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Critiques de Richard Wagamese (432)
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Les étoiles s'éteignent à l'aube

Très beau livre où la nature et les violences de la vie sont mêlées en un magnifique poème d'humanité dans lequel les silences pèsent souvent plus que les mots, dans le décor éblouissant des rivières et montagnes de l'Alberta.



Le thème de la relation père-fils constitue le coeur douloureux de leur histoire admirablement mise en scène par Richard Wagamese. On sait dès le début que le fils va accompagner le père en fin de vie vers une crête montagneuse où il veut reposer, peut-être enfin délivré dans l'au-delà des démons qui l'ont pourchassé au long de sa vie misérable.



Leur voyage prend assez vite la forme d'une narration par le père de son existence, narration qui devient confession à mesure de sa progression. Il a été marqué par les guerres, dès l'enfance par la deuxième guerre mondiale, et, à peine entrant dans l'âge adulte par celle de Corée. Son alcoolisme est également évoqué dès le début du livre, il marquera de manière indélibile son existence tout entière.



Le fils est à l'écoute, il se souvient de son côté des premiers contacts avec ce père en lequel il aurait, enfant, voulu croire. Il a été élevé un "vieil homme" qui ne lui a pas fait de confidences, espérant que le père, un jour, dévoilerait à son fils des vérités tellement dures à entendre.



Le fils a finalement deux pères, le biologique auprès duquel il accomplit un devoir filial presque naturel, en l'accompagnant vers son terme, en écoutant son récit qui le blesse, en lui fermant les yeux comme celui-ci le désirait, en un lieu de beauté presque magique. Il a un père adoptif qui l'a élevé, dont les silences courageux ont sans doute été très durs à respecter, finalement il me semble qu'il aime les deux, bien différemment bien sûr, ne pouvant rompre les liens qui l'unissent à eux.



Richard Wagamese raconte cette histoire en y insérant la nature avec les rivières peuplées de truites, les animaux à chasser, l'ours à redouter tout en l'affrontant dans une magnifique scène -- l'ours n'est-il pas en quelque sorte le père à cet instant? --, les nuages flamboyants, les aubes fraîches, les ciels emplis d'étoiles qui vont s'éteindre avec la fin de la vie du père.



C'est vraiment un roman magnifique d'amours et de rancoeurs, de malheurs et de brèves joies, de haine et de tendresse, de tous ces sentiments qui nous font hommes et femmes et que Richard Wagamese déroule en un drame humain écrit sans complaisance mais avec beaucoup d'humanité.
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Jeu Blanc (Cheval indien)

Une lecture aux thèmes sombres puisqu'il sera question de maltraitance et de racisme, mais aussi de résilience.

Il s'agit d'un récit en trois tempos, en trois tableaux, une histoire qui se doit d'être exhaustive pour être appréhendée efficacement dans son effroyable réalité, je pense de plus que cette histoire sera perçue différemment selon le vécu des lecteurs.

L'histoire de Saul Indian Horse le petit ojibwé est bien sûr unique, mais c'est aussi et malheureusement une variation d'un thème tristement universel et éternel.

L'auteur va nous raconter chronologiquement et avec méthode sa vie, les premiers souvenirs sont ceux de sa prime enfance imprégnée de culture ojibwé, puis de huit à douze ans viendront les années passées à l'orphelinat catholique de Saint-Jérôme où il sera victime de l'acharnement des religieux à le purger de sa culture, de sa langue, témoin des maltraitances subies par ses amis et de la mort de certains.

Puis il y aura la "délivrance", le hockey sur glace qui lui permettra de se réfugier dans une bulle de passion, il y aura aussi la chance d'être adopté par une famille d'anciens pensionnaires eux-mêmes passionnés de hockey.

Je vais m'arrêter ici avant de résumer l'intégralité du livre car mon but est avant tout d'exprimer un ressenti, on apprend dès le début du livre que l'auteur est en cure de désintoxication et qu'il se raconte pour essayer de "s'en sortir", donc je vais laisser ceux qui souhaiteront le savoir lire ce livre et poursuivre la découverte.

Il me faut quand même dire que bien qu'ayant été aspiré par ce récit je ne pouvais pas me départir d'un sentiment de gêne, sentiment qui s'est envolé au chapitre 49 (sur 56), et je suis pour le coup admiratif car

ce chapitre 49 fait vraiment basculer le récit vers quelque chose d'essentiel qui donne l'éclairage qui manquait jusque là.

Saul a survécu, plus que beaucoup d'autres livres, "Jeu blanc" explique comment et à quel prix cela peut se faire parfois.

Ce fut probablement mon avis le plus difficile à rédiger, j'étais parti pour développer mon ressenti, l'expliciter et écrire quelques pages, je me suis abstenu et limité comme jamais encore pour ne surtout pas en dire trop, un indice sur l'impact qu'a eu cette lecture sur moi.

Il me reste à remercier Doriane qui a une très mauvaise influence sur ma PAL ;)
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Jeu Blanc (Cheval indien)

Cela fait un mois qu'il est dans ce centre de réhabilitation. Et autant de temps sans une goutte d'alcool. Pour tenter de comprendre comment et pourquoi il en est arrivé là, Saul Indian Horse doit raconter son histoire. Mais, dans ce cercle d'hommes et de femme, cela lui paraît impossible. Trop à dire, trop à trier, trop à crier... Alors, il va l'écrire, son histoire...

… l'histoire du Clan des Poissons des Ojibwés du Nord où Saul vit avec sa famille, ses parents, son petit frère et sa grand-mère, au cœur des forêts. Une vie empreinte de légendes et de croyances...

… l'histoire des Blancs dont il faut se méfier, eux qui veulent enlever leur indianité...

… l'histoire de son petit frère, Benjamin, kidnappé par des Blancs. Revenu affaibli d'entre leurs griffes, il mourra des suites de la tuberculose...

… l'histoire de sa grand-mère, omniprésente et protectrice, qui paiera de sa vie pour sauver le petit garçon...

… l'histoire de sa vie entre les quatre murs de l'orphelinat St. Jerm's, régi par un Père et une Sœur despotiques...

… l'histoire du hockey dans lequel il trouvera son échappatoire et son salut...



Récit poignant et fort s'il en est, Jeu blanc émeut autant qu'il interpelle. Saul Indian Horse, jeune Ojibwé, va se retrouver bien seul après l'abandon de ses parents et la mort de sa grand-mère. Placé dans un orphelinat où violence, humiliation et abus sont monnaie courante, il trouvera néanmoins une porte de sortie grâce au hockey, sport pour lequel il semble avoir un don. Saul Indian Horse pourrait être le double, le frère de Richard Wagamese. Un frère porteur de ses souffrances, de ses blessures, de ses espoirs vains et déchus. Lui-même abandonné par ses parents, enlevé dans le cadre de ce qu'on appelle "La rafle des années 60" (programme visant à placer des enfants autochtones dans des familles d'accueil), trimbalé de familles en familles au cœur desquelles il ne trouvait pas sa place, ce n'est pas dans le hockey que l'auteur se réfugiera mais dans la littérature. En de courts chapitres, ce roman déroule, avec force et constat, une épopée tragique, illustration édifiante du sort réservé aux Indiens. Puissant, à la fois cruel et lumineux, porté par un personnage entier et sensible, Jeu blanc est, immanquablement, inoubliable...
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Les étoiles s'éteignent à l'aube

Il a mis la journée pour se rendre à Parson's Gap, traversant, à dos de jument, champs et bois teintés de couleurs automnales. Il ne lui fut pas difficile de trouver son père, Eldon Starlight, tant sa réputation de poivrot le précédait. Une fois arrivé dans sa chambre, celui-ci lui proposa d'aller manger un morceau et là, en tête à tête, il lui fit sa requête : l'emmener sur la chaîne de montagne, à 60 kms d'ici, et l'enterrer en haut de la ligne de crête, face à l'est, à la façon des guerriers. Franklin, âgé de 16 ans, ne peut pas refuser cela à son père qui ne s'est pourtant jamais occupé de lui, laissant cela au bon soin du vieil homme, et qui n'est venu le voir qu'en de rares occasions, souvent en piteux état d'ailleurs. C'est son père et, malgré l'indifférence qu'il lui porte, Franklin acceptera. Ce voyage, au coeur de la montagne, sera alors pour lui l'occasion d'en savoir un peu plus sur son géniteur et d'obtenir quelques réponses à ses questions...



