions du Seuil et Babelio pour cet envoi.


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Un pays de neige et de cendres

Un pays de neige et de cendres est le premier roman d'une jeune auteure finlandaise de trente-trois ans, Petra Rautiainen, passionnée notamment par l'histoire du peuple Sami en Laponie.

Nous sommes tout d'abord en 1944 dans un camp de prisonniers dirigé par les Allemands, au milieu des étendues sauvages de Laponie... Nous découvrons le quotidien d'un camp, la survie, la cohabitation des détenus et des gardiens qui luttent pour préserver une part de leur humanité. Ici c'est une cohabitation compliquée entre Allemands, Finlandais, Polonais et Samis, ce peuple nomade originaire de Laponie...

Et ce récit construit sous la forme d'un journal va alterner avec celui d'une femme journaliste et photographe suédoise, Inkeri Lindqvist qui s'installe en 1947 dans la ville d'Enontekiö en Laponie, officiellement venue ici pour écrire un livre sur la reconstruction de la Laponie, mais en creux elle est à la recherche de son mari disparu durant la guerre... Nous allons suivre ses pérégrinations jusqu'en 1950...

C'est un roman surprenant, au rythme déroutant... Bien qu'ici il soit question de Laponie, c'est-à-dire de grandes étendues, des paysages de neige à l'infini, l'atmosphère est ici parfois étouffante, oppressante même.

Nous sommes pris par la main, entraînés dans cette oscillation, tiraillés presque par deux récits qui vont se parler, dialoguer entre eux, durant tout le roman.

Petra Rautiainen nous révèle un pan de l'Histoire sans doute méconnu pour beaucoup d'entre nous. Un épisode de la fin de la Seconde Guerre mondiale vécu sur ce territoire éloigné aux confins de la Finlande, théâtre des haines et des violences, des atmosphères de fin de guerre où l'ennemi sent que la victoire lui échappe irrémédiablement et, pour ne pas perdre la face, donne toute sa rage, toute sa haine, dans ce processus d'extermination final...

J'ai découvert ici un territoire qui fut déchiré par la guerre, avec des enjeux complexes entre Allemands, Russes, Finlandais où le destin du peuple Sami fut malheureusement oublié dans cette tourmente...

L'écriture est plutôt conventionnelle, bien que d'une splendide maîtrise. Cela tient sans doute à la manière ici de convoquer L Histoire, sa tragédie et des personnages hantés par le poids de cette douleur ; cela rend le roman prenant, addictif à certains endroits. On veut dérouler le fil jusqu'au bout du paysage...

Cette écriture tient sans doute aussi à sa traduction réussie. C'est un roman traduit du finnois par Sébastien Cagnoli ; j'ai découvert que ce dernier avait traduit il y a quelques années ce magnifique roman qui m'avait bousculé et émerveillé, Purge de Sofi Oksanen. Il n'y a pas de hasard.

Un pays de neige et de cendres... Pourquoi la neige, pourquoi les cendres ? La neige est là dans le paysage parfois ébloui par des journées sans fin où la nuit ne vient jamais, tandis que les cendres évoquent avec effroi les nuits intérieures, la barbarie à visage humain, le malheur du monde et la mort au bout du chemin, au bout de la geôle, derrière les grillages, dans la neige tâchée de sang...

Peu à peu les deux textes s'imbriquent et commencent à cheminer ensemble, entrer en résonnance, pour n'en faire qu'un au final.

Par le truchement d'une histoire secrète et tourmentée, nous venons aussi à la rencontre des Samis, peuple nomade voyageant vers le cercle arctique. Les nazis avaient à peu près la même considération à leur égard qu'ils en avaient à celle des tziganes... C'est dire...

Je me suis parfois un peu perdu dans cette intrigue qui porte bien sûr ce roman, reposant sur la disparition du mari de cette journaliste et qui lui donne tout son sens. Bien sûr, la tragédie de la guerre, sa douleur quotidienne telle que décrite, parfois cruellement et avec réalisme, ne peuvent laisser indifférent.

Mais la lumière de ce roman, suggérant l'émotion, m'est venue dans cette très belle relation d'amitié entre Inkeri Lindqvist et cette jeune adolescente Sami, Bigga, petite-fille du propriétaire qui l'héberge. La journaliste va lui enseigner l'art de la photographie, l'aider à s'émanciper d'un destin qui paraît parfois si tristement scellé dans un sort les éloignant de manière discriminatoire du droit à l'éducation. Elle va du reste donner des cours d'art et de photographie aux enfants du village, elle va peu à peu comprendre ce que tout un peuple a subi dans l'indifférence la plus totale. C'est beau et, contre toute attente, c'est ce pan du récit qui m'a le plus touché. Plus que l'intrigue...

Je remercie les Éditions du Seuil et Babelio pour ce beau livre reçu dans le cadre d'une opération Masse Critique.
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La Mémoire des mers

Voici un livre que je ne conseillerais pas à ceux dont la PAL déborde. Non que je ne l'ai pas aimé, mais il est de ceux que, à peine la dernière page lue et le livre refermé, je ne pensais qu'à ré-ouvrir pour mieux comprendre certains passages et les aborder avec toute la connaissance acquise au fur et à mesure de la lecture.



Aapa vit au États-Unis, mais elle vient de Norvège, pas vraiment norvégienne mais kvène, communauté de Laponie, tout au Nord du pays. Cela fait vingt ans qu’elle n'est pas revenue. Elle arrivera à temps pour revoir sa grand-mère, avant la mort de celle-ci, même si ce n'est pas l'annonce de son hospitalisation qui est à l'origine de sa venue. Elle va se trouver confrontée aux souvenirs du drame qui a marqué sa jeunesse et tout le village.

