Ces lambeaux de murs déchiquetés, torturés, qui ne protègent plus personnes ; ces fils électriques qui ne servent plus à rien ; ces rails de tramway qui ne mènent nulle part ; ces enseignes de magasins fantômes, font d'Oradour-sur-Glane une ombre oppressante. Quel rapport y a-t-il entre ces vestiges de désolation et un bourg plein de vie ? Aucun sinon le résultat de la folie meurtrière de l'homme.
Tout se déroula très vite et, lorsque les mitrailleuses se turent, des plaintes, des gémissements et des cris montèrent de l'amas de corps brisés. J'avais plusieurs hommes sur moi. J'avais soif. Je ne savais même pas si j'étais blessé. Je sentis quelque chose de chaud et gluant couler sur ma main. Je restai figé, comme mort
Aucun mot assez fort n'a été trouver pour qualifier cette horreur.
Les Waffen-SS nous ont fait mettre en rang par trois face au mur. Là je n'ai pas pensé une seconde qu'alignés, comme ça contre le mur, avec des mitrailleuses dans le dos, ils pouvaient nous fusiller. Nous ignorions absolument tout de ce qui s'était passé la veille. 99 civils avaient été pendus dans les rues de Tulle. Si on l'avait su, rien ne se serait passé comme ça, j'en suis convaincu.
On ne peut tuer au nom d'une théorie raciste et il n'existe aucun Dieu pour accepter que l'on massacre en son nom.
On dit qu'il faut savoir pour ne jamais recommencer ses erreurs.
Désormais, nous savons.
Des collègues qui étaient certainement proches de la résistance parlaient d'un débarquement qui avait eu lieu. Je me disais : "La guerre est finie. Les Allemands vont partir." A la maison, mon père en parlait : tout le monde pensait que c'était enfin terminé. J'attendais des jours meilleurs, j'étais naïf et impatient.
Nous étions seuls pendant des instants qui me semblèrent interminables. Je pouvais entendre des gens parler à côté de moi. L'un d'eux disait :"Les salauds, ils m'ont coupé l'autre jambe !" C'était un survivant mutilé de la première guerre mondiale.
Ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le répéter.