AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Rémy de Gourmont (22)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Esthétique de la langue française

« Esthétique de la langue française » ou la vie secrète des mots…



On a récemment eu l’immense plaisir de découvrir la vie secrète des arbres, pour Rémy de Gourmont, co-fondateur du Mercure de France, la comparaison fait sens : « j’ai vu naître un mot ; c’est voir naître une fleur. »



Lorsqu’on aime la littérature, immanquablement nous avons le goût d’en connaître les ressorts, de passer « behind the scenes », d’aller observer le fleuve souterrain des mots et des vers qui irrigue les plus belles proses.



L’ouvrage, paru en 1899, propose une analyse des structures, notamment les vers libres qui font un pied de nez aux rimes, et les formules toutes faites, les clichés et pastiches littéraires à l’image de ces « poètes français inférieurs » qui depuis cinq siècles « chantent, avec les mêmes phrases nulles, le printemps virgilien. »



Les pédagogues apprécieront aussi la dérision autour de l’art de la citation, la « moisissure des styles rances et l’argument des raisonnements illogiques », on peut l’insérer « partout où il y a un trou ».



« Penser par clichés est quelquefois développé à un degré prodigieux et sans doute pathologique. » Par exemple, les mots tous cuits de la politicaillerie tels que « la sphère d'influence-la sphère diplomatique-les sphères politiques-une sphère plus étendue-la-sphère intellectuelle » ou bien « le spectre clérical-le spectre de 93- le spectre du passé- l'hydre des révolutions-l'hydre de l'anarchie » ou encore « le principe sur lequel tout roule-le principe solidement assis-le principe posé trop légèrement-le principe inflexible », ça ne vous rappelle rien ?



Plus encore, les clichés du « patriotisme professionnel » sont efficacement raillés par l’auteur qui trouve difficile de les analyser dans une étude où l’on ne veut « ni indigner ni faire rire » : « depuis nos malheurs, » phrase doucereuse où on assimile la France à une vieille dame à cabas qui a connu de meilleurs jours ».



L’auteur fustige, dans un style savoureux, drôle et provocant, la perte de pureté de la langue française. Il s’intéresse à l’étymologie, aux constructions grammaticales et se pose en esthète du langage.



Pour l’écrivain, « il y a dans la langue française et dans toutes les langues novolatines, trois sortes de mots : les mots de formation populaire, les mots de formation savante, les mots étrangers importés brutalement. »



Après s’être livré à un plaidoyer en faveur de la pureté de la construction de la langue française « populaire » par opposition à l’adoption de mots venus de l’extérieur, notamment ceux importés du grec ancien, « d’une laideur intolérable » et « la honte de notre langue si l’usure ou l’instinct populaire ne parviennent pas à les franciser », l’auteur en conclut qu’une langue est toujours juste quand elle est pure, quand elle suit ses logiques propres, et façonne les mots par ses logiques internes, ainsi « tout mot grec aurait pu devenir français si l'on avait laissé au peuple le soin de l'amollir et de le vaincre. »



A l’inverse, les scientifiques, journalistes, académiciens et grammairiens qui tentent de se différencier du peuple et ainsi imposer comme logique des mots d’importation, Rémy de Gourmont les a en horreur et nous rappelle que « dans l’histoire du français il faut tenir compte du pédantisme ».

Ainsi à tricycle l’ouvrier répond bécane, à binocle, « l’heureux ignorant » répond d’instinct lorgnon, à taxidermiste on répond empailleur et l’auteur de prédire « les palefreniers sont devenus très probablement des hippobosques et enfin, ceci est plus certain, la colle faite avec la peau du cheval a pris le nom magnifique d’hippocolle. ce mot n'est-il pas un peu trop gai pour sa signification ? »



« Qui a besoin de smoking-room pour un parler qui possède fumoir ? ». L’auteur se montre particulièrement inquiet de l’invasion des mots anglais dans la langue française. Non seulement la « langue industrielle et commerciale » comme c’est toujours le cas aujourd’hui mais bien la langue commune par le biais notamment du pédantisme des journalistes. Pour lui, « des vocabulaires entiers sont gâtés par l’anglais » et de conclure, un peu alarmiste : « le peuple qui apprend les langues étrangères, les peuples étrangers n'apprennent plus sa langue ».