En parallèle avec le récit du retour d'Aapa, sont relatés des extraits d'un journal de bord. Une femme, sur un navire de recherche scientifique, dans l'océan glacial Arctique . On ne sait pas qui elle est, ni à quelle époque a lieu cette expédition ...



Un livre un peu étrange, à l'écriture particulière, qui ne se laisse pas apprivoiser facilement. Je me suis posée beaucoup de questions, je n'étais pas sure de tout comprendre, et même si beaucoup de choses s'éclairent à la fin de la lecture, tout n'est pas clairement explicité, mais suffisamment à mon avis. J'ai aimé cette approche un peu déroutante de l'histoire d'Aapa, Cette femme que son retour dans le village de son enfance va profondément remuer, au point de la rendre parfois injuste, parfois méchante, mais toujours touchante. Elle ne sait pas ce qu'elle va découvrir,elle sait que ce voyage dans le passé comporte des risques. Est-il toujours souhaitable de savoir ?



Il y est question d'industrie pétrolière, il y est question de baleines, il y est question de réchauffement climatique. Ce livre nous parle de tout cela, mais il est surtout découverte de personnages et de lieux magnifiques, dune communauté que je ne connaissais pas La mer y tient une place importante, elle joue le premier rôle dans cette communauté kvène , jadis chasseurs de baleines.



J'ai aimé suivre le cheminement d'Aapa, cheminement vers la vérité, la vérité sur le décès de sa mère, mais aussi sa reconnaissance de l'existence du réchauffement climatique et des conséquences tragiques de celui-ci.



Je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour l'envoi de cet ouvrage à la couverture magnifique.

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Un pays de neige et de cendres



Je remercie les Éditions du Seuil et Babelio pour ce beau livre reçu dans le cadre d’une opération masse critique.



J’ignorais totalement qu’en Finlande du nord dans leur toundra le peuple Sami aux beaux costumes lapons richement coloriés pouvaient souffrir des rafales de sable comme leurs frères dans le Sahara.



La neige du titre pendant la longue nuit d’hiver me paraît assez évident, les cendres par contre se rapportent à la dernière guerre mondiale et l’avance meurtrière des nazis dans cette partie périphérique du continent européen.

La neige noire des cendres, en somme.



Il s’agit d’un ouvrage particulièrement ambitieux qui en 2 temps, de février à septembre 1944, soit la période de guerre, et l’après-guerre, allant de 1947 à 1950, nous raconte les horreurs des hostilités entre différents peuples, tels les Finlandais, les Allemands envahisseurs et les Samis qui coexistent péniblement s’ils ne se battent pas et cela dans un climat impitoyable.



Les deux périodes ne se succèdent pas dans un ordre chronologique strict, mais nous sont présentées par deux personnages différents en de nombreux brefs chapitres qui s’alternent systématiquement.



Vu la conception originale et la structure spécifique de l’ouvrage et compte tenu des thèmes abordés, il est tout à fait surprenant qu’il s’agisse d’une première oeuvre littéraire par, en plus, une jeune écrivaine, car Petra Rautiainen n’a que 33 ans.

Que ce roman, paru initialement en Finnois en 2020, soit déjà traduit en 12 langues n’est, par contre, pas étonnant du tout.



Je partage l’avis de notre amie Regine, "Zephirine" sur Babelio, que la traduction française de ce livre par Sébastien Cagnoli est d’une qualité exceptionnelle, qui confirme ses talents déjà démontrés dans sa version française du roman superbe de Sofi Oksanen "Purge".



L’auteure, sans se lancer dans une étude ethnologique académique, nous apprend beaucoup sur le peuple Sami, estimé à quelque 84.000 citoyens actuellement et éparpillés en Finlande, Suède, Norvège et Russie. Un peuple situé au même niveau par les nazis que les Roms ... et donc à éliminer !



Je n’ai, hélas, jamais visité la Finlande, bien que ce pays, qui l’année dernière a été proclamé pour la 4e fois le "happiest country in the world", m’intrigue considérablement.

Heureusement que nous avons Sofi Oksanen, Arto Paasilinna, Paivi Alasalmi, Antti Tuomainen et autres auteur-e-s talentueux.

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La Mémoire des mers

Un grand merci à Babelio et aux éditions du Seuil...



Il y a presque 20 ans, Aapa quittait son Finnmark natal pour s'installer aux États-Unis. Travaillant pour le compte d'une compagnie pétrolière, à Miami, elle se voit proposer de retourner sur ses terres afin de tourner un documentaire pétrolier, plus spécifiquement l'histoire du pétrole norvégien. Aussitôt, le nom d'Henrik Larsson est sorti, étant l'un des premiers foreurs du pays. Si Aapa le connaît, elle sait aussi qu'elle a une grande chance d'obtenir une promotion. Au même moment, alors qu'elle tente de joindre sa grand-mère, c'est Edda, une cousine éloignée de sa mère qui répond. Elle l'informe que celle-ci est à l'hôpital, à l'article de la mort. Ce voyage vers ses terres natales sera peut-être l'occasion de renouer avec les siens mais fera aussi remonter de nombreux souvenirs, notamment le drame qui a bouleversé la communauté kvène en 1959...



