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EAN : 9782264073693
260 pages
10-18 (05/01/2023)
3.13/5   53 notes
Résumé :
C'est le printemps, dans une petite ville côtière de l'Irlande. Le narrateur de cinquante-sept ans est cabossé par la vie. Trop vieux pour prendre un nouveau départ et trop jeune pour baisser tout à fait les bras, il traîne sa solitude de plus en plus difficilement. Quand il croise la route d'un chien borgne et famélique, il n'hésite pas longtemps : il en fera son compagnon de misère. Leur amitié, d'abord fragile, deviendra indéfectible. Jusqu'à ce que les habitants... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
3,13

sur 53 notes
A l'image de son personnage, voilà un roman bien atypique. Il ne semble pas y avoir d'enjeu au départ, on est simplement témoin du désarroi, des angoisses paranoïdes de cet homme qui n'est plus dans la première jeunesse. Et cela suffit pour créer la connivence. La relation fusionnelle qui s'installe avec ce chien bien abimé aussi par la vie, nettement plus proche de Rantanplan que de Lassie, est accrocheuse. Mais on n'est pas au bout des surprises : c'est peu à peu, alors que le narrateur nous dévoile des bribes de son itinéraire que le sens apparaît. Mais chut…il serait bien inconvenant d'en dire plus. Ajoutons cependant que la nature, les paysages et la flore de l'Irlande sont là, bien présents et créant un décor précieux dans la grisaille globale.

C'est paradoxalement presque un huis-clos, malgré la fuite qui occupe une bonne partie du récit. car les personnages qui gravitent autour du narrateur ne se matérialisent que dans ses pensées et ses projections.

C'est très certainement à la magie de cette écriture que l'on doit d'adhérer immédiatement à l'histoire, malgré l'ambiance lourde et menaçante. Il y a de la poésie dans l'itinéraire de ce couple bancale et dans l'immense force qui les lie.

C'est suffisamment court pour qu'à aucun moment l'attention ne se relâche. Et jusqu'aux dernières pages , les secrets sont bien gardés.

Un très bon moment de lecture dont je remercie les éditions Notabilia et Babelio , dont les masses critiques sont autant d'occasion d'explorer des territoires nouveaux .

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Bienvenue en terre inconnue.
Sujet du jour : Ray

Dans la baie fauve ou l'anti conte de fée par excellence.
La rencontre de deux êtres désabusés avides de pas grand- chose.
L'humain et le canidé.
Ray et One Eye.
Le premier choisira le second, au hasard d'une affiche placardée sur une vitrine, pour tromper sa solitude.
Plus rien à perdre. C'est déjà fait.

Un premier roman étonnant de justesse et de force.
Le récit d'une amitié se tissant peu à peu pour finalement devenir indissoluble, n'en déplaise à tous ces voisins bien attentionnés rêvant d'un monde affranchi de leur complicité toute balbutiante.

Dans la baie fauve se veut tour à tour poétique, mélancolique, foutraque, générateur de moult adjectifs en "que" qui ne me viennent pas forcément sur le moment.
Sara Baume égrène les saisons une à une. Un condensé de vie, l'histoire d'une rencontre.
Pas de dialogues à se mettre sous les babines puisqu'un chien, par définition, ne parle pas.
Ray monologuera longuement, ardemment, avide d'écoute attentive et compatissante, fusse-t-elle celle d'un chien, néo best friend for ever.

C'est un beau roman, c'est une belle histoire.
Porté par une plume travaillée et captivante, Sara Baume fait dans le road movie initiatique.
De ceux dont on n'attend rien et dont on ressort le coeur un peu plus lourd mais paradoxalement transporté à l'idée d'avoir assisté à la naissance d'une toute grande.
Et puis avec un nom pareil...

Merci à Babelio et aux éditions Notabilia pour la balade.
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Un homme seul parle à son chien. Et ça tient pendant 297 pages.

Le récit démarre par un prologue de deux pages, où le sujet principal – « il » - n'est pas nommé mais dont on comprend vite qu'il s'agit d'un chien.
Et puis deux pages plus tard, s'ouvre la première partie, dénommée « Printemps » et voit entrer en scène le narrateur, qui s'adresse d'emblée à son chien, avec un « tu » qui seras son fil conducteur tout au long des quatre saisons.

