Un essai très éclairant et d'une très grande érudition sur l'origine historique de l'Etat islamique depuis les accords Sykes Picot de partage des zones d'influence entre la France et l'empire britannique, et qui décrit une stratégie d'exportation et de "confessionnalisation" des conflits parfaitement maîtrisée. On y comprend que la première force de Daech c'est la faiblesse des Etats de la région, et qu'une guerre sans avenir politique est perdue d'avance.
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C'est raconté comme le ferait un journaliste, comme un récit, une histoire amusante, une blague, la figure de l'auteur s'impose et l'on est forcé de suivre son mode d'expression, fait de métaphores, d'abus de langage, de guillemets, de mots-clés incessants qui rendent le discours confus, le tout accentué par des allers-retours incessants, géographiquement et temporellement qui fait qu'on ne comprend rien. J'ai arrêté au bout de 20 pages.
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Depuis l'arrivée des Ottomans, la Mésopotamie (future Irak) périclite. de 10 millions d'habitants, on passe à 1 ou 2 la fin du XIXème siècle. Les premiers Européens à venir en Mésopotamie (future Irak) sont des Français, au XVIème siècle, mais ils n'ont qu'une activité culturelle et missionnaire catholique. Les Britanniques y installent la Compagnie des Indes orientales en 1635. En 1801, ils ont un Consul à Bagdad, les activités commerçantes impliquant une action politique.A la fin du siècle, ils contrôlent 50% du commerce et possède un monopole sur le pétrole. Les Allemands signent avec l'Empire Ottoman qui comprend la Mésopotamie un accord pour construire le Bagdadbahn qui doit relier Berlin au Golfe en passant par Bassora. Les Britanniques protestent et maintiennent leur hégémonie. Voyant la première guerre mondiale arriver, ils se préparent à prendre le contrôle du pays en cas d'entrée en guerre de l'Empire Ottoman, ce qui se produit. En 18, l'armée britannique met trois ans à occuper tout le pays, après une violente révolte en 1915 qui allie les Ottomans sunnites et les tribus chiites. Elles se désolidarisent dans la défaite et les tribus ne cherchent pas à maintenir leur alliance pour la défense d'une indépendance.
En 1917, à Bagdad où il vient d'entrer, le général Maud fait une déclaration selon laquelle les Britanniques viennent en libérateur et qu'ils n'ont pas l'intention de contrôler le pays. L'année suivante, l'Empire Ottoman est démantelé et une insurrection à Najaf, la principale ville religieuse du pays et du monde chiite, mène à l'assassinat d'un capitaine britannique, et à l'expulsion des autres Britanniques. Après 46 jours de siège, la ville capitule. Les 11 chefs de l'insurrections sont pendus, 170 personnalités sont envoyées en exil. Fin 1918, les Britanniques tentent l'organisation d'un référendum truqué pour valider le contrôle du pays sans le dire, sans succès.
La résistance reprend plus violemment encore avec la révolution de 1920, toujours organisés par les élites religieuses (les mujtahids), mais tout le pays est prêt à en découdre : les tribus, les dirigeants, les commerçants, etc. L'appel au soulèvement est lancé le 6 août et mène à un cessez le feu le 30 novembre qui marque la défaite des deux cent mille insurgés munis de fusils contre une centaine de milliers de Britanniques (d'Indiens essentiellement) disposant d'une aviation et de blindés. le résident permanent (représentant) du Royaume Uni, Percy Cox, vient à nouveau s'installer dans le pays et il est chargé de faire signer le mandat d'administration au nouveau roi d'Irak, Faysal, qui traîne un peu les pieds. Un rassemblement de 200 000 personne à Karbala (deuxième centre religieux du pays) conteste également le mandat. En mai 22, Churchill qui a désigné lui-même Faysal au Congrès du Caire en mars 21 se fâche et menace de laisser Faysal se débrouiller tout seul dans un pays certes libéré de sa tutelle ottomane, mais divisé par ses religieux dont la moitié sont hostiles à Faysal. Il signe le mandat en juin. Dans ce mandat, le maître du pays en dernier recours, c'est Cox. Et chaque ministre arabe est "conseillé" par un Britannique.
Les mujtahids lancent alors une série de fatwa rendant les participants aux élections des opposants à Dieu et continuant d'appeler à l'opposition, ce qui engendre quelques modifications du mandat en faveur des opposants sans l'annuler. le gouvernement sous l'impulsion des Britanniques engage alors une action contre les mujdahids, dont beaucoup sont persans, sous les arguments qu'ils sont étrangers, ont toujours combattus les forces qui voulaient défendre le pays. L'opinion tourne à l'avantage du gouvernement et les princpaux mujtahids sont exilés. Sous la pression, ils reviennent (pas tous) quelques mois plus tard, à la condition de ne plus faire de politique. Les Britanniques sont parvenus à évacuer la question religieuse de la question civile et, en 1924, l'Etat irakien moderne est né.