C'est dans la communauté kvène, une minorité issue de l'immigration, dans le comté du Finnmark, qu'Aapa remet les pieds après 20 ans d'exil. Si ce retour aux sources s'effectue dans le cadre de son travail et coïncide avec l'hospitalisation de sa grand-mère, la quarantenaire va toutefois, bien malgré elle, être confrontée à son passé. Glaciale, parfois indifférente ou piquante, Aapa est une femme qui ne se laisse pas approcher. Pourtant, au contact d'Edda, d'un jeune garçon et d'Henrik Larsson, elle n'aura d'autre choix que d'ouvrir les yeux, de se rendre compte du dérèglement climatique et de l'impact des explorations pétrolières mais aussi de se confronter au drame qui a causé la mort de sa mère. Autant de thèmes captivants, riches et fort bien menés par Petra Rautiainen, qui trouvent écho au cœur de cette nature sauvage, parfois inhospitalière. En parallèle du cheminement d'Aapa, l'auteure dévoile quelques pages d'un journal de bord, anonyme et non daté, tenu sur un brise-glace dans les eaux norvégiennes. Un roman intrigant, humaniste et fort dépaysant...





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La Mémoire des mers

Aapa travaille pour une compagnie pétrolière . Elle revient dans sa région natale , le Finnmark, région septentrionale de la Norvège. Au delà du film de propagande qu'elle doit encadrer, les souvenirs reviennent, notamment ceux liés au décès de sa mère.



Certes, je n'ai pas été trop sensible au style de l'auteure et l'alternance entre son récit et un journal de voyage ne m'a pas apporté grand chose mais toujours est il que cette histoire, et le combat écologique sous-jacent, m'a touché.

La majeure partie de l'histoire se déroule dans les années 80 et la sonnette d'alarme a déjà été tirée. le réchauffement climatique démontré même bien avant avait ses partisans, notamment les pétroliers qui voyaient dans la fonte de la calotte glacière une belle occasion de faire main basse sur les fonds marins de cette zone.

Placer l'héroïne à la croisée des chemins , entre son métier et la vie dans le Finnmark étaye bien entendu grandement le propos de l'auteure et le cheminement d' Aapa tout au long du roman sonne comme un cri d'alarme .

Ce roman fait aussi la part belle aux baleines, dont le sort peu enviable est très touchant.



Un roman donc à l'intérêt stylistique neutre pour moi, mais dont le contenu est très intéressant et bien sur alarmant.

La couverture est particulièrement réussie.

Un grand merci aux éditions du Seuil et à Babelio pour leur confiance .
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Un pays de neige et de cendres

Tout d’abord, merci aux Éditions du Seuil et à une opération Masse critique privilégiée pour l’envoi de ce livre !



Jean Gabin nous chantait « Maintenant je sais, je sais qu'on ne sait jamais ».

Je me suis longtemps cru calé en histoire, j’ai appris depuis à être plus modeste …

Ce préambule pour vous avouer que je connaissais peu l’histoire de la Finlande et absolument pas son rêve passé de « Grande Finlande » avec une base raciale pure ni les mesures prises après la seconde guerre mondiale pour assimiler le peuple Same.

Les livres me permettent de continuer à apprendre et à réaliser qu’il me reste beaucoup à apprendre !

Petra Rautianien situe son roman en pays Same, en Laponie, zone au nord de la Finlande, de la Norvège, de la Suède et de la Russie.

Le récit s’articule autour de deux époques : la fin de la guerre, 1944-1945 et quelques années après, de 1947 à 1950.

La période de la fin de guerre est relatée par le journal de, Väinö Remes, un interprète finlandais employé dans un camp de prisonniers géré par les Nazis. L’après-guerre, présentée de manière plus traditionnelle, nous relate l’arrivée d’Inkeri Lindqvist, une journaliste et photographe venue réaliser un reportage sur le peuple same, mais ceci est un prétexte, en réalité elle veut surtout rechercher les traces de son mari prisonnier, disparu durant la guerre.



Les chapitres relatifs à ces deux périodes s’alternent et peu à peu construisent la trame de ce beau roman.

Son titre est éloquent : pays de neige car dans ce grand nord, le froid règne, la neige couvre tout, les saisons sont bien éloignées des nôtres, l’une avec des jours très longs et une luminosité aveuglante et l’autre plongée dans une nuit sans fin ; pays de cendre, car cette neige fut couverte de cendres par les Nazis. «Les cendres flottaient au-dessus des corps ».



Petra Rautianen est historienne de formation et a défendu une thèse sur les Sames, ce peuple lapon, éleveur de rennes et aux habits très colorés qui vit dans cette contrée sans en connaître les frontières. Sa bonne connaissance de l’histoire de ce peuple lui permet, par le biais de ce roman, de mettre en lumière des événements encore souvent occultés aujourd’hui même en Finlande. La lutte héroïque de ses soldats contre l’armée rouge est souvent le seul fait mis en exergue, ici l’autrice nous montre également la collaboration avec les Nazis allant jusqu’à se mettre sous leurs ordres, et l’idéal d’une « Grande Finlande » composée d’une race pure et asservissant les races inférieures.

« Ces peuples primitifs de cueilleurs du Grand Nord sont des marginaux, extérieurs à la civilisation véritable. Ils sont considérés comme une anomalie pathologique résultant de facteurs environnementaux ».

Ces races sont étudiées scientifiquement pour un programme de pureté raciale. Et cela a continué après guerre comme nous le montre l’autrice.



Mais laissons ici ces considérations historiques, je ne voudrais pas rebuter celui qui lit cet avis, si ce roman se déroule dans un contexte historique, il reste avant tout un véritable roman !



