J'avais quatorze ans lorsque je tombai sur un album photo rouge caché derrière une pile de draps amidonnés, dans la maison de mes parents à Givataym. Les photos étaient celles de " là-bas ", d'avant le temps de l'Holocauste. C'étaient les photographies de la famille de mon père qui avait été exterminée. Je savais qu'il avait perdu ses parents, ses quatre frères et ses quatre sœurs. Je ne savais rien de plus.
Dans l'album il y avait aussi la photographie d'une fillette entourant de ses bras les épaules d'un petit garçon. Elle avait dans les huit ans, de magnifiques cheveux noirs et lisses. Le cœur lourd, je me tournai vers mon père pour lui demander qui étaient ces enfants, qui était cette petite fille qui me ressemblait tant. Ce fut alors que, pour la première fois, mon père me parla de Rutka et de Henius, les enfants qu'il avait eus avec Dorka - Dvorah Hampel, née en 1904 à Bedzin -, disparue pendant l'Holocauste. Rutka avait quatorze ans quant elle mourut, l'âge que j'avais lorsque j'appris son existence ; Henius avait six ans au moment de sa mort. Voilà comment je découvris que mon père avait eu une autre vie par le passé.
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À partir de ce matin-là, j'allais faire la connaissance de ma sœur - une jeune fille belle, intelligente et talentueuse, qui, sachant qu'elle ne survivrait pas, avait voulu laisser un témoignage. J'allais apprendre ce que fut sa vie, comprendre ce que fut sa mort.
Et si on lisait le journal de Rutka Laskier dans toutes les écoles polonaises? Ainsi, les Polonais commenceraient à se réapproprier la part juive de leur propre mémoire.
« Le ghetto de Varsovie demeure sans doute le symbole de la révolte juive armée contre le nazisme, mais il est avant tout le symbole de la résistance juive à l’oppression, à la persécution et à la mort, telle que des générations l’ont conçue et pratiquée tout au long des siècles. »