Dix ans de Sonatine, ça veut aussi dire dix années de travail avec les libraires !
Il n'y aura jamais assez de place pour tous les remercier, mais sans leurs coups de coeur, de gueule, leur investissement et motivation, leur gentillesse et leur énergie, nous n'aurions sans doute pas tenu aussi longtemps. Et des lecteurs comme Estelle DENIS Officiel ou Raymond Domenech auraient pu passer à côté de nos livres !
Un merci tout particulier à Romain et Fred de la Librairie du Tramway, à Caroline de la Fnac et à Antoine du centre culturel de Rennes pour leur participation à la vidéo !
Cette équipe est incapable de se transcender et j'y suis certainement pour quelque chose. Je me suis trompé totalement. Je suis humilié de m'être autant trompé.
En sortant, un membre du staff a insisté pour me montrer une séquence tournée aux alentours du stade de Bâle, la veille, pendant le match. J'y découvrais un membre de ma famille aux prises avec des supporters français qui m'insultaient. La colère le rendait si furieux que les choses auraient pu mal tourner. IL se battait tout en criant : « Vous pouvez dire tout ce que vous voulez, bande de connards, mais Domenech, c'est aussi mon nom ! » J'ai craqué en découvrant la séquence, sans pouvoir dire quoi que ce soit, tétanisé par une peur rétrospective autant que par le désespoir. Voir un proche prendre ma défense face à des abrutis a libéré d'un coup l'émotion, la tristesse et la souffrance que je refrénais depuis des heures. Submergé par la rage et le chagrin, j'ai éclaté en sanglots. Aujourd'hui encore, cette scène demeure gravée en moi. A sa seule évocation je sens monter un chagrin intact.
En ce été 2004, l'état de grâce n'a pas duré. Pas un mois sans harcèlement des médias, sans mauvaise querelle montée en épingle, sans appréhension à l'ouverture des journaux, sans gaspiller mon énergie à résoudre des problèmes inutiles. Tout de suite, j'ai dû avancer par un fort vent de face. Très vite, quoi que je dise ou ne dise pas, quels que soient mes choix ou mes hésitations, les succès et les échecs de l'équipe de France, certains médias ne m'ont plus lâché. Ils ont fabriqué une image largement fausse de moi, cherchant sans cesse à me mettre en porte-à-faux avec l'opinion comme avec mes propres joueurs.
Pendant un long moment, j'ai été plus fort que tout cela, et l'équipe de France aussi. Je ne rejette pas ma part de responsabilité dans la longue suite d'événements qui nous a conduits à l'échec de l'été 2010 ; je souhaite seulement que, comme tout bilan, celui de mon action à la tête des Bleus accorde une place aux acquis positifs à côté des éléments de passif. Et rappeler que je n'ai pas assumé seul la charge de ces six années : d'autres ont apporté leur pierre à l'édifice ou saboté sa construction.
Mais en ce matin du 12 juillet 2004, j'étais loin d'imaginer ce qui m'attendait. Je m'attends toujours au pire, pourtant.
J'ai essayé de faire passer l'idée de la grandeur de l'équipe de France et de ses exigences, celles qu'avaient montrées les anciens de la génération 1998-2000. Je leur ai dit que ne rien lâcher, une expression aujourd'hui galvaudée, avait alors un sens, et que des anciens allaient partir en nous laissant ce message. « J'espère que vous l'aurez entendu... » J'ai brodé sur ce thème, mais en parlant, je croisais l'ennui de l'un, le vide sidéral dans les yeux de l'autre et le soutien de la plupart. J'ai donné la parole à Lilian Thuram. Il a confirmé, les yeux embués : « Profitez-en bien, cela passe très vite. » Je crois que certains jeunes à qui il s'adressait s'en foutaient complètement. Je l'ai trouvé juste et touchant, exprimant une vraie grandeur. Sachant ce qu'il pense de certains, j'avais un peu peur qu'il se lâche. Et en même temps je l'espérais : cela m'aurait évité d'avoir à le faire un jour, ce qui adviendra inéluctablement si je reste. Des constats fugaces me traversent l'esprit : trop d'individualisme et surtout trop d'inculture. »
Sur tous ces points, j'aurais peut-être dû prévenir le sélectionneur suivant...
La plupart du temps, l'équipe reste une mosaïque. Tout part en tous sens, dans un désordre fait de coups de génie et d'actes inutiles qu'organise, tant bien que mal, la volonté de donner une leçon au monde entier. On ne monte peut-être pas très haut, mais tout seul - tout en restant convaincu, bien sûr, d'être les meilleurs.
La mise à mal de l'autorité, à la fois par la contestation de ceux qui la subissent et le malaise de ceux qui hésitent à l'exercer.