L’intérêt majeur de cet ouvrage réside dans la généalogie des mots. Nous pouvons remonter les constructions grammaticales dans le temps et en comprenant l’origine des mots, on en perçoit la dynamique, le mouvement perpétuel, les influences des noms aux verbes, en passant par les adjectifs, par exemple la « dinde » n’est que la contraction de « poule d’inde ». Parfois et c’est tout l’intérêt d’une lecture en 2019, la généalogie se fait même à l’insu de l’auteur, le temps ayant modifié certaines des expressions du livre comme « se trouver le cul entre deux selles » à laquelle on substitue « chaises » aujourd’hui.



C’est également une géographie de la langue, les peuples européens ont simultanément adopté les mêmes logiques, les mêmes « combinaisons d’images ». Les métaphores, par exemple d’animaux assimilés aux outils (chevalet, bélier, grue etc) ou encore les mots dérivés des animaux, comme le français « singer » qui vient de « singe », que l’on retrouve : « l'allemand affe-nachaffen ; le suédois apa-esterapa ; le danois abe-esterabe ; le flamand aep-waapen ; l'anglais ape-ape ; l'italien scimio-scimiottare ; le portugais : macaco-macaquear ; le polonais malpa-malpowac. »



Ce que de Gourmont nous montre c’est que le flot du langage est incontrôlable. On ne peut le figer, ainsi les académiciens qui tentent de conserver la langue sont continuellement caducs. Déjà Racine s’insurgeait en vain contre le verbe « recruter au lieu de quoi il faut dire faire des recrues ».



Quand ça veut pas, ça veut pas… L’auteur nous montre que le français populaire n’a pu se satisfaire des mots suivants : « soupoudrer (saupoudrer) trois-pieds (trépied) ruelle de veau (rouelle) semouille (semoule) tête d'oreiller (taie) bien découpé (découplé) écharpe (écharde) ».

Avec plus d’un siècle de recul, nous pouvons constater ce que de Gourmont pressentait : « J'ai seulement voulu montrer que la déformation n'est pas du tout cahotique ; que le mauvais français du peuple est toujours du français et parfois du meilleur français que celui des grammairiens. »

Ironie du sort, savez-vous qu’en ce moment même, mon correcteur orthographique souligne le mot « cahotique ». Preuve s’il en est de l’évolution du langage, M. de Gourmont voulant surement dire « chaotique ». Est-ce encore une invasion saxonne ? La généalogie des mots se poursuit…



Si l’auteur concède que, sans autorité littéraire, un vieillard ne comprend plus ses petits-enfants tant la langue évolue, il reste très critique à l’égard des « prisons scolaires » où la peur de la grammaire fait perdre toute fantaisie agréable dans la déformation du langage, la prise de possession « intime et personnelle » de sa langue, qui d’ailleurs fait le bonheur des lecteurs et le succès des écrivains dont on dit qu’ils ont « un style ».

D’ailleurs, récemment dans « La Grande Librairie », une émission spéciale linguistique (avec Alain Rey et Bernard Cerquiglini notamment), montrait l’incroyable évolution du « verlent » et du « tronqué », l’histoire des codes de langage, l’évolution des mots, des enjeux féminins/masculins, de l’impact sur les mots de l’évolution des mœurs et de la porosité avec les langues étrangères, à l’image du « nègre » d’écrivain qui n’est plus prononçable aujourd’hui sans pour autant céder au « ghost writer ».