Les personnages, certains très attachants tels la petite Bigga-Marja et le vieux Piera, d’autres nettement moins reluisants, sont tous intéressants. Les relations qu’ils ont entre eux se dévoilent progressivement tout au long du récit, comme après la nuit polaire le lecteur découvre la lumière. Beaucoup de secrets entourent les personnages et Petra Rautianen réussit à ne les révéler que partiellement et lentement.



Je ne voudrais pas oublier de mentionner la presentation du camp de prisonniers et sa cruauté, la description du territoire same et de ses habitants poussés à s’assimiler.



L’autrice a un style caractérisé par des phrases courtes et beaucoup de dialogues. Le livre se lit facilement et avec plaisir.









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La Mémoire des mers

Savez-vous que la mer possède une mémoire ? Mémoire des fonds marins et du ressac, mémoire des espaces et des abysses, mémoire des vertiges... La mer se souvient là où les hommes ont oublié la part secrète de leur destinée. Parfois un peu de sable recouvre le chemin à l'endroit même où se terrent les mensonges.

Et derrière le grondement des vagues, il y a le chant des baleines...

Petra Rautiainen m'a entraîné dans un voyage inattendu en Laponie. Je me suis laissé happer dans la nasse d'une histoire étrange, singulière, mystérieuse... C'est là-bas que j'ai rencontré la narratrice, Aapa.

Nous sommes dans les années quatre-vingt, Appa habite désormais les États-Unis mais revient sur sa terre natale, la Laponie, à la faveur d'un documentaire qu'elle va réaliser pour le compte d'une compagnie pétrolière. C'est l'occasion pour elle de renouer avec les siens, des membres de la communauté kvène, une minorité en Norvège.

Mais sur cette terre du Finnmark, un événement traumatisant continue de hanter les esprits de ses habitants, c'est cet accident survenu en 1959 dont le rapport d'enquête a été mystérieusement censuré : un navire a coulé lors d'une collision avec une baleine, causant la mort de la mère d'Aapa, une biologiste de renom.

Ah ! Un petit détail qui a peut-être son importance : la biologiste avait observé que depuis quelques temps les baleines en mer baltique avait un comportement anormal...

Ce souvenir rejaillit lors de la venue de la jeune femme sur sa terre natale, c'est un peu comme ouvrir la boîte de Pandore vingt ans après. Alors forcément, Aapa a envie de savoir tout en ayant peur d'avancer, de découvrir la vérité...

Mais nous sommes dans la tête de la narratrice dont l'esprit confus oscille entre ce traumatisme qu'elle ressent encore intact en elle vingt ans après et son envie de franchir cette résistance, mettre de la lumière là où le silence a posé son voile de secrets et de mensonges...

Savoir... Ou ne pas vouloir savoir...

Ce qui est touchant, c'est la construction de ce très beau personnage féminin, totalement atypique, magnifiquement rendu par la manière qu'a Petra Rautiainen de nous emporter dans la nasse de son récit.

Nous percevons le dévoilement de cette vérité qui va peu à peu faire jour à travers le filtre de ses battements de coeur, de son regard, de son ressenti, de ses émotions. Nous sommes Aapa, tâtonnant dans les ténèbres, avançant, détournant les pièges... Elle nous révèle cela par bribes, cela se construit au fur et à mesure que nous avançons dans l'histoire.

J'ai beaucoup aimé ce récit aux allures de thriller écologique, avec pour toile de fond nos enjeux environnementaux, quelle planète allons-nous céder à nos générations futures ?

La mémoire des mers, ce livre s'aborde comme comme un beau retour aux sources, un territoire et une communauté qui se révèlent dans leurs sensibilités.

Le chant douloureux des baleines a touché mon coeur à jamais. On l'entend gémir presque à chaque page de ce beau roman, faisant de ce livre étonnant un chant profondément humaniste.

Cette autrice ne m'est pas inconnue. J'avais déjà apprécié pour son premier roman, Un Pays de neige et de cendres.

Je remercie Babelio et les Éditions du Seuil pour m'avoir permis de découvrir ce beau texte dans le cadre d'une Masse critique privilégiée.
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Un pays de neige et de cendres

Un premier roman prometteur.

J'avoue que la couverture assez clinquante et dans l'air du temps ne m'a pas donné envie d'y jeter un oeil. Mais le résumé m'a convaincu.

Une période historique maintes fois racontée mais à travers le prisme des peuples natifs finlandais. Assez original.

*

Deux trames temporelles très rapprochées permettent de s'immerger totalement dans le récit.

Des enjeux politiques et économiques sur cette portion de terre aux confins du monde intéressent beaucoup de monde, notamment les allemands. La barbarie ,la violence est ici corrélée avec la neige, le froid polaire....et les secrets.

C'est rude, brutal mais aussi émouvant dans cette amitié fortuite entre une fille nomade et une femme désespérée.

J'ai toujours voulu connaitre un peu cette culture sami. Et j'ai été gâtée par ce récit ethnographique.

Un ethno-polar réussi !
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Un pays de neige et de cendres

1944, Laponie. Vaïno Remes est traducteur et gardien dans un camp de prisonniers allemand. Il y rencontre Olavi, également gardien et raconte dans un journal qu'il tient mois par mois, son quotidien, celui des surveillants et des détenus, comme s'il s'agissait d'une manière de survivre et de se préserver, un moyen de libérer sa conscience.



1947, Enontiekiö. Inkeri Lindqvist, journaliste, s'installe en ville pour couvrir un reportage sur la reconstruction de la région après la guerre. Son mari y a disparu durant le conflit. C'est ainsi l'occasion de mener son enquête en parallèle. Inkeri cohabite avec un locataire, un ancien soldat. Il s'appelle Olavi Heiskanen.



