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Citations de Pierre Guyotat (74)


Esclaves, la perte de notre sang et de notre semence nous dépossède, nous arrache pour un temps, à notre état d'esclave ; ils fécondent, ils raniment un corps libre, pour nous, l'inconnu. Vous, hommes libres, vous aimez boire le sang, et recevoir la semence des esclaves ; alors, pénétrés jusqu'au fond de l'âme, par un feu ancien : la liberté par soumission aux forces du ciel, frissonants, glacés par votre solitude, à ces esclaves couchés contre vous insensibles aux forces de la terre, dans leur flanc, vous injectez votre semence empoisonnée ; ou bien, par jeu, et vous nous faites mourir, nous qui sommes déjà morts.
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C’était une occasion magnifique de consolider tardivement cette période qui m’apparaît plus ferme que je ne l’avais cru en la vivant, à cause des récriminations du monde adulte qui guette le petit bonhomme. Mon père n’a jamais cessé de me reprendre. Jusqu’à sa mort, j’étais un enfant pour lui et j’avais 31 ans ! J’ai éprouvé un grand enthousiasme à retrouver, non pas moi, mais cette période-là. Je ne suis jamais au-delà de ce que je pense que je pouvais penser à cet âge-là. J’aurais pu chercher plus profondément dans la valise. Avec tout ce que je sais. Avec tout le confort moderne, si je peux dire, hein ? Mais j’ai voulu rester dans ce qu’alors j’étais capable de penser de moi et des choses. Je me disais — c’est peut-être très orgueilleux ! — que, si j’ai pu obtenir de la langue ce que j’en ai obtenu par la suite, c’est que déjà à ce moment-là, à 15 ans, je pouvais penser des choses assez profondes, et les éprouver profondément.
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On ne voit rien. Pas de rougeur. Tout se passe à l’intérieur. On dit toujours "le corps, le corps", c’est idiot ! Je n’ai pas l’impression que quelque chose change dans mon corps quand je "parle" ce genre de texte. Rien n’en transparaît, sinon la peur. Dans le cas des textes "normatifs", une certaine angoisse, la même que celle d’un acteur. J’ai fait un peu de scène, je sais ce que c’est. Du trac. Le trac, ce n’est pas la peur du public, c’est la peur de ne pas être au maximum de ce qu’on croit pouvoir faire. Une peur devant soi. Pour les textes "en langue", j’entre dans un univers extrêmement matériel, excrémentiel, poisseux. Là, c’est autre chose, un désir sans limite. Là, c’est moins une peur d’aborder ce sujet que d’avoir à chausser le cothurne. Je ne change pas de langue, mais il y a une prise en compte très différente du mot, il y a la rythmique qui est désignée, mesurée, métriquement mesurée. Comme une peur de musicien. Peur de devoir prendre le grand registre.
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Je ne suis bien que lorsque je ne suis que ce qui est nécessaire pour être l’autre.

Du peu que je suis en train de devenir - et ce peu, mangé ici -, mon besoin – la raison mène alors le cœur – d’entrer dans le moi de celui surtout auquel la parole est adressée et qui peut toucher un secret de sa vie, la hantise, alors, ici et partout, que l’autre soit blessé, même infimement, me tire l’âme, de l’âme enfin, de la volonté pure. De l’âme à cru la vie.