Et une bonne fois pour toute, chers babéliotes, qu’on se le dise ici avec Rémy de Gourmont, lui-même appelant à la rescousse Monsieur Anatole France et son « droit à la faute d’ortaugraffe » dans toutes ses fantaisies, « il est aussi déraisonnable d'exiger de tous la connaissance de l'orthographe que la connaissance du contre-point ou de l'anatomie comparée. » Cela peut vous faire réagir, mais montre bien l’esprit tranchant et polémique du bouquin !

Et d’ailleurs n’était-ce pas son esprit voltairien qui faisait dire à François-Marie Arouet lui-même que Clément Marot, poète officiel de la cour de François ler « a ramené deux choses d’Italie : la vérole et l’accord du participe passé…je pense que c’est le deuxième qui a fait le plus de ravage ! ».



« L'absurde est partout. Nous vivons dans l'absurde. Soyons donc indulgents pour nos plaisirs et goûtons dans les

images nouvelles ce qu'elles ont de beau, leur nouveauté. »



Qu’en pensez-vous ?
Commenter  J’apprécie          5517
Pendant l'orage

Pendant l'orage ne relate pas une tempête... ou, du moins, pas le phénomène climatique. Rémy de Gourmont (1858-1915) nous propose ici une sorte de journal tenu pendant la Première Guerre Mondiale. A travers des petits chapitres très courts, mais intenses (on sent la "patte" du journaliste), il a voulu, selon Jean de Gourmont, son petit-neveu, faire comprendre l'état d'esprit dans lequel pouvaient se trouver les français à cette époque, et notamment ceux qui partaient au front. Pourtant, ce n'est pas vraiment ce que je retrouve en lisant ces courts écrits.



Alternant entre textes insouciants, mini-dissertations sur la littérature ou les arts, et réelle prise de conscience, Rémy de Gourmont donne l'impression d'être dans un rêve - devenant cauchemar au fur et à mesure - éveillé, même si cela est paradoxal. Il faut savoir que l'auteur, gravement malade en 1914, n'a pas été enrôlé. En revanche, il a vu tous ses camarades partir au front. Les événements terribles eurent un impact sur ce dernier qui regrettait de façon presque ironique l'absence de vie culturelle à cette période. Et c'est bien de cela dont il s'agit. L'auteur pleure sur ce vide qui l'anéantit.



Ce journal montre à quel point Rémy de Gourmont était érudit. Il n'y a pratiquement pas un chapitre sans que ne soit mentionné un lien culturel. A découvrir !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
Commenter  J’apprécie          510
Le téléphone a-t-il tant que cela augmenté notr..

« Son œuvre est un peu à son image, celle d’un amateur faussement dilettante qui a partagé sa vie avec des livres, ses « compagnons de silence ». La force de Gourmont demeure dans cette diversité littéraire qui le rend proprement inclassable. Il porte un regard attentif et critique sur son temps, sur son époque. La force de Gourmont est son esprit. Vif, alerte, curieux, encyclopédique. D’un fait d’actualité il tire une morale. (…)

La force de Gourmont est son esprit libre. Il s’affranchit des dogmes, de la bien-pensance et parfois de la bienséance. Il dépasse la pensée commune, celle du troupeau, celle du vulgaire. Il la surplombe. C’est un torrent de pensée, un bouillonnement de critiques et d’idées. Quitte à se contredire parfois (Gourmont est un homme paradoxal). Mais il revendique le droit à l’erreur, dans la lignée de Baudelaire et bien avant Camus. La contradiction est son alliée :

« — Que de contradictions !

— Eh ! si je chargeais ma voiture tout du même côté, je verserais. »

Il dénonce « l’horrible manie de la certitude », lui-même ardemment tiraillé par la manie du doute. Gourmont est un penseur libre à la culture vaste. Son regard est perçant et les maux de la société qu’il raille et dissocie sont bien souvent encore les nôtres. Sa méthode de réflexion, la dissociation des idées, devrait être plus largement répandue, en ce qu’elle favorise et entretient l’esprit critique. Denrée rare. »



Extrait de la préface de Vincent Gogibu à cette anthologie de textes dont les thèmes choisis parmi les différentes oeuvres de Rémy de Gourmont et classés par ordre alphabétique permettre de se faire une idée de l’ensemble des écrits de cet écrivain, mort en 1915, qui mérite d’être redécouvert et lu.