Richard Wagamese nous emmène au coeur des terres indiennes, là-haut dans les montagnes, pour un périple éprouvant et salutaire. Parce qu'Eldon Starlight sait que ses jours sont comptés, il compte sur son fils, Franklin, pour le conduire dans les montagnes, là où il veut mourir en paix. Ce périple permettra à ce père rongé par l'alcool, malade, au lourd passé secret, et ce fils taiseux, solitaire, sérieux et calme, de nouer quelques liens, aussi ténus et éphémères soient-ils. D'une beauté âpre, d'une délicatesse ineffable, d'une sensibilité et d'une pudeur rares, ce roman, sauvage et ancré dans les coutumes, nous transporte et nous émeut. L'auteur dépeint, avec finesse, la complexité des hommes et des rapports humains, l'amour, l'amitié, la douleur et brosse des portraits saisissants et d'une profonde humanité. Les dialogues sont ciselés, les silences retentissants et la nature grandiose...

Remarquable !
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Jeu Blanc (Cheval indien)

« Il y avait un spectre au sein de notre camp. Nous percevions l'ombre de cet être obscur dans les rides du visage de notre mère. Parfois, elle se blottissait auprès du feu, serrant et desserrant les poings, les yeux semblables à des lunes sombres à la lumière des flammes. »



Qu'est-ce donc qui hante ainsi la mère du petit Saul ? Quel est ce spectre qui la soustrait subitement au monde réel, la plongeant dans un mutisme hébété dont rien, pas même les gestes d'affection ou les paroles de ses proches ne saurait la faire sortir? Quels terribles souvenirs, quels traumas, quelles peurs? Et pourquoi, au moindre signe de l'approche d'un étranger, sa grand-mère Naomi emmène-t-elle Saul dans la forêt? Que fuit-elle ? de quoi, de qui veut-elle le protéger?



Certains d'entre vous ont peut-être entendu parler du scandale des pensionnats indiens au Canada qui éclata au grand jour en 2015, au terme de six années d'enquête. Cent-cinquante-mille enfants, Indiens pour la plupart mais aussi Inuits, le plus souvent enlevés de force, arrachés à leurs familles et à leurs terres, passèrent par ces « écoles » tout au long du vingtième siècle. Dirigés par les églises chrétiennes et subventionnés par le gouvernement fédéral, ces pensionnats, officiellement chargés d'éduquer, de convertir au christianisme et d'assimiler à la société canadienne les enfants des peuples autochtones, furent en réalité de véritables bagnes au sein desquels prêtres et religieuses purent donner libre cours à une imagination manifestement sans limites en matière de sévices destinés à soumettre, à humilier, à chosifier des enfants dont le seul tort était de ne pas être né Blanc.



« À St. Jerome's, j'ai vu des enfants mourir de tuberculose, de grippe, de pneumonie et de coeur brisé. J'ai vu des jeunes garçons et des jeunes filles mourir debout sur leurs deux pieds. J'ai vu des fugitifs qu'on ramenait, raides comme des planches à cause du gel. J'ai vu des corps pendus à de fines cordes fixées aux poutres. J'ai vu des poignets entaillés et les cataractes de sang sur le sol de la salle de bains, et une fois, un jeune garçon empalé sur les dents d'une fourche qu'il s'était enfoncée dans le corps. »



La mère et le père du petit Saul sont passés par l'une de ces « écoles » il y a de cela bien longtemps. Ils en sont revenus, ils ont repris leur vie au camp, leur vie d'Indien Ojibwé comme avant. Sauf qu'évidemment, plus rien ne peut désormais être comme avant. En eux s'est ouvert un trou béant dans lequel toute joie, toute foi, la possibilité même du bonheur ont irrémédiablement sombré. C'est sur les décombres d'une enfance saccagée qu'ils espèrent fonder une famille, transmettre à leurs enfants leur culture et leurs valeurs. Mais que peuvent-ils contre la fatalité? Que peuvent-ils contre le spectre qui s'est emparé d'eux et qui les dévore jour après jour ?



« Tout ce que je connaissais d'indien disparut au cours de l'hiver 1961, quand j'avais huit ans. (…)

Ils m'emmenèrent dans un pensionnat, le St. Jerome's Indian Residential School. Une fois, j'avais lu qu'il y avait dans l'univers des trous qui avalaient toute la lumière, tous les corps. St. Jerome's vola toute la lumière de mon monde. »



St. Jerome's vole toute la lumière du monde de Saul, s'acharnant à tuer l'Indien qui est en lui. Mais St. Jerome's lui fournit aussi, par l'intermédiaire d'un jeune prêtre différent des autres, la possibilité du salut :



« Le Père Gaston Leboutilier arriva à St. Jerome's la même année que moi. (…) « As-tu déjà entendu parler du hockey? » Ce fut la première chose qu'il me dit. »



J'ai pensé à la célèbre citation d'Hölderlin « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve » en lisant ce livre. En même temps qu'elle plonge Saul dans un désespoir sans fond, la vie lui fait cadeau de la grâce. Car Saul est possédé par la grâce du hockey, ce sport parfait dans un monde imparfait, ce « jeu blanc », blanc comme la glace de la patinoire sur laquelle évoluent les joueurs, blanc comme un monde vierge non encore exploré, mais aussi blanc comme la couleur de peau de l'oppresseur… C'est là toute l'ambivalence de ce cadeau que la vie lui fait. Saul peut se sauver grâce au hockey, mais le hockey est le jeu des Blancs, autrement dit de ceux qui ont voué au malheur son peuple, son clan et lui-même. de ceux qui, en dépit de ses dons exceptionnels pour ce sport, persisteront à voir en lui, non pas un homme dans son infinie complexité, mais un Indien réduit à quelques clichés éculés :



« Je voulais atteindre de nouveaux sommets, être l'une des rares étoiles. Mais ils ne voulaient pas me laisser être tout simplement un hockeyeur. Il fallait toujours que je sois un Indien. »



Nous croyons comprendre l'origine de la rage qui s'empare alors de Saul, confronté au rejet et au racisme, et dont les exceptionnelles dispositions pour le hockey lui sont à la fois reconnues et impitoyablement refusées. Nous croyons connaître toutes les souffrances, toutes les humiliations ayant produit cela : un désespoir sans fond alimentant une rage inextinguible. Sauf qu'une souffrance peut en cacher une autre, indicible, dont les racines plongent plus profondément encore, au coeur même de l'être.



Si Doriane (@Yaena) ne m'avait pas invitée à lire « Jeu blanc » dans le cadre de notre collier de perles littéraires, je serais probablement passée à côté du livre et de son auteur. Richard Wagamese est un survivant du système des pensionnats indiens, et a sans aucun doute mis beaucoup de lui dans le personnage de Saul. Après bien des souffrances et des années d'errance, il s'est sauvé, non pas grâce au hockey, mais grâce à l'écriture. Sa plume pudique et poétique, tout en retenue, sert magnifiquement un récit d'apprentissage à fendre l'âme.



