Carole guette la porte, qui s'ouvre sur un jeune homme dont le physique rappelle immédiatement Anna, la même blondeur poussiéreuse moins évocatrice de leurs origines slaves que des paysages de la Sunbelt, les mêmes yeux creux de bêtes traquées, les mêmes traits délicats qui, sur cette apparition mâle à la démarche chaloupée, semblent avoir été dérobés à la jeune fille et greffés là pour produire un effet de contraste. Carole avance spontanément d’un pas pour mieux apercevoir la beauté entêtante de ce buste bombé, de cette face solaire sur laquelle se projettent d’innombrables ombres. Il crache. Carole frémit comme une huître qui, délestée de son ciel de nacre, découvre avec hor‐ reur l’acide jus du citron. Le garçon accélère, il disparaît à l’angle de la rue. Aux ambiguïtés de son allure, on pourrait croire qu’il fuit quelque chose ou quelqu’un autant qu’imaginer qu’il va au‐devant d’un combat sans merci.
Carole guette la porte, qui s'ouvre sur un jeune homme dont le physique rappelle immédiatement Anna, la même blondeur poussiéreuse moins évocatrice de leurs origines slaves que des paysages de la Sunbelt, les mêmes yeux creux de bêtes traquées, les mêmes traits délicats qui, sur cette apparition mâle à la démarche chaloupée, semblent avoir été dérobés à la jeune fille et greffés là pour produire un effet de contraste. Carole avance spontanément d’un pas pour mieux apercevoir la beauté entêtante de ce buste bombé, de cette face solaire sur laquelle se projettent d’innombrables ombres. Il crache. Carole frémit comme une huître qui, délestée de son ciel de nacre, découvre avec hor‐ reur l’acide jus du citron. Le garçon accélère, il disparaît à l’angle de la rue. Aux ambiguïtés de son allure, on pourrait croire qu’il fuit quelque chose ou quelqu’un autant qu’imaginer qu’il va au‐devant d’un combat sans merci.
[...] Lysianne et Anna achèvent de fleurir l'arrière d'une camionnette rose pâle et bleu ciel. Quand la jeune fille y a remisé le dernier pot, elle expire profondément et, les yeux clos orientés vers le soleil, se frotte les paumes l'une contre l'autre dans ce qui, de loin, pourrait passer pour une étrange prière et ne vise en fait qu'à effriter la terre accumulée par son labeur matinal dans le réseau mystérieux qui sillonne sa peau, ligne de chance, de tête et de coeur, ligne du destin.
Ils longent la rue en silence, tournent ensemble sur leur gauche. Nicolas trottine deux enjambées derrière Luka. Les ombres des immeubles dansent sur le corps du jeune homme, le tranchent régulièrement en deux parties distinctes, l'une exposée à la morsure du soleil, l'autre affraîchie par les ténèbres glissantes. Les câbles électriques projettent d'impalpables filets sur son buste qui chaloupe. L'enfant reste dans la lumière. Au croisement suivant, ils s'arrêtent.
Matteo, une main sous la nuque, l'autre jouant avec sa chaîne en argent, fixe le plafond faiblement éclairé. Sa pommette luit d'un éclat orangé. Une ombre tranche sa gorge.