Rémy de Gourmont se définit lui-même dans l’épigraphe : « Je ne puis avoir d’ennemis que ceux qui détestent la liberté, l’art et toute poésie, qu’elle soit dans le sentiment ou dans l’idée. »



Le titre « Le téléphone a-t-il tant que cela augmenté notre bonheur ? » continue à donner le ton. Il résonne comme s’il était écrit à l’heure actuelle et concernait l’envahissement de la vie quotidienne par les téléphones, désormais portables.



Tout ce livre nous offre un florilège de ce que peut être un érudit, à l’esprit libre et ouvert, plein d’humour, dont la culture classique n’est jamais pesante et reste valable pour nous hommes du XXIe siècle qui croyons souvent avoir tout découvert et inventé.

A Avortement on peut noter : « L’embryon qui nage dans le ventre de la femme lui appartient comme ses entrailles mêmes ; il fait partie de son corps. Ou elle est esclave, ou il faut lui en reconnaître la libre disposition. »



Fortune : Si tu veux faire de la philosophie, connais-toi toi-même ; mais si tu veux faire fortune, connais les autres.

Dernières Pensées Inédites, 1924.



Sans oublier tous les textes où il parle des auteurs qu’il admire comme Montaigne et Ernest Renan et de ceux qu’il n’hésite pas à écorcher tel Huysmans : «  N’ayant aucune imagination, il en est réduit à lui-même ; mais comme la vie d’un homme sans imagination est généralement fort monotone, en racontant ce qui lui est advenu, il se trouve qu’il ne raconte presque rien. »



ou les Hommes de lettres ainsi définis : « Être vu. L’homme de lettres aime non seulement à être lu, mais à être vu. Heureux d’être seul, il serait plus heureux encore, si l’on savait qu’il est heureux d’être seul, de travailler dans la solitude des nuits, sous sa lampe ; et il serait tout à fait aise, lorsqu’il a clos sa porte, que sa bonne la rouvrît pour un visiteur, qu’elle montrât à l’importun, par l’entrebâillement, l’homme de lettres heureux d’être seul. »

Des pas sur le sable, 1914.



Un livre jamais ennuyeux qui suscite la réflexion du lecteur et dont la présentation permet de vagabonder selon l’humeur du moment.

Commenter  J’apprécie          440
L'Odeur des jacynthes

Ce livre ne vaudrait rien s’il n’était introduit par l’exquise petite préface de Michel Houellebecq. A l’époque, encore piètre inconnu, Michel Houellebecq se passionnait pour l’aspect taré des œuvres des créateurs les plus angoissés. Fort d’un premier essai sur H. P. Lovecraft (qu’il faut lire à tout prix), il décide plus tard de ramasser quelques-uns des poèmes de l’œuvre de Rémy de Gourmont. Sa passion pour ce poète se justifie moins pour ses poèmes en eux-mêmes que pour le paradoxe qui maintient la tension entre l’œuvre intellectuelle de Rémy de Gourmont et cette œuvre poétique, sensible voire carrément mièvre et gerbante.





Alors que Rémy de Gourmont est surtout connu pour ses essais pointus qui examinent de manière critique les valeurs, le sentimentalisme et l’amour, il jette les armes dans ses poèmes et « renonce à être un intellectuel ». A quoi ça sert ? « Il est bien des choses dans la vie que l’on peut réduire à leur représentation dans le cerveau ; dans un deuxième temps, cette représentation elle-même en viendra à être préférée : inutilité de la vie vécue, qui coûte tant d’efforts pour aboutir à des images mentales tellement plus pauvres, monotones, tellement inférieures à ce que l’imagination peut concevoir. […] Mais [Rémy de Gourmont] en prendra vite conscience : l’amour résiste à cette tentative de réduction. »





