Vos observations – soigneusement conservées – sur votre masochiste me semblent définitivement tordre le cou aux doutes concernant l’existence de la transmission de pensée. Il s’agit maintenant de s’y habituer en pensée, de perdre cette crainte respectueuse devant la nouveauté, et aussi de garder le secret suffisamment longtemps dans le sein maternel ; mais là finit le doute.
Freud
Croyez-moi, je n’ai gardé de votre compagnie, pendant le voyage, que des souvenirs chaleureux et sympathiques, bien que votre déception m’ait souvent fait de la peine, et que je vous eusse voulu différent à bien des égards. La déception vient de ce que vous espériez certainement baigner dans la stimulation actuelle permanente, alors que rien ne me répugne davantage que de pontifier et que, souvent, je me laisse aller, par pur esprit de contradiction. Ainsi étais-je probablement, la plupart du temps, un monsieur d’un certain âge tout à fait ordinaire, et vous avez mesuré avec étonnement la distance avec votre idéal imaginaire. D’autre part, j’aurais souhaité que vous vous arrachiez à ce rôle infantile, que vous vous comportiez de pair à compagnon, ce que vous n’avez pas réussi à faire et, d’un point de vue pratique, que vous exécutiez d’une façon plus fiable votre part de la tâche, à savoir l’orientation dans l’espace et le temps. Mais en réalité vous étiez inhibé et rêveur. Suffit pour les tentatives pédagogiques.
Freud
En aucun cas, donc, on ne doit traiter le trauma comme une vétille - comme cela se produit souvent avec les malades et les enfants. Il faut admettre, finalement, que notre volonté d'aider, est limitée [...], c'est à dire que le patient doit admettre, peu à peu, que l'aide ne peut pas lui venir seulement de l'extérieur, qu'il doit mobiliser ce qui reste disponible de sa propre volonté.
Comment ne pas faire mal aux patients ? Comment ne pas les brutaliser en les aidant à mieux se comprendre ? Tout au long de son oeuvre si importante, l'obsession permanente de Ferenczi est de protéger le patient de ses propres manifestations contre-transférentielles, ce qui supposait donc de les maîtriser et même de savoir en tirer profit : qui d'autre que lui s'est confronté avec ce courage à ce problème fondamental enfoui par la confrérie sous les affirmations fallacieuses de "neutralité" ? (Extrait de la préface de Gisèle Harrus-Revidi)
L'oeuvre de Ferenczi est celle d'un homme profondément engagé. Sa sensibilité aux traumatismes précoces semble provenir de sa propre enfance, bien qu'il n'ait jamais précisé quels traumatismes il avait subis dans son histoire personnelle, si ce n'est que, huitième enfant d'une fratrie de douze, ayant perdu à quinze ans son père qui était un homme affectueux et ouvert, il se sentait mal aimé par sa mère, assez dure et indifférente. Est-ce pour cela que Ferenczi dénonce la froideur et l'hypocrisie professionnelle des psychanalystes dogmatiques, qui instaurent "un jeu cruel avec les patients" ? (Préface de Simone Kaurf-Sosse)
Les souffrances névrotiques sont relativement moins douloureuses que les souffrances du corps et de l'âme qu'elles nous épargnent.
Il n'y a pas de bonté là où la reconnaissance est escomptée.
Sans souhaiter polémiquer, force est de constater en effet que la psychanalyse, dans les années 1920-1930, avait un mode d'agir, notamment chez certains affidés comme Abraham ou Jones, qui n'est pas sans évoquer le stalinisme des années 1950 avec ses purges successives et ses autocritiques de déviationnistes : comme toutes les autocritiques, d'ailleurs, celles de Ferenczi ne changèrent pas grand-chose à son avenir, puisque il fut déclaré mort "fou", malgré les dénégations de ses proches et celles de Balint, son exécuteur testamentaire ; et c'était peut-être vraiment folie que d'aller plus loin que l'orthodoxie régnante ne l'autorisait... (Préface de Gisèle Harrus Revidi)
Tout se passe comme si le psychisme, dont la seule fonction est de réduire les tensions émotionnelles et d'éviter les douleurs au moment de la mort de sa propre personne, reportait sa fonction d'apaisement de la souffrance automatiquement sur les souffrances, tensions et passions de l'agresseur, la seule personne à ressentir quelque chose - c'est à dire s'identifiait à elle.
La disparition de sa propre personne, quand d'autres (ndr : notammant l'agresseur) figurent encore dans le tableau, serait ainsi la racine la plus profonde du masochisme par ailleurs si énigmatique.
Inutile de vous dire que ma première réaction à ces incidents fut un accès d'indignation autoritaire. Sur le moment, je me sentis blessé par la prétention du patient, ou de l'élève, de savoir les choses mieux que moi-même, mais heureusement me vint aussitôt la pensée qu'il devait, en fin de compte, effectivement savoir les choses sur lui-même mieux que moi je ne pouvais les deviner. J'ai donc reconnu que je pouvais faire erreur, et la conséquence n'en a pas été la perte de mon autorité, mais l'accroissement de la confiance en moi du patient.