Le roman est écrit en alternance entre la narration de Vaïno et celle d'Inkeri.



Vaïno met par écrit ce qu'il voit, ce qu'il fait ; parle des gens qu'il rencontre ; évoque ses émotions. Il retranscrit la situation telle qu'il l'a vit. C'est celle du camp, du nazisme et des expériences pratiquées. Vaïno parle d'Olavi, de Saara et de tous les autres. Il fait peser les silences et les non-dits.



De son côté, Inkeri s'attache à décrire ce qu'il reste des villes et du pays après le raz-de-marée de cette guerre. Destruction et poussière, voilà ce qui ressort de ses mots. Si son rôle principal est d'enquêter et de restituer ce que deviennent la toundra et les villages lapons, son but ultime est de savoir la vérité concernant la disparition de son mari.



Que sont devenus tous ces êtres chers que l'on a plus revu après la guerre ? Les preuves ont été effacées alors qu'en pleine reconstruction, des réponses sont attendues.



Grâce à ces deux temporalités, l'auteur évoque l'histoire de la Finlande durant la guerre de continuation, lorsque le pays, allié de l'Allemagne, combattait la Russie entre 1941 et 1944. Cette guerre était indépendante de la guerre mondiale, même si elle se déroulait en même temps. C'est une période que je ne connaissais pas avant ce livre, cette lecture m'a permis d'en apprendre beaucoup sur cette tragédie historique.



"Un pays de neige et de cendres" est un roman que j'ai beaucoup aimé, il retrace une partie de l'histoire des finlandais, du peuple lapon et notamment des samis, peuple vivant de l'élevage des rennes dans la plus pure coutume nordique. Il s'agit d'une lecture qui fait étrangement écho aux évènements qui frappent actuellement l'Est de l'Europe.

A vous de le découvrir...


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La Mémoire des mers

Encore une fois, grâce à Babelio et aux éditions du Seuil, je viens d’entreprendre un voyage lointain proche du cercle polaire, en Laponie. L’auteure Petra Rautianen m’avait déjà interpellée lors de son précédent roman « Un pays de neige et de cendre » sur les us et coutumes de ces habitants, les Sami, très proches de la nature.

Alors, même si la construction du roman est copiée sur celle du précédent : un journal de voyage et une intrigue quelque peu en décalé, l’histoire nous invite cette fois-ci à découvrir la communauté Kvene, population du Nord de la Norvège.



L’auteure puise son inspiration dans l’histoire des peuples du Grand Nord. Ses personnages sont issus des minorités qui peuplent ces étendues glacées et dont les immenses richesses souterraines attirent les compagnies pétrolières.



Ici, c’est Aapa qui a quitté sa communauté et qui revient au pays après une absence de près de vingt ans. Elle travaille pour une compagnie pétrolière, dans le département films, documentaires et propagande du groupe. Elle est chargée d’écrire des scénarios à la gloire des compagnies pétrolières et de leur donner ainsi une certaine couverture médiatique positive. Mais son retour fera remonter un événement tragique toujours en mémoire auprès des habitants. Et son regard sur son propre travail pourrait bien prendre un autre chemin…



C’est un roman très agréable à lire, riche en réflexions écologiques (réchauffement climatique, comportement des baleines), en découvertes de populations minoritaires.

Le lecteur accepte volontiers le lyrisme lapon et son petit côté surnaturel, qui relie l’autochtone à la nature, ici plus particulièrement à la mer.

Le seul bémol que je formulerai concerne les personnages. Il m’a été très difficile de m’attacher à l’un d’entre eux. Je les ai tous trouvés distants, plutôt mutiques, ne partageant jamais directement leurs pensées. J’aime entrer en communion avec les personnages, je me sens ainsi plus proche de leurs histoires, leurs revendications ou autres soucis. Mais ici, je les ai regardés à distance, sans me sentir concernée. Et pourtant…

Oui, pourtant, cette histoire est bien celle de notre époque : les enjeux climatiques au coeur de l’océan arctique.
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Un pays de neige et de cendres

Au coeur de la Laponie, de ses étendues neigeuses et de ces ciels où la lumière danse avec les ténèbres, un camp de prisonniers dirigé par les Allemands hérisse ce lieu sauvage de sa cruauté.



On oscille entre deux périodes, 1945 et 1947.

Olavi est un jeune soldat finlandais, traducteur dans ce camp sordide. Il est toujours à Enontekïo lorsque Inkeri, une journaliste photographe, vient enquêter discrètement sur la disparition de son mari pendant la guerre.



Tout au long de ce roman on plonge dans l'ombre de secrets, n'osant pas croire à leur noirceur. Pourtant l'Histoire nous a déjà révélé jusqu'où les hommes peuvent aller pour créer une race aryenne, jusqu'où leurs expériences peuvent défigurer l'humanité, s'arroger le droit de définir le peuple same, les Juifs et d'autres communautés, comme races inférieures, s'emparer de leurs biens, détruire leur culture, leur identité, leur droit à la vie.



Pendant ce temps la nature continue son cycle de beauté indifférente, inégalable. Sous son soleil de minuit, ses ténèbres de plomb ou étoilées de magie, ses ressources pillées attendent la fin de la tempête des hommes pour se reconstruire. Dans cet environnement venteux et glacial, les fleurs résistent en rasant le sol. Elles offrent une leçon d'espoir. Même quand les oiseaux tombent du ciel en cendres.