« Ils nous ont vidés de l'intérieur, Saul. Nous n'en sommes pas responsables. Nous ne sommes pas responsables de ce qui nous est arrivé. Mais notre guérison, elle, dépend de nous. »
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Les étoiles s'éteignent à l'aube

Les étoiles s'éteignent à l'aube est un magnifique récit initiatique, un roman sur la transmission, écrit par Richard Wagamese, auteur de littérature amérindienne canadienne, qui appartient à la nation ojibwé et qui nous a quitté en mars 2017.

Nous sommes ici dans l'arrière-pays immense et sauvage de la Colombie britannique, sur des terres jadis indiennes, celles justement des ojibwe. Sans doute le sont-elles toujours, du moins dans l'âme. Puisque le Tout, le Grand Tout est là pour veiller.

Rongé par l'alcool, Eldon sait que ses jours sont comptés. La tradition ojibwe veut qu'il soit enterré par les siens, là-haut sur la montagne, comme un guerrier. Alors, il appelle son fils Franklin pour accomplir cette tâche. Quoi de plus naturel, sauf qu'ils n'ont jamais vécu ensemble.

Franklin a été élevé par un autre homme que son père et n'a jamais connu sa mère. C'est le vieil homme qui l'a élevé seul dans sa ferme, qui le met en relation avec son père. Pour l'enfant qui a désormais seize ans, cette demande est une manière d'obtenir des réponses aux questions qu'il se pose depuis toujours sur son passé.

Dans ce grand espace qui s'ouvre à ce voyage ultime, c'est une sorte de pacte qui s'engage alors, un voyage dans le silence et l'âpreté du paysage, où les deux hommes vont cheminer comme dans une sorte de road-trip. Alors nous voyageons ensemble, avec eux. C'est un voyage éprouvant et émouvant. Nous sommes au plus près de leurs gestes qui s'effleurent. Les haltes le soir autour d'un feu sont propices à se parler. La parole est là qui se délie peu à peu, pas à pas, poser des mots sur le silence d'un père et de son fils qui se retrouvent quasiment pour la première fois. C'est une manière de visiter le passé, apaiser, le père et le fils ont ce besoin immense d'apaisement entre eux, immense comme les terres qui les entourent. Et la mère absente, n'est jamais si loin d'eux finalement...

C'est un voyage initiatique. Ils retrouvent des gestes ancestraux, construire un abri contre la pluie, chasser, pêcher, éloigner un grizzly qui s'approche de trop près de leur campement. Prier pour le grand Tout...

La parole qui se libère, qui revient fouiller le passé, ne permet pas forcément d'effacer totalement les cicatrices ou de refermer à coup de pelletées de terre un trou béant. Les mots viennent comme des caresses, les doigts se mêlent à ceux de la mort, il y a quelque chose qui passe, qui se mélange, qui se transmet d'un père à son fils. Ou peut-être l'inverse aussi. On oublie souvent l'inverse, qui vient de manière improbable et parfois salutaire...

Les étoiles s'éteignent à l'aube... Il reste alors peut-être encore un peu de vie ailleurs, de quoi souffler sur les braises d'un feu de camp qui a brûlé toute la nuit, dans l'écho des battements de coeur d'un fils qui accompagne son père de l'autre côté du grand paysage.
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Les étoiles s'éteignent à l'aube

« Jimmy disait tout le temps que nous étions un Grand Mystère. Tout. Il disait que les choses qu’ils faisaient, ces indiens d’autrefois, c’était rien d’autre que d’apprendre à vivre avec ce mystère. Pas le résoudre, pas s’y attaquer, pas même chercher à le deviner. Juste être avec. J’crois que j’aurai aimé apprendre le secret qui permet de faire ça ».



Colombie britannique, Canada, deuxième moitié du 20ème siècle, Franklin Starlight est un adolescent âgé de seize ans. Il est un enfant heureux bien qu’il ne sache pas très bien qui il est ni d’où il vient. C’est le « Vieil Homme » qui l’a élevé. Il lui a dit qu’il était indien ce qu’il a toujours cru. Dans ce monde rude et avare de mots, rien ne filtre. Pourtant « l’Enfant » aimerait bien, de temps en temps, trouver un léger indice qui lui permette de mieux appréhender ses origines. Le « Vieil Homme » enseigne, transmet, pourvoit aux besoins de l’Enfant. Derrière toute cette pudeur se cache une énorme tendresse qui lie « l’Enfant » et « Le Vieil Homme ». Frank ne sait pas ce qu’est la solitude. Dans ces magnifiques paysages, le « Vieil Homme » lui a apprit le respect de La Vie et de la Nature. La lune, l’eau, le vent, la montagne, les animaux sauvages, sa jument sont ses véritables compagnons. Suivre la piste d’un animal, interpréter les traces laissées par le gibier, tendre des pièges, poser une ligne de nuit pour attraper les poissons, travailler à la ferme, toutes ces activités relient Frank au Grand Tout et donnent un sens à son existence, c’est là qu’il se sent à sa place. Alors que sur les bancs de l’école, il se sent tellement étranger.



C’est à l’âge de cinq ou six ans qu’il fait la connaissance d’Eldon et qu’il apprend, à sa grande surprise, qu’Eldon est son vrai père. Un père que l’Enfant ne verra qu’une dizaine de fois en tout et pour tout et dans des conditions parfois dramatiques voire sordides. Eldon est rongé par l’alcool, il a passé sa vie à survivre, à tenter d’apprendre des trucs d’homme blanc pour manger, il a oublié tout ce qui était indien. C’est un être brisé qui noie sa souffrance dans l’alcool, qui boit à en mourir pour oublier jusqu’au jour où ce dernier demandera à Frank de l’accompagner à sa dernière demeure.



« J’ai entendu dire une fois par des anciens que les Ojibwés avaient coutume d’enterrer leurs guerriers assis face à l’est, là où se lève le soleil, avec toutes leurs armes et leurs affaires autour d’eux. De cette façon, quand ils seraient prêts, ils pourraient suivre le soleil) travers le ciel jusqu’au paradis des chasses éternelles où ils seraient de nouveau des guerriers. C’est comme ça que je veux partir. »



J’ai voulu tenter une première incursion dans le style nature-writing, ce genre littéraire qui fleurit un peu partout sur les étagères des libraires. Je m’attendais à pénétrer dans l’univers Ojibwe du Canada, j’y ai trouvé surtout un réquisitoire implacable contre l’alcoolisme et sa pulsion de mort, accompagné de son cortège de destructions. Ecrire un tel livre n’est pas anodin : c’est ce qui m’a incitée à parcourir la biographie de l’auteur.



Richard Wagamese nous a quittés en mars 2017 à l’âge de 61ans. Petit enfant, il vit dans un camp entouré de ses frères et sœurs et de toute sa famille. Ses parents sont alcooliques et pour s’adonner à la boisson, ils vont abandonner les enfants dans le camp pendant plusieurs jours. Affamés et gelés, les enfants vont s’échapper et seront placés par la Société d’Aide à l’Enfance. C’est bien de cet héritage douloureux dont sont fécondés les romans de Richard Wagamese, dès les premières pages, le vécu saute aux yeux.



« Les étoiles s’éteignent à l’aube » oscille entre ombre et lumière. Les paysages somptueux défilent sous les yeux. Le chemin qu’emprunte Frank et son père pour accéder au sommet de la montagne, m’a fait penser à un chemin initiatique qui mène vers le rite de passage qu’est la mort. Moïse gravit la montagne pour parler avec l’Eternel et c’est au Mont Sinaï qu’il reçoit Les Tables de la Loi. J’ai pensé aussi au sermon de Jésus sur la montagne. Le sommet symbolise la jonction entre les hommes et le divin et chez les indiens Ojibwés, j’y ai retrouvé le même attribut.