Plus loin, Michel Houellebecq ajoute : « Résignons-nous : Rémy de Gourmont n’est pas un poète intelligent. Il n’y a pas de poète intelligent. Même s’il est, par ailleurs, essayiste. » Et nous devons bien le reconnaître, Rémy de Gourmont se montre parfois vraiment con. Vieux monsieur qu’on imagine aigri la plupart du temps, il nous parle de sa vague Simone qu’il emmène se promener dans les vergers, avec qui il va cueillir les châtaignes, et il nous parle de son odeur de foin, du petit moulin dans le pré, des oiseaux et de toutes ces choses qu’on croyait réservées aux histoires de bonnes femmes. Certes, ça ne fornique guère dans ces poèmes, Rémy de Gourmont préférant consacrer ses vers aux instants qui précèdent peut-être, qui remplacement sûrement, toute agitation frénétique. Mais il y a aussi des poèmes plus hérétiques qui associent le désir et la crypte, la malveillance florale à l’insouciance sentimentale, la confession à l’effeuillage.





Michel Houellebecq nous apprend à lire Rémy de Gourmont en nous rappelant sa grande idée, « qu’il exprime dans l’Esthétique de la langue française, par cette formule d’apparence paradoxale : le vers est un mot. Une « unité de sens ». » Ainsi : « Un vers achevé, […] bien qu’il se compose d’unités sémantiques plus petites (les mots au sens habituel), formera cependant une unité nouvelle et « indéchirable ». » On pourra donc, bien à profit, s’amuser à lire un poème dans son ensemble, mais aussi vers par vers, pour se laisser porter par une histoire différente.





On comprend ce qui plaît à Houellebecq dans cette poésie : Rémy de Gourmont lui ressemble en ce qu’il démissionne de l’intelligence pour exalter l’amour, comme Houellebecq rêve, dans ses poèmes, de dépouiller la vie de sa médiocrité quotidienne pour retrouver la valeur absolue de l’amour. Et on se souvient alors qu’un amour a parfois déferlé suite à un simple instant en suspension vers un autre, ou un souffle un peu plus lent et ténébreux.
Commenter  J’apprécie          155
Dante, Béatrice et la poésie amoureuse

Rémy de Gourmont (1858-1915) fut écrivain, critique d'art et l'un des fondateurs du Mercure de France. Il joua un rôle essentiel à l'intérieur du groupe symboliste.



Il eut pour ami Stéphane Mallarmé, Joris-Karl Huysmans, Octave Mirbeau, Alfred Jarry, Villiers de l'Isle-Adam, Jules Renard, Auguste Clésinger. Il tomba follement amoureux de Natalie Clifford Barney.



Il fut inhumé au cimetière du Père Lachaise dans le tombeau de Clésinger.



Dans ce court essai, il mème l'enquête sur la réalité de l'existence de la Béatrice de Dante.



La conclusion à laquelle il parvient, je ne la livrerai pas ici, pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte.



C'est érudit, très bien tourné, extrêmement agréable de lecture. On est saisi par ce que peuvent la rigueur de pensée, la grâce et beauté du style réunis.





Commenter  J’apprécie          110
La patience de Griseledis

Petit format presque carré inhabituel , très beau papier vergé, illustrations inspirées de gravures anciennes et dont une partie est reportée sur chaque page : c'est une belle édition.

Mais sur le fond... Rémy de Gourmont a-t-il mis sa plume sans conviction au service d'un éditeur de beaux livres ? Il reprend ce conte bien connu* : le prince épouse la pauvre bergère puis lui fait subir de terribles épreuves pour tester sa patience. Il lui fournit une prose fleurie, propre sur elle, et sans beaucoup d'intérêt. Mais il n'apporte rien d'autre : aucune tentative d'explication psychologique, aucune réflexion sur les relations entre hommes et femmes, entre riches et pauvres, sur l'influence de la vie de couple sur le pouvoir politique : la légende, rien que la légende.

