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3.18/5 (sur 74 notes)

Nationalité : Irlande
Biographie :

Sara Baume est irlandaise et vit dans la campagne de Cork. Sa vie est tout entière tournée vers la littérature à laquelle elle se dédie corps et âme après avoir étudié les beaux-arts et la création littéraire.

Son premier roman, "Dans la baie fauve" (dont le titre original est Spill simmer Falter Wither), a été sur la dernière liste du Sunday Independent Newcomer of the Year, du Irish Book Award et du Guardian First Book Award 2015.

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Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
Je tourne les talons et me laisse guider par toi pour traverser la place, le marché, la ville, jusqu’à la voiture. Je verrouille les portières pour nous protéger du monde, des marchands ambulants et des passants, des nomades et des promeneurs. A travers le pare-brise, j’observe tous ces individus qui marchent dans la rue, qui sont juchés sur des tabourets des cafés, qui font la queue dans l’abribus. Je sais que chacun a un écran miniature dans sa poche. Je sais que chaque écran a une liste de personnes qui sont ailleurs et possèdent elles aussi un écran miniature. Je sais que dans chaque poche une femme blonde murmure pour rappeler à ceux qui la transportent qu’ils sont reliés.
Assis dans notre capsule calme et verrouillée, j’essaie de me représenter en détail la vie de ces gens, afin qu’ils semblent plus familiers, moins déroutants. J’essaie de me représenter la couleur de leurs murs, le bric-à-brac sur la table de leur cuisine, la vue de leur fenêtre en façade. Mais j’ai beau faire, je ne vois que le jaune d’or de mes murs à moi, mes stylo-billes vides, la vase de ma baie.
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J’ai apporté une thermos et je la pose sur le galet le plus plat. Le café est trop chaud, je le sais, mais je me suis toujours demandé quel effet ça faisait d’en boire à la plage. Toi aussi, tu as trop chaud ? Tu respires par petites bouffées rapides. Je tire sur ton collier pour t’entraîner jusqu’à une mare dans les rochers, je te hisse dedans, je recueille de l’eau au creux de mes mains pour asperger ton encolure et ton ventre. Lorsque la mare redevient étale, tu restes où tu es. Tu observes les crevettes autour de tes pattes, essaies de mordre l’eau, la recraches par les narines en toussant.
Tu finis toujours par revenir vers moi. Cette fois tu t’appuies contre mes chevilles croisées, près du galet avec la thermos. Regarde les champs là-haut, au-delà des résidences secondaires. Tu te souviens qu’ils paraissaient uniformément verts lorsqu’on est passés devant ? Mais vus d’ici, ils sont taupe, vert menthe, vert émeraude et vert citron.
Ils sont interrompus par un terrain de golf et des pavillons épars. Des granges, des voitures, des bottes de foin et des arbres. Des vaches qui se déplacent aussi imperceptiblement que les aiguilles d’une horloge, et arrivent à destination sans en avoir l’air. Maintenant regarde l’océan, et ce qui l’interrompt. Un rocher herbeux couvert de cormorans. La bouée d’un casier à homards. Quelques voiliers au loin. Un baril bleu, probablement relié à quelque chose sous l’eau. Et un cargo contournant une balise pour entrer dans le port.
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Dès que je vois un cargo, je commence à me représenter les différents objets enfermés dans chaque conteneur, puis tous les composants qui ont servi à les fabriquer, puis tous les composants des composants, et ainsi de suite, à l’infini. Comme la mise en abyme sur les boîtes de levure chimique Royal Baking Powder. Du temps où j’étais à peu près grand comme la table et om je voyageais à l’arrière de la voiture de mon père, un jour on a longé la grand-rue pour traverser la ville, et je me souviens d’avoir vu par la vitre une femme debout à sa porte. Un instant plus tard, elle a tourné les talons et est rentrée, refermant la porte derrière elle, et bien sûr je ne le voyais plus. Je sais que ça paraît insignifiant, mais c’était la première fois que je prenais conscience que la vie des autres continuait. Tout le temps, hors de ma vue et sans moi. C’était la première fois que je prenais conscience que tout continuait sans fin. Envers et contre tout, sans relâche.
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Le soir, on regarde la télé. Tu aimes les documentaires animaliers, en particulier ceux avec des chants d’oiseaux stridents. Moi je préfère les émissions de société. J’aime bien les gens qui, en l’absence de script, cherchent leurs mots ou ne disent pas ce qu’il faut. J’aime bien ceux qui n’ont pas besoin d’oignons pour pleurer ; ils pleurent même mieux.