Dans ce roman on croise différents personnages, tous torturés de secrets, ou transformés par la guerre et ses règles. Elle a révélé leur nature, leurs faiblesses. Mais aussi leur impuissance à agir autrement, englués dans cette vase de désespoir, d'autorité, de pensée unique et glaçante.



Ils sont encore comme recouverts des cendres de la destruction. Ils ont beau ériger une église sur le cadavre d'une autre, créer une école pour les enfants de culture same, rien n'effacera ce qui niche au fond d'eux-mêmes, leurs souvenirs poisseux. Rien n'effacera vraiment leur regard sur ce peuple en marge, à la culture pure et étrange, riche et sauvage, voyageant sur un territoire sans frontières.

Même le mystérieux Olavi, même Inkeri qui veut apprendre à Bigga, jeune fille Same, à dessiner la lumière grâce à la photographie, sont loin d'effacer les cendres fondues à la neige.



J'ai beaucoup aimé ce roman historique, je connaissais peu cette part d'histoire. Le style concis et ténébreusement poétique de Petra Rautiainen va directement à l'émotion pure, sans s'appesantir. De très beaux passages à lire dans le journal de Vaïnö, l'interprète Finlandais. Ce style à la fois glacial et lumineux s'accorde vraiment bien à ces étendues sauvages de Laponie où se mêle l'âme du peuple same, et aux traces laissées par l'histoire des hommes rongés par la guerre.



Je remercie Babelio et les Éditions Seuil pour ce très bon roman.

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Un pays de neige et de cendres

Ce n’est pas l’écriture, ni le style, ici qui rendent la lecture addictive mais bien le thème ou plutôt les thèmes évoqués.

L’écriture m’a heurtée au début avec des phrases plutôt décousues et une ponctuation utilisée au petit bonheur la chance. Du moins est-ce mon ressenti. Et puis au fur et à mesure du déroulé de l’action, l’écriture est devenue plus lisse, plus douce. Ou bien est-ce moi qui me suis habituée ?



Quant au contenu, j’avoue une adhésion totale à l’histoire même si celle-ci se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale et retrace des moments dramatiques et douloureux, aux confins de la Finlande dans des camps de prisonniers où se côtoient Allemands, Finlandais, Polonais et autres nationalités sans oublier les Samis, peuple nomade du cercle arctique.

C’est l’occasion d’apprendre ou de redécouvrir les actes cruels commis au nom de la guerre comme l’exploitation des corps de prisonniers pour des études médicales ou eugénistes (l’étude de la pure race aryenne a aussi été l’apanage des Finlandais) ; la discrimination envers la population samie (titrée de sous-race)...

C’est aussi un roman qui permet de mieux comprendre les us et coutumes de cette population Samie, plus ou moins sédentarisée, discréditée auprès des autres populations autochtones, reléguée au ban de la société bien-pensante car soucieuse de ses racines et de son rapport à la nature, à la faune, la flore et au cosmos.

« Ces Lapons ne sont-ils pas... Enfin, comment formuler cela... Paresseux, inaptes au travail ? A peu près aussi sérieux que les Tsiganes... »



C’est un premier roman de Petra Rautiainen dont je salue le courage : il faut oser écrire sur un passé douloureux et sur une population dérangeante et mal qualifiée car possédant des territoires au sous-sol riche et très convoité.



Ce roman est composé en deux parties, deux époques qui s’alternent au fil de la narration. La première est celle d’un journal intime datant de la période 1944-1945, écrite donc à la première personne et relatant les faits survenus dans un camp de prisonniers. La seconde est datée de 1947-1950 et concerne plus particulièrement une photographe-journaliste dépêchée sur les lieux pour évoquer la reconstruction du pays, mais en fait en quête de renseignements sur son mari disparu dans cet ancien camp de prisonniers.



Un roman fort, prenant et éclairant sur une période de l’histoire que certains auraient certainement continué à taire.

Une lecture dont je remercie Babelio et les éditions du Seuil.
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Un pays de neige et de cendres

Bien que cette propension à l’auto-flagellation tende à disparaître, l’Allemagne a voulu devenir après guerre la nation la plus morale du monde. Mais quid de ses petits copains ? C’est la question sous-jacente de ce roman finnois : les Finlandais jugent-ils leur alliance avec les Nazis comme une faute existentielle ou comme une simple défaite humiliante (on ne peut pas gagner tout le temps)?

« Un pays de neige et de cendre » raconte comment des camps de concentration, installés dans le nord du pays sous l’égide de la gestapo, prônaient un eugénisme anti-Sami en multipliant dissections et statistiques pour définir la race inférieure. Quelques années après, le recensement était toujours en cours, même si on ne se sentait plus obligé de les tuer pour les identifier : après avoir craint qu’ils ne contaminent la race aryenne, on s’était aperçu qu’ils pouvaient détenir des terres pétrolifères dont il devenait urgent de les déposséder.

Si la critique du sort des Samis ne fait aucun doute, le roman se complaît dans une zone grise qui place le lecteur dans une situation très inconfortable. Une femme tente de retrouver la trace de son mari disparu pendant la guerre et le lecteur comprend peu à peu que tous ceux qui l’entourent ont trempé dans des crimes de guerre dont ils s’exonèrent peu ou prou. La vérité n’apportera aucun soulagement et une métaphore qui court tout au long du roman suggère l’ambiguïté de toute révélation : la femme qui cherche la trace de son mari est photographe et c’est justement une photographie qui la met sur le chemin de la vérité. Mais une femme que la lumière blesse et qui doit porter presque constamment des lunettes noires. Son enquête achevée, elle n’a plus d’illusion ni sur son mari, ni sur l’amie qui l’a aidée, ni sur elle-même, renvoyée à son passé colonial qui seul l’a empêchée de barboter dans le marigot de la grande Finlande. J’aurais d’ailleurs tendance à analyser les fréquentes références à la défécation comme une autre métaphore : dans le camp, se vider est l’antichambre de la mort, comme après-guerre la lumière peut rendre aveugle. Vider son sac, regarder la vérité en face n’ont aucune vertu cathartique. Au contraire. Savoir n’apporte qu’amertume.