Cette ascension vers le sommet est l’essence même de la quête du père et du fils, découverte voire redécouverte des racines, réparation un tant soit peu des liens affectifs, transmission identitaire, respect des dernières volontés. Cette montée sera un accomplissement tant pour le père que pour le fils, chacun y trouvant de quoi combler leur vide.



Eldon est détruit par l’alcoolisme. Il s’épanche, tente modestement d’expliquer les raisons de sa fuite perpétuelle et de ses négligences désastreuses. Mais le lien s’est tellement distendu pour Frank. L’absence, l’abandon, la négligence du père n’a pu qu’engendrer de la détresse chez le fils, un véritable renoncement s’est opéré chez le fils et la figure paternelle s’est déplacée sur le « Vieil Homme» blanc. La Parole peut-elle réparer les maillons d’une filiation qui ne s’est jamais faite. Ne dit-on pas le Verbe créateur. Frank répond, sans ménagement, à cet homme qui est au bout du rouleau, agonisant et curieusement, c’est le fils qui révèle au père les gestes de la Tradition Ojibwé.

Le voyage pour le père est éprouvant, il y a des scènes d’une émotion intense chez ces êtres rudes. Au fur et à mesure de la montée vers le sommet, les dialogues se font de plus en plus percutants malgré une économie de mots. Les silences sont éloquents jusqu’à la position des corps. Le moindre geste devient une violence ou bien une caresse. Au bout du chemin, Frank aura assemblé les morceaux de son puzzle intime, il sera un homme debout et entier.



Ce récit initiatique n’est pas anodin, il peut raviver avec intensité certaines douleurs enfouies, il traite de l’alcoolisme et du père défaillant, de l’agonie du père. La tendresse qui va se dégager petit à petit de ces échanges abruptes, distillant les silences chargés de non-dits, prend aux tripes.



J’ai fini cette lecture bouleversée, les larmes aux yeux. J’ai trouvé dommage de ne pas avoir conservé le titre original « Medicin Walk » qui dit tout !



Le Vieil Homme lui disait « Je peux rien t’enseigner de ce que tu es, Frank. Tout c’que j’peux faire, c’est te montrer comment être une bonne personne. Si tu apprends à devenir un homme bon, tu seras aussi un bon injun ».

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Jeu Blanc (Cheval indien)

Jeu Blanc. Le titre est déjà un édifiant jeu de mots résumant ce que représente le Hockey pour Saul : d’abord ce jeu grisant pratiqué sur le blanc éblouissant de la glace, reflétant la lumière dans laquelle il tente de s’aveugler pour ne pas voir la noirceur de sa vie - lumière dans laquelle il se jette à corps perdu pour fuir ses propres zones d’ombre ; mais aussi un jeu que l’homme blanc croit être le seul à pouvoir pratiquer dignement. Un jeu de blancs. Un jeu qui l'aidera malgré tout à combler les blancs de sa vie.





Saul était petit, lorsque les hommes blancs l’ont violemment arraché à ses racines naturelles et aux siens, pour le « civiliser ». Pour ce faire, de nombreuses « écoles » catholiques accueillaient de force les enfants indiens. Hélas, ceux qui ont lu Diderot savent que la religion n’est pas le refuge ultime qu’elle voudrait faire croire. Dans ces endroits, où sévices et punitions supplantent Amour et compassion, Saul survit grâce à sa passion toute nouvelle pour le hockey qu’il y découvre. Il s’y accroche comme le seul rempart préservant une part de vie et de liberté dans un quotidien de contraintes, un refuge pour lequel il accepte tout, y compris de se lever aux aurores pour s’entrainer dans le froid piquant. Cette sensation de légèreté, lorsqu’il s’élance sur la glace laiteuse et luisante, cette liberté qui l’effleure lorsque le vent caresse son visage, les bruits et les odeurs qui le remplissent tout entier, ne laissent plus de place aux mauvais souvenirs : ceux de la déliquescence de sa famille, parquée dans une réserve, ou encore de cet emprisonnement et des traitement reçus au nom d’un Dieu en qui il ne croit pas. Saul s’accroche à ces sensations au point de devenir un très bon joueur, se donnant les moyens d’accéder aux grandes équipes de ligues. La glace est le seul espace où on le laisse exprimer son don de vision, sa clairvoyance pour trouver le chemin de la victoire. Sa passion du jeu est communicative et sa motivation est de la partager et de la transmettre, pour continuer à vivre cette passion qui le fait se sentir vivant.





« C’est pour cela que je m’étais abandonné au hockey. Pour m’abandonner à moi-même. Lorsque le racisme du public et des joueurs me fit changer, je devins furieux parce qu’ils m’enlevaient la seule protection que j’avais. Quand cela se produisait, je savais que ce sport ne pourrait plus m’offrir de protection. »





Malheureusement, il ne voit pas aussi clair dans sa vie. Ayant du mal à s’enraciner, la patinoire devient son « beau miroir » trouble, qu’il arpente dans l’espoir d’y apercevoir ce qui ne va pas. Et puis où tout cela mène-t-il, si le public blanc et les joueurs blancs ne voient en lui qu’un indien à (a)battre, l’insultant, le rabaissant pour leur simple et pitoyable plaisir de se sentir supérieur ? Une fois de plus, l’(im)pitoyable homme blanc lui ôte sa joie de vivre en même temps que son envie de jouer, et l’empêche de s’insérer dans une communauté où on l’a pourtant implanté de force… Que lui reste-t-il, quand on lui a tout pris ? Une énorme boule de colère au fond de l’estomac, quelque chose de lourd, de noir et d’amer qui menace de le submerger s’il ne la fait pas taire avec de l’eau de feu. Un peu, beaucoup, et jusqu’à la folie, le foie de Saul s’affole et ses amitiés s’étiolent. « Je ne pouvais pas courir le risque que quelqu’un me connaisse, parce que je ne pouvais pas courir le risque de me connaître moi-même. » Saul remplace alors son paradis blanc par un refuge de feu, celui de l’enfer qu’il vit sur cette terre. Le sol glacé fond sous ses pieds, et l’homme qui se cachait derrière son reflet sur la glace ne peut plus se regarder dans le miroir. Qu’y voit-il ?





« Quand on est paumé comme je l’étais, on boit toujours pour oublier. Pour oublier les choses banales et admises comme un foyer, un boulot, une famille, des voisins. On boit pour oublier les pensées, l’émotion. L’espoir. On boit pour oublier parce que après toutes les routes qu’on a prises, c’est la seule direction qu’on connaisse par coeur. On boit pour oublier afin de ne plus entendre les voix, de ne plus voir les visages, ne plus toucher les choses, ne plus sentir. On boit pour oublier afin d’effacer ce lieu que seuls les poivrots de la pire espèce connaissent ; ce monde au fond du puit où l‘on se réfugie dans le noir, hanté à jamais par la conscience de la lumière. Je fus au fond de ce puits pendant un long moment. Revenir à la lumière du jour faisait un mal de chien. »





Etonnamment, il fallait pourtant en passer par là. C’est ce dont Saul se rend compte lorsqu’un sevrage médicalisé lui rend les idées claires. Le thérapeute qui tente de le sauver qui lui fera écrire son histoire, celle qu’il vous délivre faute de savoir la raconter lors des groupes de paroles. Un récit distancié au départ, dont les contours flous semblent trop survolés pour nous atteindre réellement ; Réveil d’un mauvais rêve genre gueule de bois, révoltant notre raison mais préservant nos sentiments. Jusqu’à ce que se dessine l’origine des larmes qui explique cette sensation de flottement, fait finalement fondre aussi nos coeurs et bouillonner nos tripes. Des larmes comme les lames qui vous déchirent l’âme, la lacèrent et puis l’essorent, à bout de mots, à bout d’amour pour ce Saul solaire que l’on voudrait désormais rieur. Encore un livre qui gagne en intensité et en profondeur sur la fin, et qui fait s’interroger sur le sens de notre humanité dite « civilisée »…