De cette fin d’été date la fin de mon être affectif, la disparition de toute blessure d’amour-propre, de tout ce qui fait le tourment, le plaisir de la vie dite privée. L’autre, quel qu’il soit, devient mon seul souci.
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Ou bien, c’est la fusion avec le monde, ma disparition dans tout ce qui me touche, que je vois, et dans tout ce que je ne vois pas encore. Sans doute ne puis-je alors supporter de n’être qu’un seul moi, devant tous ces autres moi et d’être immobile malgré l’effervescence de mes sens, d’être immobile dans cet espace où l’on saute, s’élance, s’envole…
Plutôt mourir (comme peut « mourir » un enfant) que de ne pas être multiple, voire multiple jusqu’à l’infini.
Quelle douleur aussi de ne pouvoir se partager, être, soi, partagé, comme un festin par tout ce qu’on désire manger, par toutes les sensations, par tous les êtres : cette dépouille déchiquetée de petit animal par terre c’est moi… si ce pouvait être moi !
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Comment un médecin même savant pourrait-il comprendre que mon épuisement ne procède que d’une torture d’ordre artistique ?
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Ce que je ressens comme une liberté nouvelle c’est la perte de mon poids. La beauté de l’hiver, sa lumière, l’éclat, le scintillement de la neige et de la glace (le spectacle prévu pour décembre à Chaillot) me font comme un corps glorieux.
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Nomadiser c’est se rendre disponible à tous, aux proches mais surtout aux inconnus.
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Tant de vies individuelles, collectives, dont je suis exclu, moi qui depuis l’enfance ne peut se faire à ce fait qu’on ne peut dans le temps d’une vie humaine embrasser chacune des milliards et millions de vies humaines en cours, en cours de naissance, qui ne peut voir une fenêtre allumée sans éprouver le regret, la rage de n’être pas l’un ou l’une de ceux qui y vivent- et y lampent la soupe.
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Après la clinique, c’est l’entrée dans la dépression douce, la guérison lente : la récompense de cette traversée de la mort, c’est, au lieu du palais enchanté que l’on croit avoir gagné à la sueur de son sang mort, un monde désenchanté, sans relief ni couleur notables, des regardes ternes qui ne vous voient plus, des voix toujours adressées à d’autres que vous qui revenez de trop loin, une obligation quotidienne à survivre, un cœur qui ne fait passer que du sang, et du sang qui ne chauffe plus. Il faut attendre. Sans colère. S’appliquer à se nourrir, à dormir, à se laver, à se vêtir, à marcher, chaque jour : le tout, presque seul, et sans même soi-même à ses côtés : essayer par à-coups, si gauches, de reprendre du cœur.
Patience, patience.
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Quelle douleur aussi de ne pouvoir se partager, être, soi, partagé, comme un festin par tout ce qu’on désire manger, par toutes les sensations, par tous les êtres : cette dépouille déchiquetée de petit animal par terre c’est moi… si ce pouvait être moi !
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Ces crises, l’état de grande dépression ne les connaît plus, et si la mémoire en revient au corps épuisé et au restant d’esprit que l’on est, elles apparaissent comme des phases de bonheur inaccessibles désormais.
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Que des proches me regardent avec les mêmes yeux qu’hier me fait mal (mais qu’importe, il faut avancer) : c’est l’idée même d’infinitude qui y est atteinte.
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Qui me frappe ? De quelle autorité ? […] Je n’en éprouve aucune colère. Seuls mes os réclament justice ; je suis ainsi fait que ce n’est jamais « moi » qui suis insulté, battu, repoussé, mais, dans ma personne, quelque chose du dessus, une réalité organique, solidaire ou une solidarité historique, voire métaphysique : je ne me suis toujours ressenti, pensé, qu’en tant que médium, intermédiaire, messager. Et l’on m’a toujours beaucoup aimé comme tel, celui qui apporte la lumière ou celui qui la rétablit dans le cœur de l’autre.
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C’est dans les moments d’inattention que souvent le pire m’est advenu.
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L’angoisse est pour moi attachée à ce qui est fixe, à l’habitation, aux fondations, aux meubles. La révolution aussi, non violente, que j’espère alors, je la ressens comme incompatible avec la fixation des peuples et des individus sur le sol où ils sont nés.
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Le pin est l’arbre du sexe, de l’Antiquité, il attire vers son tronc la profusion de la vie et son ombrage brûle, consume, l’arbre du bonheur inaccessible : comment être à la fois il y a deux mille ans, maintenant et dans deux mille ans ?
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[La veille de son anesthésie générale]
« Malgré mon enjouement –la douleur ou l’avant-douleur provoque toujours en moi une euphorie de verbe et d’empathie-, d’être ainsi marqué, même aux jambes, pris entre l’âge avancé des onze patients et l’obscurité carrelée, vétuste, du lieu dans lequel je vois et sens aussi les espaces du passé : infirmerie de collège, boiseries d’hospice, en quelque sorte mon commencement dans la collectivité humain, j’éprouve –mais à partir de quel « je » déjà ?- et tais à mes proches une sensation, dont j’attends que l’opération me délivre, d’inexistence entre deux vieilleries, de dépouillement, d’échec, d’abandon par la Lumière, d’humiliation froide, d’oubli.
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J’ai 40 ans depuis le mois de Janvier, un âge que, dans l’adolescence, j’ai décidé de ne pas dépasser.
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Ma recherche de l’absolu aboutit à ceci que j’en espère toujours de plus absolu encore. Tous les absolus créés par l’homme, auxquels j’ai souscrit, sont dépouillés par moi de leur valeur d’absolu en regard d’autres qui ne nous sont pas encore connus.
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