Seul personnage qui puisse faire de cette histoire un roman de formation : Bigga-Marja, une jeune Same échappée d’un massacre qui refuse d’être assignée à son identité, pour qui devenir photographe est une façon de ne plus être la bête curieuse dont on admire l’exotisme après que son peuple a été promis à la mort pour cette même étrangeté. Elle seule semble pouvoir avancer, mais au prix, là encore, de l’oubli de son village exterminé.

Ce roman, dont je ne nie pas les qualités, fait de l’amour une tromperie et de la vérité un luxe. Et cela n’a sans doute rien à voir, mais Vilhelm Junnila, membre des Vrais Finlandais et ministre de l’économie a félicité le candidat de son parti figurant à la 88e place : un nombre qui « fait référence bien évidemment aux deux lettres H », avait-il alors déclaré dans une allusion non dissimulée à l’abréviation de « Heil Hitler », utilisé par la mouvance néonazie (voir Le Monde).
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Un pays de neige et de cendres

La Laponie, tout au nord de la Finlande, et ses peuples autochtones sont au centre de ce dur roman. le territoire Same est aujourd'hui partagé entre Finlande, Suède, Norvège et Russie. Pendant la seconde guerre mondiale le nord de la Finlande a été le théâtre d'actes de guerre atroces, coincée qu'elle était entre forces russes et allemandes.



Deux fils narratifs se suivent, en alternance jusqu'à la fin.



Le premier, qui se situe de février à septembre 44, est le journal d'un certain Väinö Remes. Il arrive, comme interprète dans un camp de travail à la mortalité effrayante. Il fait partie d'une force militaire finnoise dirigée par les nazis. Il a les mêmes obsessions qu'eux : élimination des soi-disant peuples dégénérés, recherche d'une race aryenne pure...



Le second commence en 1947, trois ans après. Linkeri Lindqvist est une photographe et journaliste venue officiellement dans cette région pour des sujets sur la reconstruction du pays. Mais en réalité elle est sur la trace de son mari disparu.



Ces trois années pourraient tout aussi bien en être trente... Tout le monde souhaite effacer de sa mémoire ces années d'errements. Linkeri fera la connaissance de nombreuses personnes qui ont joué un rôle dans ces événements. Toutes ont en commun de ne pas dire toute la vérité, tout juste quelques bribes et seulement si elles y sont contraintes.



La nature du Grand-Nord est vraiment présente, en filigrane, tout au long de ce roman. Les oiseaux mais aussi la flore sont autant de contrepoints à la folie meurtrière des hommes. Cela ajoute une belle dimension poétique au texte.



Je remercie Babelio et les éditions du Seuil de me l'avoir fait parvenir dans le cadre d'une opération Masse Critique.
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La Mémoire des mers

Je suis allée en Finlande il y a quelques années aussi j’étais assez curieuse de lire ce livre, pensant y retrouver certains éléments que j’avais aimé à l’époque.

Bon, m’étant cantonnée au sud de ce pays alors que cette histoire se déroulant principalement dans le Nord de la Finlande, j’avoue avoir été un peu plus dépaysée que prévu… ici, pas de forêts à perte de vue avec des étangs à foison, mais un paysage sauvage avec la mer comme horizon.

Une jeune femme, Aapa, retourne en Laponie, parmi les membres de sa communauté ( une minorité que je ne connaissais pas, les kvenes ) pour deux raisons : son travail, et aussi parce que sa grand-mère est en fin de vie. Aapa travaille pour une compagnie pétrolière et elle n’est clairement pas à l’aise en retournant chez elle. De plus, elle semble refuser d’évoquer le souvenir de sa mère, décédée dans des circonstances particulières.

Le personnage principal n’est finalement pas Aapa, ( pas très attachante , il faut le dire ) mais la mer, omniprésente dans cette histoire.

L’auteure a un style sec, âpre, difficile à suivre par moments, mais malgré cela, j’ai relativement bien aimé cette histoire, même si je ne crierais pas au coup de cœur.

Je remercie Babelio pour son opération masse Critique ainsi que les éditions Seuil pour l’envoi de ce livre. Je saluerais aussi la couverture, que je trouve particulièrement jolie et réussie.





Challenge A travers l’Histoire 2024

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La Mémoire des mers

Merci à Babelio et aux éditions Seuil pour me proposer de lire et de donner un avis sur ce roman finlandais.

L’objet en lui-même est agréable, le titre en relief de la tranche est du plus bel effet ainsi que la couverture qui fait penser à une composition d’algues.

J’avoue avoir eu un peu de mal au début de l’ouvrage avec la langue finnoise ou sa traduction qui donne un phrasé parfois déconcertant. Exemple : « Les gars de notre pays, ils ne doivent pas savoir que faire le plein la nuit n’a qu’une seule conséquence : la merde vole plus loin que le javelot ».