« J’y retournais pour apprendre à partager la vérité que j’avais découverte, hermétiquement enfouie au fin fond de moi. J’y retournais parce que je voulais apprendre à vivre avec cette vérité, sans boire. J’y retournais parce que j’avais besoin de prendre un départ solide sur une nouvelle voie et je savais que ce serait difficile. Parfois les fantômes rôdent. Ils trainent dans les coins les plus reculés, et quand vous vous y attendez le moins, ils surgissent, chargés de tout ce qu’ils vous avaient apportés quand ils étaient vivants. Je ne voulais pas être hanté. J’avais vécu ainsi pendant bien trop longtemps déjà. »

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Les étoiles s'éteignent à l'aube

Le père, le fils et le vieil homme. Le premier, Eldon Starlight, est rongé par l'alcool et sent sa fin arriver. Il contacte son fils, Franklin, âgé de 16 ans, et lui demande de l'accompagner sur la crête d'une montagne et de l'y enterrer en guerrier, à l'image de ses ancêtres indiens ojibwés. Franklin accepte avec réticence, lui qui aurait pourtant 1000 raisons de refuser. Son père ne s'est en effet jamais occupé de lui, le confiant peu après sa naissance aux bons soins du vieil homme qui, lui, a véritablement endossé le rôle de père de substitution, apprenant à Franklin les valeurs de la vie en communion avec la nature sauvage de la Colombie-Britannique. Et pourtant, donc, malgré sa haine et son ressentiment envers son géniteur démissionnaire, le jeune homme consent à conduire son père à sa dernière demeure, dans un parcours de plusieurs jours à travers la forêt et la montagne. Le cheminement est éprouvant physiquement et mentalement, mais il est l'occasion pour Eldon de tenter de justifier son comportement passé, et pour Franklin d'apprendre la vérité sur sa naissance et ses origines. Ce voyage initiatique au coeur d'une nature sauvage sublime et d'une relation père-fils compliquée à restaurer dans de telles conditions est aussi une histoire de rédemption et de transmission, et d'amour, en fin de compte. L'écriture est belle, sobre, poétique, et le personnage d'Eldon parvient presque à susciter l'empathie. Malgré tout cela, j'attendais plus de lumière de ce roman. L'histoire est très triste, et ce livre semble sonner la fin d'un monde, celui des traditions indiennes, des hommes purs et durs à la tâche vivant en harmonie avec la Nature. Les quelques épisodes solaires n'ont pas suffi à alléger la chape de mélancolie que ce livre a déposé sur mes épaules...
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Les étoiles s'éteignent à l'aube (BD)

Cette belle bande dessinée, qui anime les paysages naturels de l'ouest américain par des couleurs mêlant artistiquement les bleus et les ocres, relate les voyages d'un père et d'un fils avec une double lecture : voyages de chacun d'eux vers le passé, et celui-ci comporte son lot de douleur pour chacun, voyage ensemble vers l'avenir, pour le père la mort libératrice et, pour le fils, vers une destinée qu'il ne peut encore qu'entrevoir.



La première de couverture est magnifique, on aperçoit à peine les silhouettes des deux hommes parvenus au terme de leur périple commun et les planches qui se succèdent répondent aux promesses de cette belle première.



De nombreuses planches, des pages entières, sont sans dialogues ce que j'apprécie toujours, permettant ainsi au lecteur d'admirer la beauté sauvage des ciels, des montagnes, des forêts de tout ce qui confère à cette oeuvre sa dimension nature très prenante.



L'histoire reste classique, un père jeune orphelin, ballotté par la vie dure, progressivement perdu dans l'alcoolisme, un fils en quête de ses origines. Leurs échanges sont à la fois explications et reproches, incompréhension et compassion. Chacun découvre l'autre sur une très courte durée, ils se sont manqués dans la vie, faute du père, faute de la vie et d'un destin inexorable pour les plus fragiles.



Tout ce texte, malgré sa dureté et les drames qu'il développe, est empreint d'une beauté profonde avec quelques images clés, comme celles de la mère, cette inconnue dont le fils veut connaître l'histoire.



Il met aussi en avant une espérance diffuse, celle du fils qui aura accompli sa mission d'accompagnement de son père, libéré son esprit par la découverte de ses origines, paraissant prêt à aborder une vie différente avec peut-être, en perspective, le bonheur.
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Jeu Blanc (Cheval indien)

Encore sous l'émotion de ma lecture du livre de Louise Erdrich, Dans le silence du vent, j'ai eu envie de relire Jeu blanc de l'excellent Richard Wagamese, qui m'avait enchantée lors de sa sortie.

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Nous découvrons Saul dans un centre de désintoxication pour alcooliques. Il a une trentaine d'années et n'arrive pas à s'exprimer. Son psy lui conseille alors d'écrire l'histoire de sa vie, pour exorciser ses blessures, arriver à tourner la page et enfin arriver à avancer.

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Alors l'auteur se raconte.

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Saul, Indien Ojibwé, vit avec sa famille, fuyant les hommes blancs qui enlèvent les enfants pour les enfermer dans des orphelinats catholiques.

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Sa soeur Rachel est allée dans cette école et n'en est jamais revenue. Son frère Benjamin y a été entraîné de force également.

Il ne reste que Saul.

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Mais à 8 ans, il perd d'abord ses parents, puis sa grand-mère et se retrouve seul.

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Bien entendu, l'école lui tend les bras. Au bout des bras, il y a des serres, qui agrippent, qui font mal, qui détruisent.

Les enfants sont battus, affamés, violentés, violés. Pour certains, une petite cage en sous-sol les attend. Son petit nom : La Soeur de fer...

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Ils doivent abandonner tout ce qui faisait leur identité, à commencer par leurs cheveux qui sont coupés, leurs traditions, oublier leur famille, leur tribu, leur liberté.

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Un an plus tard, Saul à 9 ans et découvre une piste de patinage dans l'enceinte du pensionnat.

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Sa découverte coïncide avec l'arrivée d'un nouveau prêtre, lequel entraîne l'équipe de hockey sur glace, sport qui attire Saul irrésistiblement. Le prêtre, avec lequel il se lie, lui permet d'intégrer l'équipe.

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Véritable passion qui prend une importance qu'il n'aurait pas crue possible et lui fait un peu oublier tout le reste.

Dans cette horrible 'école" où l'on brise les enfants dès leur plus jeune âge, le salut se trouvera-t-il dans la pratique de ce sport ?

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J'ai été ravie de redécouvrir ce récit autobiographique. J'ai relevé de nombreux petits détails que j'avais oubliés.

Il me reste deux livres à lire de cet auteur. Je ne devrais pas trop tarder à les découvrir.

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Jeu Blanc (Cheval indien)

Saul Indian Horse est un amérindien, un ojibwé du Clan des Poissons, les Anishinabés, au nord de l'Ontario, près de la rivière Winnipeg.



Pour l'heure, c'est un vieil ivrogne qui amuse les Zaunagush, les hommes blancs, dans son centre de "rehab'", New Dawn, en leur racontant l'histoire de sa vie.



De son enfance surtout.



Une enfance en noir et blanc.