L'auteur conclut en pointant que la religion n'est pas pour beaucoup dans les prises de position des mujtahids, sinon comme caution, et que leurs prises de position ont toujours été guidées par l'indépendance, le refus de l'occupation étrangère. Les arguments employés sont les mêmes depuis le début du XIXème siècle : la promotion du panislamisme pour rassembler les opposants, l'absolue nécessité que le maître du pays soit musulman (duodécimain). La partie qui explique le chiisme est particulièrement intéressante.
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Un excellent ouvrage pour comprendre les circonstances par lesquelles a pu émerger et s'étendre Daech. Un livre d'historien possédant une très bonne connaissance du moyen-orient. Sérieux et mesuré. Idéal donc pour sortir de la confusion entretenue par le discours médiatique.
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D'une concision inégalable, juste essentiel si on veut comprendre l'etat islamique et les enjeux de la région.
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"It's a trap", par l'amiral Ackbar.
Cet ouvrage écrit par l’historien Pierre-Jean Luizard permet de mettre en perspective le phénomène de l’État islamique. Particulièrement opportun et salutaire à une époque où le court termisme prend la place du temps long, où toute tentative d’analyse un minimum construite est phagocytée par le culte de la hâtetée (si vous me permettez un barbarisme langagier) et du discours simpliste et schématique, quand ce n’est pas simplement par un discours va-t-en guerre des plus risibles.
La majeure partie de l’ouvrage de Luizard est consacrée à un axe « purement » historique. C’est-à-dire qu’il s’intéresse à l’évolution, à la mutation des sociétés moyennes orientales depuis, grossièrement, une centaine d’années, concernées en premier lieu par l’Etat islamique (Irak, Syrie, Jordanie, Turquie…) et dont la dite évolution est, de même, à l’origine de l’émergence de ce dernier. Naturellement, l’auteur ne peut faire l’impasse sur le rôle non négligeable des puissances occidentales et leur chronique et nocive duplicité dans le capharnaüm kafkaïen qu’est cette région du monde. Néanmoins, Luizard s’arrête aussi de manière approfondie sur l’évolution interne de ces sociétés, la place mouvante qu’occupent les différentes catégories de la population (religieuses, ethniques …), le développement d’un nationalisme arabe ou national contrarié etc etc. C’est sans doute, dans un ouvrage accessible à tous, le seul moment où le lecteur peut être un peu égaré par la profusion de détails néanmoins nécessaire à une bonne compréhension. Au final, le « Moyen Orient » ressort constitué d’Etats à la légitimité faillible et à la solidité fragile.
Outre cet aspect historique, l’auteur s’arrête sur ce qui, selon lui, fait, en addition et de manière concomitante au passé, la force de l’Etat islamique dans sa propagation, son installation et son maintien. L’analyse n’est certes pas renversante de complexité, de théorisation, d’argumentation (faute aussi aux sources insuffisantes ? Au public à qui s’adresse en premier lieu l’essai ?) mais parvient à distiller par ci par là tout de même quelques éléments à garder en mémoire. Tout d’abord, évidemment, l’Etat islamique, malgré l’image qu’il renvoi de lui, bénéficie d’un important soutien de la population locale (notamment sunnite, rapport à l’histoire tout ça tout ça) et peut être vu comme un libérateur face à des pouvoirs étatiques rejetés. L’Etat islamique prône une politique territorialisée qui s’appuie sur les viviers locaux à qui ils reversent une partie du pouvoir (moyennant quelques contreparties) ce qui laisse une marge d’autonomie aux populations autochtones. Au final, l’Etat islamique, si une analogie peut être faite, peut ressembler, se rapprocher, déjà, par certains aspects à un "Etat classique" dans le sens où il lève l’impôt, dispose d’un système judiciaire, s’intéresse à l’éducation, entretien une force armée et s’est territorialisé, contrairement à leurs frères ennemis d’Al Qaïda par exemple.
Deux petits points, non essentiels dans l’ouvrage, sur lesquels j’étais complètement passé à côté ont particulièrement retenus mon attention. D’une part, concernant les populations chrétiennes présentes dans la sphère d’influence ou de domination de l’Etat islamique et d’autre part, le rôle des kurdes dans l’émergence de l’Etat islamique.