Mais, comme toujours avec la littérature, on s’y habitue, on rentre dans le rythme particulier de la langue, on trouve nous-même la ponctuation qui nous sied le mieux…

Alors l’histoire peut dérouler son intrigue.

Celle-ci est articulée autour de la mémoire d’un accident et des traces qu’il a laissées dans la communauté kvène dans laquelle retourne l’héroïne, Aapa, ou Auruura selon qui la nomme, car chaque personne, chaque chose a plusieurs noms… Tout comme il y a plusieurs vérités, plusieurs versions d’un même évènement, plusieurs manières de présenter une même parole… Soyons honnêtes : on ne connaitra pas LA vérité de l’accident de 1959, celui-ci restera dans la brume glaciale de l’océan arctique, l’auteur ne nous fera pas le plaisir de cette narration là…

Il reste donc l’ambiance, le décor, les questionnements. Si je résume mon ressenti, je dirais que c’est un roman impressionniste en noir et blanc. Par petites touches d’odeurs, d’images, de sons, elle essaie de faire ressentir l’ambiance tellement particulière de ces zones de latitude extrême, ou les nuits et les jours s’étirent et disparaissent.

Mais comme c’est à travers le filtre des émotions de l’héroïne, on ne comprend pas toujours très bien les situations, les rapports entre les habitants, et on n’imagine que très partiellement la vie des habitants et saisonniers vivant là-bas.

Bien sûr, le fond de l’histoire est également écologique et met en scène rétrospectivement des préoccupations environnementales qui existaient apparemment dans les années soixante-dix ou quatre-vingts au moment du début de l’exploitation des gisements de pétrole de la mer du Nord et qui résonnent aujourd’hui avec l’actualité de l’extraction des hydrocarbures. Car avec les températures qui s’élèvent dans ces latitudes, c’est l’exploitation du sous-sol de l’océan (de moins en moins) glacial arctique qui est concerné. Le programme de recherche sur les ressources pétrolières de l'Arctique de l’USGS (United States Geological Survey), a estimé les réserves non découvertes à 90 milliards de barils pour le pétrole, 1,669 billion de barils pour le gaz naturel et 44 milliards de barils de gaz naturel liquide, pour l’essentiel en mer…Notre civilisation énergivore a encore de beaux jours devant elle, au grand dam des baleines qui sont finalement les tristes victimes de ce roman puisque l’auteure nous explique via son héroïne que l’exploitation sous-marine de pétrole semble provoquer de graves conséquences sur leur santé…

C’est finalement ces mammifères marins que l’on comprend le mieux dans ce roman d’ambiance qui s’inscrit dans la veine contemporaine des préoccupations écologiques dans une zone assez peu connue de notre petite planète.

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Un pays de neige et de cendres

1944, un jeune interprète finnois Väino Remes débarque au centre pénitentiaire d’Inari en Finlande. Le grand Nord, le froid, la neige, la souffrance, la cruauté, il verra de tout mais du côté des gardiens. En tant que finnois, il est associé aussi au rôle de gardien alors qu’initialement il est interprète. La peur règne dans le camps, les prisonniers sont souvent déplacés sans savoir pourquoi. Même les gardiens ont peur.



1947, à Enontekiö près du lac l’Inari, Inkeri Lindqvist, photographe pour un magazine s’installe dans sa nouvelle maison. Le journal qui l’a mandaté pour son reportage, l’a achetée à un autochtone sami, Pietra, vieil homme taciturne qui a une petite fille Bigga-Marja.



S’en suivront de nombreuses découvertes sur de mystérieuses fouilles et surtout sur le passé des Samis, communauté primitive qui vit de l’élevage de rennes et nomadisent dans une zone qui couvre le nord de la Suède, de la Norvège, de la Finlande ainsi que la péninsule de Kola en Russie connue sous le nom de Laponie. Leur vie est rude, soumise à de multiples discriminations, vexations de la part de leurs voisins.

La Finlande a eu pendant la seconde guerre mondiale un statut d’allié de l’Allemagne et des purges sont faites à la fin de la guerre.





Le livre s’articule entre deux histoires qui se rejoignent à la fin. On alterne avec deux personnages au fil des chapitres.

Le premier, le journal intime de Väino Remes nous raconte son séjour à Inari, au milieu de ses compagnons soldats et des prisonniers qui nous apparaissent comme des fantômes.

La deuxième, Inkeri, journaliste à la recherche de son mari disparu lors de la seconde guerre mondiale. Sous couvert de ses reportages elle cherche à savoir ce qu’il est devenu.

Et puis au contact de Bigga-Marja, elle prend fait et cause pour ce peuple sami et s’attache à l’enfant. Elle lui apprend le métier de photographe et la prend sous son aile.

Thriller glaçant et très intéressant malgré ce que l’on peut supposer de ce qu’il se passe dans le camps. On ne sait que trop malheureusement ce que cela peut comporter de manipulations, expériences et cruauté.

L’auteure sans s’étendre sur la cruauté la laisse deviner.

En somme un thriller a deux voix qui se rejoignent. Oppressant, sombre comme la nuit polaire en hiver ou qui rend fou lors de la saison estivale lorsque le soleil se couche à peine. Un vent de folie semble parfois flotter au dessus des hommes.

Un livre qui prend aux tripes et nous raconte les horreurs de la guerre ainsi que la discrimination d’un peuple qui ne demandait rien que de vivre leur vie ancestrale.

L’écriture de l’auteure alterne entre beauté des paysages et cruauté des hommes.

J’ai beaucoup apprécié cette lecture et je remercie Babelio et les Éditions Seuil de cette découverte en avant première.
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