Noir comme la mort qui lui enlève sa grand mère chérie et son grand frère. Noir comme l'orphelinat de St Jérôme, noir comme les habits des soeurs et des curés, ces prédateurs sans scrupule, qui usent et abusent de leur pouvoir de nuisance sur ces petits indiens sans défense arrachés à leur famille-tous ne sont pas orphelins- à leur langue, leur culture, leurs croyances. Noir comme leur avenir, sans respect, sans amour, sans issue...



S'il n'y avait, salvateur, le blanc éclatant de la patinoire de hockey.



Blanc comme la glace, blanc comme la neige, blanc comme la page où vont s'inscrire les revanches sur l'humiliation, blanc comme l'étincelante renommée, blanc comme ce vertige magique qui saisit Saul, après une phase d'observation, blanc comme cette "vista" qui décode soudain les lignes du jeu, lui donne la prescience des passes à faire, des trajectoires à emprunter, blanc comme ce pouvoir quasi chamanique qui fait de Saul un génie de la glisse, un maître de la stratégie- le dieu rouge de ce jeu blanc.



Mais voilà, nous sommes dans les années soixante, et le hockey sur glace, sport national des Canadiens, ce jeu blanc, est avant tout un jeu de blancs.



Quand un peau rouge en devient maître c'est une sorte d'affront.



Il faut payer.



A moins que cette virtuosité au hockey n'ait été, déjà, une façon d'expier , de payer autre chose. Une blessure plus ancienne, plus profonde..cachée dans la nuit de l'enfance. Un prêté pour un rendu. Un jeu blanc, dans le troisième sens du terme...



J'ai lu d'une traite ce livre magnifique, lyrique et beau, cruel et tendre, très largement autobiographique.



Un petit mot sur le hockey, qui risque d'en effaroucher quelques-uns...ou plutôt quelques-unes! J'ai été maman de deux hockeyeurs sur glace passionnés- surtout un, qui nous a même transformés en groupies itinérants! J'ai moi aussi adoré ce jeu rapide, vif, viril..pour ne pas dire plus, l' atmosphère glacée et électrique de la patinoire, toujours nimbée de cette poussière de glace qui aiguise les sens, et fouette le sang...Voir David, mon hockeyeur de 12 ans, lever la crosse avec vaillance pour demander l'accès à la glace me donnait toujours un petit coup d'adrénaline et mon estomac se serrait!



C'est dire si je n'ai pas boudé les époustouflantes pages sur les parties disputées par magic Saul! Mais c'est si bien écrit que même le lecteur le plus pépère, le plus allergique au sport, ne peut, lui aussi, qu'avoir "la vista" d'Indian Horse, et se représenter brillamment les matchs !



Ce jeu blanc m'a emballée, mais il m'a aussi tordu le coeur, de colère et de chagrin.



Pour Saul, il faudra fendre la glace , briser son miroir pour trouver, enfin, un sens apaisé à ce jeu équivoque et , finalement, pervers, ainsi qu' une façon d'y jouer qui permette à l'ivrogne repenti qu'il est de recouvrer dignité, douceur et fraternité, entouré des enfants de son peuple qui ont besoin, comme lui, de faire leur place sans se renier, dans une société blanche, catholique et raciste.



Dur, beau et fascinant comme la glace.





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Starlight

Pour ceux qui ont lu Les étoiles s'éteignent à l'aube, nous retrouvons dans Starlight Franck, qui n'est plus le petit garçon en colère et en quête d'identité que nous avons rencontré mais un homme apaisé. Mieux vaut vous prévenir tout de suite, le livre est inachevé ce qui peut causer une certaine frustration. L'auteur s'étant confié à ses proches avant sa mort sur la fin qu'il souhaitait donner à son livre on apprend tout de même le fin mot de l'histoire mais dans les grande lignes. Etonnamment cela ne m'a pas dérangé, même si évidemment j'aurais adoré lire une vrai fin. La plume de WAGAMESE est telle que le voyage prend le pas sur la destination. Rien que pour certains passages ce livre vaut le coup d'être lu, je pense entre autre au passage avec les loups. Magnifique !



Sous couvert d'une histoire qui pourrait sembler « déjà vu » WAGAMESE explore l'âme humaine sous l'angle de son animalité, de ce qu'elle a de plus brut et de plus pure. Il explore l'instinct, la communion avec la nature, ces choses essentielles que notre « évolution » nous fait perdre chaque jour un peu plus et dont je me demande si elle n'est pas notre essence même. En nous éloignant de notre nature primaire nous nous éloignons de nous-même et de notre humanité créant ainsi notre propre perte. Nous générons un mal-être et un déséquilibre dont nous ne sommes pas conscients. Agrippés à nos smartphones et autres outils addictifs nous ne savons plus qui nous sommes.



Starlight c'est une ode à la vie et à la simplicité, à l'amour sous toutes ses formes. C'est un hommage à la nature et à sa beauté. C'est ambitieux car ce genre de livre a vite fait de tomber dans la mièvrerie voir l'ésotérisme, mais WAGAMESE évite toux ces écueils et tient le cap. Il écrit avec honnêteté et ça se sent.



Starlight, ce n'est pas un livre plein d'action et de rebondissements c'est un livre inclassable qui allie nature writting et exploration de l'âme humaine avec en trame de fond l'histoire d'une femme et d'une enfant meurtries et traquées. C'est un rythme lent et apaisé, de la simplicité, et des personnages forts qui accompagnent longtemps le lecteur.



A la fin du livre on apprend que le texte en plus d'être inachevé n'a subi que peu de corrections et a gardé une forme relativement brute. Seule les corrections de base (orthographe, syntaxe, … ) ont été faites. WAGAMESE étant décédé et ne pouvant évidemment pas valider le texte corrigé je pense qu'il s'agit là d'un souci de respect de l'oeuvre. Et bien je ne m'en étais pas rendu compte tellement j'étais absorbée par la plume de l'auteur. Cela ne m'a pas dérangé c'est vraiment très bien écrit, j'ai lu des livres « finalisés » dont le niveau était largement en dessous. Il est vrai qu'il y a un côté brut et parfois maladroit dans certaines tournures mais je pensais que c'était volontaire car cela colle parfaitement avec la personnalité de Franck.



En tournant la dernière page j'étais triste de me dire que cet auteur si talentueux n'avait pas écrit plus et n'écrirait plus. Mais la qualité de ses livres est telle que le cadeau est déjà énorme.





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Les étoiles s'éteignent à l'aube

« Les étoiles s'éteignent à l'aube » m'a été fortement recommandé suite à ma lecture de romans de Joseph Boyden. Ce roman-ci est très beau, je le ferme non pas avec des étoiles dans les yeux, mais plutôt les larmes aux yeux.

Il m'a été impossible de ne pas penser au magnifique chemin des âmes de Joseph Boyden en lisant ce livre de par sa beauté lyrique et sa puissance dramatique.



*

Franklin Starlight, un jeune canadien Ojibwé de seize ans, est appelé auprès de son père mourant, Eldon. Atteint d'une insuffisance hépatique, l'homme est amaigri, affaibli par des années d'alcoolisme.

Franklin a eu que peu de relations avec ce père alcoolique et homme à femmes. Mais à la recherche de son histoire familiale et attaché malgré lui à ce père défaillant, brisé et peu fiable, il décide de se rendre à son chevet. Eldon demande alors à son fils de l'emmener dans les montagnes pour y être enterrer selon la tradition ojibwé.



« J'ai entendu dire une fois par des anciens que les Ojibwés avaient coutume d'enterrer leurs guerriers assis, face à l'est, là où se lève le soleil, avec toutes leurs armes et leurs affaires autour d'eux.