C'est donc une petite lecture, agréable surtout pour le bel objet qu'on tient, vite faite et sans conséquence.



*Connu surtout comme Griselidis, pas Griseledis.
Commenter  J’apprécie          110
Le Pélerin du Silence

Petits contes discrètement érotiques? Poèmes en prose sussurés dans des alcôves maladives? Fleurs du mâle effeuillées avec une sensuelle nonchalance et une pointe d'ennui?



Toute la culture raffinée et l'originalité passéiste de Remy de Gourmont, dans ces poésies à re-découvrir. ..
Commenter  J’apprécie          100
Lettres à Sixtine

Lettres à Sixtine

Remy de Gourmont (1858-1915)

Remy de Gourmont est un écrivain, journaliste, critique d’art et poète français. Il fait la connaissance en 1887 de Berthe de Courrière, modèle du sculpteur Auguste Clésinger et devient son amant. Berthe inspire au jeune journaliste des lettres passionnées qui traduisent l’émotion d’un instant et qui seront publiées à titre posthume sous le titre « Lettres à Sixtine ». Par la suite Remy de Gourmont s’installe chez elle rue des Saint Pères et y restera jusqu’à sa mort.

Remy de Gourmont est aussi connu pour cette phrase célèbre :

« Quand un peuple n’ose plus défendre sa langue, il est mûr pour l’esclavage. » Une phrase d’actualité !

Ses lettres et poésies écrites dans un style tout à fait romantique et emphatique traduisent les tourments et les angusties d’un amour enflammé qui hésite à être partagé, car toutes livrées à un romantisme échevelé, Berthe de Courrière ne cédant pas facilement à la chair :

« Elle me joue du Beethoven et je me cramponne au fauteuil pour ne pas la saisir et la baiser à pleine bouche… »

L’auteur quant à lui aspire avec une constance désespérante à l’empyrée, cet espace céleste imaginaire lieu de tous les délices :

« Quand même il ne s’agirait que d’un peut-être, je m’y attacherais encore désespérément, parce que j’ai mis ma vie là et que je ne veux pas et que je ne peux pas la reprendre. »

Il passe des états les plus séraphiques aux pires navrures amatoires :

« Amère misère d’avoir rencontré la femme à aimer, celle qui vous prend tout et ne pouvoir réaliser son rêve… Comme vous avez bien dompté mon orgueil d’homme, de me faire trouver douce l’abdication des droits que me donne votre tendresse… »

Point culminant de ces soupirs épistolaires, le « Chant royal de l’Éden » délivre des épithalames extrêmement poétiques:

« Mousses dont la blondeur attire vers le charme de leur fraicheur

Source où tout deuil et tout martyre n’est plus que joie et que douceur,

Fontaine d’extase et d’ivresse, ô réconfort de la détresse, apaisement du désespoir,

Permets que, plein de nonchaloir,

Désaltéré par ton dictame je trouve en toi, sans plus douloir,

L’Éden que je veux pour mon âme. »

Et puis…

« Son âme était en voyage, quand mes désirs se sont accomplis…Son corps s’est donné seul ; son âme était en voyage… »

Et la conclusion en un sourire :

« Le sourire est un dieu charmant, fait de lumière, limpide comme un vol subtil de libellules qui rase l’eau dormante et bleue des étangs clairs. »



Commenter  J’apprécie          50
Une nuit au Luxembourg

« Une nuit au Luxembourg » est paru en 1906. Rémy de Gourmont est le fondateur et l’âme du Mercure de France. Leautaud, Gide et Apollinaire voyaient en lui un maître

Il s’est essayé à tous les genres, roman, poème, essais littéraires, philosophie, livres pour enfants….

Mort en 1915, il est mort dans un oubli relatif. Est-ce parce qu’il se rengeait à côté des anarchistes et des libertaires, rejetant les fondements de la société comme la religion et la politique ?