Je n’ai pas vécu comme les personnages des séries télévisées. Je n’ai pas fait la guerre, ne suis pas tombé amoureux. Je n’ai jamais donné un coup de poing à quelqu’un non pris une femme par la main. Je n’ai jamais mené grand train ni eu la belle vie, et pourtant je veux croire que j’ai vécu intensément, que j’ai remis en question et analysé mon existence vide, banale, et l’ai parfois même comprise. Depuis toujours je remarque les petits détails, les plus anodins. Un chewing-gum en forme de ptérodactyle. Une anguille de sable à deux têtes enroulée à l’intérieur d’un coquillage. Le filament de tungstène dans les résistances. J’ai lu beaucoup de journaux. Ils s’empilent sur la table basse pendant des semaines avant que j’entreprenne de les recycler. Je sais comment la société devrait fonctionner. Je la trouve absurde, mais je finis par croire que c’est parce qu’elle l’est réellement.
Je ne suis pas le genre de type qui agit – je ne te l’aurais pas déjà dit ? Je m’allonge et j’attends que la vie laisse son empreinte sur moi.
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 Voilà comment les gens survivent, en comblant un vide à la fois pour une infime gratification temporaire, et en recommençant jusqu’à ce que la saison se termine et qu’ils finissent par mourir, par se dessécher sur le mur ou l’allée, dans leur crevasse sombre. Voilà comment la vie est rongée de l’intérieur, épuisée par les efforts onéreux pour la vivre.
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Chaque fois que j'enfilais une paire de chaussettes, il fallait que ce soit sur l'envers et avec le talon formant une bosse sur le coup de pied, et si le talon se mettait à sa place au fil de la journée, cela voulait dire que ma grand-mère se retrouverait avec un calcul rénal.
Parce que la plupart des malheurs que j'anticipais était bizarrement précis.
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« Tout est rempli d’histoires, m’a dit un jour une voisine âgée, justement celle qui m’a appris à coudre. J’étais alors tout petit, trop petit pour comprendre que l’apparence de la plupart des choses est trompeuse, et leur signification changeante. À cause de ce qu’avait dit la voisine, j’ai ouvert avec un couteau à pain la couture dans le dos de Mister Buddy, mon ours en peluche préféré. Je cherchais des histoires, j’ordonnais aux mots de jaillir et de former des lignes horizontales comme dans mes livres de contes. Au lieu de quoi j’ai découvert que Mister Buddy était entièrement rembourré de nuages miniatures. J’ai remis les nuages à l’intérieur et je l’ai fourré sous la machine à laver (…). »
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« À quoi je peux ressembler, vu de ton œilleton solitaire? Tu m’arrives tout juste au mollet et je suis massif comme un rocher. Mal fagoté, avec une barbe mitée. Les traits passés au rouleau compresseur, le poil pareil à de la limaille de fer. Quand je reste immobile, je me voûte sous le poids de mon propre bloc de peur. Quand je marche, je clopine sur mes pieds de cul-terreux et mes jambes mal proportionnées. Mes rotules calleuses sortent par les déchirures de mon jean et mes mains battent l’air maladroitement, bêtement. Elles m’ont toujours donné du fil à retordre. Je n’ai jamais trop su quoi en faire quand elles ne battent pas l’air. »
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Le monde a tout faux. Il m'a fallu vingt-cinq ans pour m'en apercevoir, et maintenant je ne crois pas pouvoir le supporter plus longtemps. Le monde a tout faux, et moi je suis trop fragile pour le réparer, trop égocentrique.
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Car je ne parlais pas correctement. Je baragouinais, laissant les mots se bousculer, prononçant de travers ceux qui commençaient par un f ou un s. Ce n'était pas un trouble langagier ; tout simplement, je m'en moquais. Ma mère, ma soeur et ma grand-mère comprenaient parfaitement mon charabia, et peu m'importait que les autres n'y arrivent pas ; je ne souhaitais communiquer avec personne d'autre.
Mais ma mère savait qu'à l'école, je ne m'en tirerais pas à si bon compte. Dans son cahier, elle avait d'une main experte écrit et illustré une série d'histoires. Il y avait les Fées des Fleurs prénommées Stacy, Sammy, Philly et Fanny, elles vivaient toutes dans la Forêt des Fées, se nourrissaient de Fraises et de Sucre, et ainsi de suite. Assise à la table de la cuisine avec le cahier de ma mère ouvert devant moi, je lisais lentement chaque ligne à voix haute en articulant bien. Je prononçais chaque mot sans faire d'erreur. Puis, sitôt descendue de ma chaise, je me remettrais à baragouiner comme je l'avais toujours fait.
(page 142)
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