De cette façon, quand ils seraient prêts, ils pourraient suivre le soleil à travers le ciel jusqu'aux paradis des chasses éternelles où ils seraient de nouveau des guerriers. C'est comme ça que je veux partir. »



Franklin accepte de l'accompagner car beaucoup de choses n'ont pas été dites entre le jeune homme et son père. C'est ainsi que débute un voyage au rythme lent de la marche à travers de magnifiques étendues sauvages de Colombie-Britannique.

J'ai eu l'impression de chevaucher à leurs côtés, témoin de leurs échanges et ce périple a pris d'autres formes, devenant un voyage dans le passé, une exploration de soi et de l'autre, une quête initiatique.



*

L'auteur nous emmène, avec une belle poésie, dans des grands espaces, au milieu des montagnes et des forêts. L'écriture souligne la beauté majestueuse de la nature, tout autant que sa rudesse et son implacabilité.

La nature, la forêt, les animaux, les nuits piquetées d'étoiles enveloppent le voyage des deux hommes d'odeurs de résine et de terre humide, du bruit du vent sur les crêtes des montagnes, du chant des loups, de la chaleur des feux de camp, et il en émane beaucoup d'émotions.



*

J'ai trouvé que l'histoire était aussi empreinte d'une force émotionnelle très forte, chacun partant à la rencontre de l'autre, ce qui rend la lecture profonde et intense.



Pour Eldon, c'est le temps de s'interroger sur sa vie, de partager son histoire pour que son enfant la fasse sienne. Lui reviennent des souvenirs d'enfance, de sa vie d'adulte. J'ai vraiment eu l'impression qu'il se défaisait de ses souvenirs, morceau par morceau, couche par couche, comme s'il ôtait des vêtements trop lourds à porter qui l'ont encombré toute sa vie. Se lisent sa fragilité et sa noirceur, ses errances et sa culpabilité, ses souffrances et ses regrets, son incapacité à assumer seul son rôle de parent.

De ses aveux, j'en garderai la franchise et le sentiment d'un terrible gâchis.



Pour Franklin, c'est le temps de partir à la rencontre de son histoire, d'avoir des réponses à ses questions, de savoir d'où il vient, qui il est. J'ai aimé suivre cet adolescent mature, la réflexion, la sincérité et la justesse de ses mots. Il parle sans détours et ses paroles font mouche.



*

Que de profondeur dans les silences, dans les paroles prononcées !

C'est une sensation bien étrange de lire en prenant conscience que les mots ont un poids, une consistance, une valeur. Les dialogues sont courts, mais chaque mot est pesé, réfléchi. Rien n'est dit à la légère.



Ces vérités sont en même temps très révélatrices de la personnalité des personnages, de leur force morale et de leurs faiblesses.



*

Roman sur la perte d'estime de soi et la résilience, la construction identitaire et la mémoire familiale, la relation père-fils et le pardon, l'amour et le deuil, j'ai envie de garder en mémoire la bonté du vieil homme, la force morale de Franklin et cette nature consolatrice et rédemptrice.

Un roman émouvant et profondément humain que je vous conseille très fortement.
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Jeu Blanc (Cheval indien)

La littérature n'est pas, pour le lecteur, un sport de combat. Je n'aime pas trop lire dans une critique : choc, claque, gifle, secouer. Mais ce livre m'a laissé abasourdi, intensément ému et indigné. Ce n'est pas vraiment une autobiographie* : Richard Wagamese n'a pas été un hockeyeur génial, et n'a pas, enfant, vu partir ses parents et mourir sa grand-mère dans la neige. Je ne sais pas s'il a subi lui-même tout ce qu'il décrit dans ce pensionnat catholique. Mais ces horreurs se sont produites partout, il y avait non seulement une vraie volonté de détruire chez les jeunes autochtones toute trace de leur culture, en les arrachant à leurs familles, mais aussi d'autres abus abominables. le gouvernement canadien a mis bien du temps à le reconnaître, certaines églises protestantes aussi. Quant au pape... il ne veut pas qu'on lui force la main, et « seuls 16 des 61 diocèses canadiens étaient impliqués, ainsi qu'une trentaine de congrégations sur plus de cent dans le pays. »** , donc il ne présente pas d'excuses au nom de l'église.

Et le roman? Je ne suis pas particulièrement admiratif du style, simple et classique. Mais la construction est d'une efficacité redoutable. S'enchaînent une belle histoire familiale et fantastique, la description très dure des sévices infligés par des religieux fanatiques d'une bêtise crasse, un début de rédemption par le hockey, la chute morale causée par des canadiens racistes ordinaires d'une bêtise crasse. Et la suite que je vous laisse lire, car le plus fort reste à venir.

J'ai été accroché au récit d'un bout à l'autre, ressentant les difficultés, les espoirs, la joie, la haine, la déchéance, la rédemption du jeune Saul Indian Horse, et vraiment c'est un témoignage qui donne envie de se révolter. La magie du hockey sur glace est donnée en plus, même pour un français qui connaît peu ce sport il y a des moments magiques, l'exaltation de la vitesse, de la force et la vision du jeu nous sont partagées pour des pages de grand bonheur.

Lecture obligatoire ? Pas autant que Primo Levi, mais peu s'en faut..



*  « I did not speak my first Ojibwa word or set foot on my traditional territory until I was twenty-six. I did not know that I had a family, a history, a culture, a source for spirituality, a cosmology, or a traditional way of living. I had no awareness that I belonged somewhere. »

**La Croix, 2 mai 2018. Le pape et l'église ne me semblent pas mériter de majuscules.
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Jeu Blanc (Cheval indien)

Voici un livre autobiographique , passionnant , sensible et juste .

Il retrace l'enfance de Saul, (sans doute l'auteur ) .

Sa famille était issue du Clan des Poissons des Ojibwés du Nord, les ANishinabés.

Elle a vécu sur les territoires bordant la rivière Winnipeg .

C'est une oeuvre vraiment bouleversante .......de perte et de persécution , puis de renaissance dans laquelle Saul raconte son histoire et le rejet des indiens par les Canadiens dans les années 60.

Sa toute petite enfance est rythmée par les légendes Ojibwés, ----------en ce temps - là , son peuple s'en remettait à l'intuition _______le grand pouvoir spirituel de la pensée_________les cérémonies sur les rochers, les chants anciens , les prières dans la langue Ancestrale, la récolte du riz et la pêche .

Puis son exil , l'hiver de ses huit ans , la mort de sa grand- mère Naomi, (morte de froid pour le sauver) , la disparition de ses parents, l'enlèvement de sa soeur Rachel, Benjamin , son frére, lui aussi enlevé , revenu affaibli , mort de la tuberculose ........



Il intégre alors l'institution Saint- Jérôme ( qui n'a de Saint que le nom ) , un internat cruel, infâme et inhumain où les blancs feront tout pour effacer en lui son" Indianité", un enfer sur terre !

Il décrit les coups de ceinture, les raclées humiliantes, les gifles , les coups de poing sur la chair où certains étaient roués jusqu'au sang ..........

Une souffrance intolérable qu'il supporte car il se révèle secret, calme et renfermé, dépourvu de sentiments apparents .......

Il sait lire et écrire ce qui est un gros avantage ........

Les religieuses considéraient les indiens comme du bétail , nourris , abreuvés, et contraints de porter leur fardeau quotidien. On leur arrachait leur innocence, dénigrait leur peuple, la famille d'où il venait méprisée, son mode de vie et ses rituels tribaux étaient décrétés arriérés, primitifs et sauvages .........

Heureusement , au cœur de cet enfer, Saul découvre son salut grâce au hockey sur glace .......

Il réussit à rejoindre l'élite du sport national mais c'est sans compter sur le racisme qui régne encore au Canada au cœur des années 60 .

