Postérité du chêne
Innocence de l’arbre
Que des oiseaux visitent
On ne saura jamais
Quelle heure est la plus longue
Cependant que dans des couloirs
Où des générations de mères ont passé
Le bois poli par tant de mains
Se souvient des orages
Et des longues neiges d’hiver
Lorsqu’il était au cœur de la forêt
Pareil à tant de ses frères si hauts
Et non cette barre d’appui
Que plus personne ne regarde
Tant d’habitude on la sait là.
Ignorance éternelle des aurores
Ignorance éternelle des aurores
On ne sait pas ce qui surgit
Entre le vent et les nuages
On ne sait pas ce qui fulgure
Des yeux qu’on soupçonne aux montagnes
On pressent que l’aube tressaille
À des remuements dans les branches
On devine des horizons
À ce qui se colore d’or pâle
Pour peu qu’une femme surgisse
Dans le sentier ou un oiseau
Et l’on éprouve que le jour
Encore une fois va chanter
Mais on est incertain de tout
On méconnaît ces gestes lents
Qui se font d’une rive à l’autre
On ignore s’ils sont présages
On va prudemment aux limites
On scrute l’horizon tendu
Si jamais le ciel se figeait
S’il advenait que la nuit remonte
MELANCOLIE DES AGRESTES COUCHANTS
Ce n’est pas la noirceur de l’étang
Ce n’est pas l’immobilité
De ces grands arbres nus et sereins
Ce n’est pas l’air
Dans le soir calme poursuivant
Des ondes qui lentement rêvent
Ce n’est pas la première étoile
Pâle qu’on voit à peine
À l’horizon
Ce n’est pas l’ombre qui hésite
Entre les chiens les loups du crépuscule
C’est le silence étonné qui se fait
C’est l’heure c’est son dénuement
Devant l’obscurité énorme qui s’annonce
Solitude partagée
Une femme, qui a un visage comme une lampe, te regarde.
Elle te regarde comme l’aube éclaire, éveille et nourrit.
Son visage est comme ces clartés irréelles qu’on devine
au loin sur la mer,
au moment où les dernières obscurités se défont.
Tout est tout proche et très loin.
Elle prend tes mains de loin.
Elle pose ta tête sur ses seins, tu entends battre son cœur :
c’est le sang des espaces qui ruisselle.
Elle met les mains sur tes yeux,
c’est alors que l’horizon s’épaissit,
la nuit bascule dans un ouragan de douceur silencieuse.
C’est l’oubli du sablier, la défaite des fantômes.
Tout, pour quelques instants, dans le parfum d’une mort
heureuse,
se cache dans les plis de la robe des anges.
INÉGALE RESPIRATION DES JOURS
On fait son miel avec si peu
Un mot un rien une poussière
On croit que naissent des merveilles
Pour une main cueillant un fruit
Un lever de soleil heureux
Mais toujours tout nous déconcerte
L'eau est plus pure à l'autre rive
Et l'horizon ferme la nuit
Les fanfares ne vont pas loin
Ce qu'on entend dans le sous–bois
C'est l'écho d'une fête morte
Au moment des premières pluies
Si tu crois que l'heure
Est à tous les vents
Si tu crois Fauvette
Et si pour passer
Il suffit d'un rêve
D'un rêve et d'un peu
D'amour sur la plaie
Si tu crois Fauvette
A la courte paille
Si tu crois au vent
Qui dit des merveilles
Et aux voiliers bleus
Cachés dans la main
Alors nous aurons
Des saisons entières
Et un fil de soie
Pour tisser des nuits.
Testament
Cet oiseau qui volait
Emiettant ses couleurs
Et la chaleur vivante
Dans un immense été
Avait peur
passa très vite
Et nous aussi peut-être
Nous laisserons
De la douceur.
Poème
Nous avons marché lentement
Dans le soir gris dans le soir noir
Nous avons perdu conscience du temps
L’amour est passé par là sans nous voir
Et quand nous nous sommes quittés
Les rues sont entrées dans l’ombre silencieuse
COMPTER POUR DU BEURRE
Nous ne serons jamais du côté du manche
Nous ne croyons pas en Dieu mais comme Miatlev nous affirmons
Qu'il n'est pas avec ceux qui réussissent
Car nous ne voulons pas réussir en ce monde
Nous n'avons rien apporté nous ne laisserons rien
Les mains nues c'est à mains nues
Que nous avons combattu et toujours
Nous avons été battus et c'est notre seule gloire
Comme c'est les mains nues
Que nous avons allumé notre feu
Et que nous avons entrepris toute chose
Nous n'avons pas inventé le fil à couper le beurre
Et nous savons que celui qui l'a inventé
N'a fait cela que pour ceux qui avaient du beurre
Nous sommes de ceux
Qui n'ont pas toujours eu du beurre
Et nous ne voulons pas l'oublier
En revenant
extrait 1
Voici pour vous aimer je n’ai que des rivières
Et les ponts et les sentiers et puis d’autres sentiers
Voici les routes qui mènent
Où il ferait bon peut-être aller
Voici la brume de la vallée
Voici la mousse de ce jour
Où il fit bon dormir dans le fossé
Voici l’oiseau que vous vouliez
Voici la branche qui fut cueillie
Voici la branche qui fut cassée
Ce soir où il fit si bon longtemps marcher
Voici cette baguette il n’y a plus de fées
…