Ce roman poétique, philosophique et policier commence par la rencontre dans l’église Saint Sulpice entre un journaliste et un personnage fascinant se révélant être un dieu… puis ils pénètrent dans le Jardin du Luxembourg… c’est l’occasion d’échanges, de libertinage et de réflexion philosophiques sur la vie.

J’ai découvert et bien apprécié la plume acerbe, poétique et philosophique de R de Gourmont. Il y a quelques longueurs mais j’ai passé un bon moment de lecture. Il m’a donné envie de relire de la philosophie.
Commenter  J’apprécie          50
Physique de l'amour : essai sur l'instinct ..

Excellent essai sur le mécanisme amoureux chez les animaux et le parallèle que l'on peut faire pour l'homme. Ceux qui m'a bien plut ce sont les thèmes abordés: hermaphrodisme, cannibalisme sexuel, polygamie, aberration sexuelle. Essai qui aurait plus tout de même être plus développé.
Commenter  J’apprécie          40
Couleurs - Choses anciennes

Un souvenir très ancien et très fort de ce recueil de nouvelles de Rémy de Gourmont, intitulé "Couleurs", où l'auteur écrit de courtes histoires en symbiose, et symbolique d'une couleur...représentative d'un sentiment ou d'une émotion humaine...
Commenter  J’apprécie          40
L'ennui

Pour faire simple et efficace : recueil sans prétention, mais bourré d'idées et d'imagination. Né d'un appel à textes sur un thème, l'ennui, cet ouvrage mélange tous les genres. L'humour côtoie le drame, le moyen l'excellent, qu'importe, on découvre des nouvelles plumes, dont un Séverin Foucourt avec une histoire (tendre, légère,...) qui tient la (courte) distance et promet de beaux textes pour la suite. À SUIVRE...
Commenter  J’apprécie          30
L'ennui

Objet littéraire non identifié, ce recueil collige tout un tas de textes, poèmes, dessins, essais, peintures, calligrammes, photographies, roman-photos et autres productions graphiques que je n'évoquerai pas au risque d'ennuyer. Car c'est bien de cela dont il est question - de l'ennui - traité sur tous les modes par une palanquée d'auteurs, tantôt connus, tantôt émergents. La plongée est distrayante, fourre-tout inconcevable, comme seules les éditions Jacques Flament osent encore en pondre. Absolument pas notable à mon sens, tant l'hétéroclite est ici loué, j'en garde une lecture amusée et curieuse.
Commenter  J’apprécie          30
Couleurs - Choses anciennes

A propos de Couleurs : Des contes écrits d'une manière simple, dans un style finalement très proche d'un Maupassant, style plus réaliste que dans ses premières œuvres qui outraient les procédés symbolistes jusqu'au décadentisme (comme dans le roman Sixtine), avec un recours fréquent à la description objective, à une petite ironie implicite tout en gardant une certaine compassion pour ses personnages. Mais la thématique des couleurs offre à Gourmont l'occasion de petits exercices de style symbolistes. Comme annoncé dans sa préface, chaque conte est une promenade, une nuance dominante, un rythme… L'amour qui fait l'unité du recueil est traité ici avec une grande légèreté sans jamais tomber dans la naïveté ; l'amour est également plutôt positif, chose plutôt rare.

La préface constitue une vraie consigne d'atelier d'écriture, voire même un art poétique qui demeure typiquement symboliste : pour qu'une œuvre littéraire soit solide et cohérente, il est important que l'écriture réponde à une émotion de départ, un mouvement créateur qui persiste et détermine les contraintes et exigences d'écriture. La promenade, par la marche, imprime un rythme, le défilement du paysage, des petites choses de la vie, imprime des couleurs, des sensations, qui donnent toute sa matérialité poétique à l'écriture. C'est une technique qui met au second plan l'idée de base et le travail technique, à l'opposé de la technique académique de pastiche et réécritures d'Antoine Albalat (dans L'Art d'écrire ou Le Travail du style ; débat qu'ils ont eu par oeuvres interposées). Gourmont, en symboliste, cherche à relier directement les sensations à la plume, ce qui annonce davantage les techniques surréalistes d'écriture automatique et les écritures sous contraintes oulipiennes.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
Commenter  J’apprécie          20
L'Ange noir : Petit traité des Succubes

Petit traité de moi. J'aime !
Commenter  J’apprécie          20
L'ennui

Quel étrange mélange...