C'est un livre brillant , poignant à l'écriture magnifique faisant la part belle aux relations entre l'homme et la nature, qui retranscrit avec force la richesse , la singularité et la beauté de l'identité indienne !

Merci beaucoup , à Claire de la médiathéque qui m'a fait découvrir cette oeuvre attachante !
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Les étoiles s'éteignent à l'aube (BD)

Ce matin-là, dans cette ferme, le jeune Franklin prépare sa jument et ses affaires pour un long voyage au bout duquel l'attend son père, Eldon, un homme aujourd'hui malade. Avant de le laisser partir, Barry, son tuteur, s'assure qu'il est prêt à le voir ainsi et à supporter ses mensonges. Après des heures de route, le jeune garçon arrive en ville et retrouve son père dans une chambre miteuse, une prostituée à ses côtés. S'il ne reconnaît pas aussitôt son fils, Eldon se réjouit de sa venue et l'invite à manger. Il lui demande alors de lui rendre un service : l'accompagner vers l'au-delà en le conduisant vers une chaîne de montagnes, sur une ligne de crête face à l'est, afin qu'il l'enterre comme un guerrier indien. Le voyant hésiter, Eldon lui promet de lui parler de sa mère naturelle...



Au cœur de ces paysages de la Colombie britannique, père et fils vont, ensemble, malgré leurs différents, effectuer un dernier voyage. Ce sera l'occasion, pour l'un, alcoolique notoire en fin de vie, d'apprendre à connaître ce fils qu'il a abandonné et par là même de lui révéler quelques secrets, pour l'autre, d'apprendre à pardonner malgré les révélations. Ce tête-à-tête familial, ponctué de flashbacks qui s'intercalent judicieusement, éprouvant pour les deux hommes que la mort, finalement, réuni, se révèle salutaire et émouvant. Empreint de regrets mais aussi de pardon et d'espoir, de transmission, cet album, fidèlement adapté du roman éponyme de Richard Wagamese, est une belle réussite. Vincent Turhan dépeint, avec beaucoup d'émotions, la relation naissante entre un père et son fils, notamment grâce aux séquences muettes, lourdes de se sens. Graphiquement, les planches crayonnées aux couleurs douces et automnales, à l'image de cette couverture, sont magnifiques.

Un album bouleversant, empreint de tendresse et de reconnaissance...



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Les étoiles s'éteignent à l'aube

Lorsqu'il est appelé au chevet de son père qui a été absent de son éducation, de sa vie d'enfant, Franklin est tiraillé par la haine et le ressentiment de l'échec. Il apprend alors le décès imminent de son père, alcoolique de longue date, qui lui demande de l'accompagner dans la montagne pour qu'il l'y enterre selon les rituels des guerriers indiens. En contrepartie il lui propose de lui révéler son histoire.

Après hésitation le jeune Franklin, qui a à peine 16 ans accepte et part cheminer vers la connaissance de son passé, de son histoire, de ses racines.



La construction du jeune homme ne pouvait passer que part cette rencontre et ces révélations. Qui étaient son père et sa mère? D'où venaient-ils? Etait-il le fruit de l'amour? de la Haine? Pourquoi n'avait-il pas connu son père qui pourtant vivait à côté de chez lui? Et au final qui était-il hier, et maintenant?



Beaucoup de réponses seront apportées lors du voyage à ce jeune homme meurtri par l'absence de ses parents. Des réponses dont il devra se saisir pour devenir et tenter de comprendre enfin.



C'est un texte progressif à l'écriture bien dosée qui monte en puissance au fil des pages, empli de douceur, de retenue, de pudeur dans la tragédie. L'auteur sait installer la sérénité et la beauté dans la souffrance, offrant un monde d'espoir évitant ainsi l'écueil du manichéisme.
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Jeu Blanc (Cheval indien)

« On oublie, hier est loin, si loin d’aujourd’hui,

Mais il m’arrive souvent de rêver encore,

A l’adolescent que je ne suis plus »



Saul, le petit indien Ojibwé devenu grand a refait le chemin à l’envers pour avaler, dévaler la montagne d’humiliation et d’avilissement qu’il a gravit sa vie durant où il a atteint les sommets de la malveillance et de l’animosité des hommes avec des pics de racisme et de cruauté effarants.

Son unique échappatoire, le hockey sur glace où il excelle lui apportera soulagement et apaisement. « La patinoire était le lieu où nos rêves prenaient vie. »



Tandis que le cauchemar habitait sa vie ! C’est mon ressenti et, par ce commentaire je ne peux ni ne veux raconter la honte et l’enfer qu’il a subi, c’est trop triste et je demeure troublé devant cette souffrance qui le fera sombrer dans l’alcoolisme.



Il n’y a que la fuite qui le sauvait quand il était acculé à la hargne.



J’ai beaucoup apprécié ce roman fort où contradictoirement j’ai constamment ressenti avoir mal pour lui.

Ce qui n’a été pour moi qu’un moment de rage, le malaise d’un instant de lecture a été pour Saul un calvaire qui n’a jamais cessé et qui atteint son paroxysme au dénouement de cette histoire tragique.



« Je découvris qu’être quelqu’un que l’on n’est pas est souvent plus facile que de vivre sa propre vie. »



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Les étoiles s'éteignent à l'aube (BD)

Quand j’ai emprunté cette BD, je ne savais pas sur quoi je tombais au juste. Ce n’était pas une œuvre que j’avais prévu de lire. J’ai été attiré par le titre ainsi que par la couverture qui dévoile une belle nature de l’Ouest encore sauvage.



Mais quelle claque ! Quelle découverte ! Ce que je veux dire par là, c’est que l’on découvre parfois inopinément de véritable pépite surtout dans l’Ouest américain.



Pourtant, ma lecture avait assez mal commencé. On voit un personnage avec des cheveux longs que j’avais identifié comme une fille au point de me tromper. Il s’agit bien d’un jeune homme qui travaille dans une ferme avec un vieux monsieur qui compte tout lui léguer.



Par la suite, on apprendra que ce n’est pas son véritable père. Il doit d’ailleurs partir à la ville pour le rejoindre alors que ce dernier est mourant, sans doute à cause des excès d’une vie alcoolisée. Le personnage du père nous apparaît comme assez en décalage au tout début avec ses fanfaronnades. Et puis, le fils parait assez bienveillant malgré le fait de supporter un vieux débris qui l’a abandonné à sa naissance. Reste la question de savoir qui est la mère.



Ce qui nous paraissait au départ comme une intrigue assez légère va vite dévoiler une complexité de sentiments qui va dépasser le cadre. J’ai été littéralement charmé par cette mise en scène absolument extraordinaire. Le personnage du père va s’avérer être bien plus profond que ce qu’il donnait à voir au premier abord. On va comprendre sa vie et ce qui l’a amené à faire certains choix. A la fin, même le fils va se rebeller avant de s’apaiser à nouveau devant le destin tragique du père.



Un mot sur le dessin pour dire qu’il est à la fois très doux et presque poétique. Je note que la narration n’est pas du tout pesante comme c’est souvent le cas dans ce type de roman graphique.



J’ai rarement autant aimé une BD qui m’a paru sans aucun défaut, moi qui suis tellement exigeant. Il arrive parfois d’être touché par la grâce d’un titre qui ne payait pas de mine, qui était inconnu du grand public.



C’est une œuvre assez psychologique comme un road-movie dans l’Ouest américain où un fils va faire réellement connaissance avec un père qu’il ne connaît pas. Le final est vraiment grandiose.



C’est toujours un plaisir quand on fait ce type de découverte en sortant des sentiers battus. Si l’aventure vous tente, vous m’en direz des nouvelles.
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