Tout le monde s’en souvient, les médias français (et ailleurs sans doute) se sont, pendant un temps, particulièrement « intéressés » au cas des chrétiens victimes de l’Etat islamique (les musulmans, c’est moins important pourrait-on croire). J’ai alors appris grâce à Luizard (on l’a peut-être dit ailleurs mais j’ai dû faire preuve d’inattention) que l’Etat islamique, qui suit, nonobstant son statut de Satan moderne, certaines coutumes, laisse les chrétiens devant un choix à trois voies, soit se convertir, soit accepter de vivre sous contrainte mais en pouvant continuer à suivre sa religion ou, en quelque sorte, la mort ou la fuite. Donc, il n’y pas eu de massacre systématique et automatique des chrétiens.
Pour ce qui est des kurdes, le point de départ est encore une mise en avant médiatique. Ces derniers, souvent d’ailleurs présentés comme un bloc monolithique et homogène alors qu’il s’agit finalement d’un groupe où l’hétérogénéité est de rigueur, mis sur un piédestal et personnifiés tel les spartiates affrontant aux Thermopyles les hordes barbares de l’Etat islamique grimées en suppôts de Xerxès. Certes, mais il est aussi intéressant d’apprendre que certains groupes kurdes sont aussi « responsables » du développement de l’Etat islamique en ayant, pour certains, passés des accords avec leurs ennemis d’aujourd’hui. Encore une fois, rien n’est simple dans le monde réel.
Évidemment, ce qui ressort en conclusion de cette lecture est, entre autre, la (plus que) probable inefficacité de la politique actuelle de lutte contre l’État islamique, bien que cet ouvrage ne soit évidemment pas indispensable pour arriver à cette conclusion. On ne peut que déplorer, encore une fois, mais c’est le cas dans un grand nombre de domaines, qu’au lieu de s’attaquer aux racines, à l’origine du problème, on se contente d’une politique superficielle militaire (voulue d’ailleurs, par l’Etat islamique, d’où le « Piège ») dont les effets de manches ne servent qu’à cacher l’impossibilité des dirigeants à sortir par le haut de cette (presque) impasse.
Comprendre, c’est déjà presque agir.
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Extrêmement intéressant pour comprendre l'origine historique et géopolitique de la création de l'Etat islamique. Un regret que la dimension religieuse ne soit pas davantage explorée.
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L'Histoire explique beaucoup de choses, elle nous aide à comprendre les actes actuels mais elle ne justifiera jamais la barbarie ni les exactions commises par certains.
Et finalement, l'Histoire nous apprend aussi qu'elle n'est qu'éternel recommencement parce que certains ne comprendront jamais rien, d'autres ne voudront qu'imposer leurs idées car ils n'acceptent pas d'autres avis...tout cela au prix du malheur et de souffrances de tant de pauvres êtres sans défense.
TOUT CA POUR CA?
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Une lecture très intéressante qui consacre un chapitre à chacun des Etats « faillis » que sont le Liban, la Syrie, l'Irak, la Libye et le Yémen.
L'auteur Pierre-Jean Luizard revient sur l'histoire de ces Etats, leurs points communs et leurs différences, en s'attardant au passage sur l'héritage colonial et une tentative malencontreuse des puissances mandataires d'instaurer le modèle de l'Etat nation dans des pays aux populations très diverses, tant sur le plan confessionnel que sur les modes de vie. Le modèle étatique fondé sur le confessionnalisme y est très critiqué, et fait rempart à toute tentative de démocratisation réelle.
On y apprend par exemple que l'Irak fixe comme évènement fondateur de la nation la révolution de 1920 contre les Britanniques, où les antagonismes confessionnels (chiites vs. sunnites) et ethniques (persans, arabes, kurdes…) sont dépassés pour la première fois.
Ma lecture datant un peu, cette critique restera succincte, mais je garde de cet ouvrage un très bon souvenir : un propos clair et une belle mise en perspective de l'histoire et de la politique dans chacun de ces pays.
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Un très bon livre qui nous décrit les différentes composantes de l'Islam, et pour partie la situation du moyen orient aujourd'hui.
On peut simplement regretter un début de livre un peu ardue.
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Un de ces petits livres qui vous rend intelligent pour comprendre l'histoire récente et encours. Ecrit en 2014, le recul permet de juger de la profondeur de l'analyse.
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Ma lecture de ce livre date un peu, j'en retiens cependant un texte très documenté, notamment sur l'histoire de l'Irak et sa société. À lire pour toute personne s'intéressant de près au sujet, et désirant se replonger dans l'histoire plus que dans la sensation.
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Une lecture indispensable dans le contexte actuel/
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