Des productions disparates s'enlacent sous nos yeux, singulières et biscornues, elles embrassent l'ennui, l'enserrent, valsent, chaloupent avec, lui trifouillent la couenne, lui tortillent des recoins inavouables. Pauvre ennui tiraillé de toute part. On ne sait trop si l'on doit regarder - on a sa pudeur, mais aussi le goût du difforme - alors on fonce, se défronce les sourcils et s'amuse du mêli-mêlo sur papier.

Mais tout de même, quel étrange mélange...
Commenter  J’apprécie          20
Le latin mystique

Un livre dont Blaise Cendrars s'est inspiré pour créer sa poétique. Certains passages évoqueront même les "calligrammes" d'Apollinaire et "loulipostisme" d'un Queneau, d'un Perec !
Commenter  J’apprécie          10
Physique de l'amour : essai sur l'instinct ..

L'homme commence par aimer l'amour et finit par aimer une femme. La femme commence par aimer un homme et finit par aimer l'amour.
Commenter  J’apprécie          10
Sixtine

Je dois le relire, mais c'est une beau roman très fin-de-siècle, plein d'artifice et d'originalité
Commenter  J’apprécie          00
Chez les Lapons

Un livre sympathique, mais qui date de son temps.



Car oui, c’est ouvrage a été édité pour la première fois en 1890. Il ne faut donc pas s’attendre à un récit très détaillé, très précis (quoique) et surtout, même s’il n’est pas bourré de préjugé, il n’en reste pas moins une vision d’une époque.



Ce qui est très perturbant dans cet ouvrage, c’est l’auteur : c’est-il oui ou non parti en Laponie pour écrire ce livre. D’après ce que j’ai compris non. Mais dans ce cas, il a fait un bon travail de bibliographie.

Ceci dit, la préface de l’ouvrage est indispensable pour comprendre le contenu de cet ouvrage. Car comme je l’ai dit, l’auteur a fourni du travail, mais il n’a pourtant pas su se départir d’idées fausses ou d’aberration : les rennes attelés courent à 144 km/h, les Lapons ne se nourrissent que de lait de rennes, etc. De plus, la préface nous apprend que les illustrations ne représentent des Sâmes norvégiens, mais suédois (les Sâmes ont des différences culturelles selon le « pays » ou « région » qu’ils habitent. Mais c’est tout de même agréable d’avoir ses illustrations.



Il y avait dû déjà lu pour moi. L’ouvrage récent, « Mythologie des Lapons », c’est Imago, doit y être pour quelques choses.



Ma partie préférée à concerner les contes à la fin de l’ouvrage.



Un ouvrage à lire avec du recul, mais qui se lit facilement et rapidement.
Commenter  J’apprécie          00




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Rémy de Gourmont (144)Voir plus

Quiz Voir plus

Jouons avec John Ford

John Ford adapte en 1935 l'écrivain républicain irlandais Liam O'Flaherty. Victor McLaglen incarne Gypo Nolan, un ivrogne qui dénonce son ami membre de l'IRA pour 20 £ de récompense . Le film s'intitule:

L'Homme tranquille
Le Mouchard
Quand se lève la lune

14 questions
15 lecteurs ont répondu
Thèmes : cinéastes , cinema , cinéma americain , realisateur , hollywood , adaptation , adapté au cinéma , littérature , western , romans policiers et polars , roman noirCréer un quiz sur cet auteur

{* *}