Ce narrateur, dont on ne saura jamais le prénom, est un homme très solitaire. Elevé par un père peu aimant, veuf d'une femme morte à la naissance de son fils (c'est du moins ce qu'on imagine au départ), l'enfant grandit dans une petite ville du bord de mer en Irlande. Il ne va pas à l'école. Il est parfois gardé par une Tante qui l'emmène chez elle dans un appartement surchauffé.
Mais la plupart du temps il reste seul à la maison, tandis que son père part travailler à l'usine.

Un jour le père emmène son fils en voiture. Pour une raison anecdotique l'enfant se met à pleurer. le père arrête la voiture, sort l'enfant de l'habitacle, le dépose sur la colline, et repart en voiture. Il faudra une voisine compatissante pour ramener le fils à la maison de son père.
C'est l'une des anecdotes que raconte le narrateur à son chien.

Celui-ci cumule les handicaps. Il faut dire que la SPA locale n'avait pas menti avec sa pancarte : »recherche maître compatissant et tolérant, sans autre animal de compagnie, ni enfant de moins de quatre ans ». Baptisé « ONE EYE » par celui qui devient définitivement son maître, il n'est vraiment pas gâté par la nature : borgne d'un oeil, ce cocker au pelage cuivré a déjà mordu le gardien du chenil.
Mais son maître n'est guère gâté par la nature non plus. du moins c'est aussi comme ça qu'il se décrit : laid, boitant, avec des jambes mal proportionnées, les deux protagonistes, tous les deux des « cabossés de la vie », vont vite faire la paire.


Commence alors une vie paisible pour le narrateur et son chien à l'intérieur de la maison du père. le père est mort il y a peu de temps auparavant, d'un étouffement en mangeant une saucisse.

Et le narrateur ne parle à personne ou presque, hormis à son chien. Il craint les enfants – il faut dire que ONE EYE a une fâcheuse tendance à vouloir les mordre – et les parents des enfants.

Il préfère regarder les autres personnes derrière une vitre, en s'imaginant la vie qu'ils peuvent mener.

Le narrateur accorde beaucoup plus d'intérêt à la faune et à la flore qui l'entoure. Surtout si celle-ci est très commune et peu reluisante. Il commente à ONE EYE les noms des oiseaux et des plantes – il a beaucoup lu dans la bibliothèque de son père – mais surtout il remarque tout ce qui ne présente aucun intérêt habituellement et relève de touts petits détails qui enchante le quotidien. ONE EYE le suit dans toutes ses pérégrinations.

Cela pourrait sembler très faible, comme argument.
Et pourtant ça tient pendant près de 300 pages.

Il faut dire que derrière l'apparence bourrue et peu reluisante du narrateur, se cache un homme d'un profond humanisme, et d'une profonde tristesse dans sa solitude. Un personnage à qui on s'attache comme ONE EYE le fait sans doute pour son maître. Un personnage qu'on a du mal à lâcher à la 295ème page.

Après un épisode peu glorieux où ONE EYE mord un petit chien d'une famille voisine, la police le prévient qu'elle va mettre ONE EYE à la fourrière.
Alors le narrateur s'enfuit en voiture avec son chien.

Commence alors une sorte de road movie à travers l'Irlande des coins les plus reculés, où le narrateur accroît encore sa solitude. C'est très triste et très beau à la fois.

J'avais eu envie de lire Sara Baume après avoir lu un article élogieux sur son autre livre, « Ligne de fuite » (que je lirai sans doute ensuite).
L'autrice irlandaise rend avec « Dans la baie fauve » un brillant hommage à tous les déshérités, les moches, les handicapés, qui ne feront jamais la Une d'un journal ou d'un magazine, encore moins d'une publicité, à côté de qui on passe sans qu'on les remarque jamais.

J'ai appris depuis que « Dans la baie fauve » a été sur la dernière liste du Sunday Independent Newcomer of the Year, de l'Irish Book Award et du Guardian First Book Award 2015. La sortie de ce roman a permis à Joseph O'connor de dire que c'était le roman le plus impressionnant qu'il avait lu depuis des années.
A juste titre.

La magie de l'écriture se révèle parfois, et vous fait tenir tout un récit avec un pitch de trois lignes à peine. Cela nous rappelle que la littérature est un art subtil qui peut parfois faire des miracles.
C'est le cas ici.
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Et bien, pour un premier roman c'est un coup de maître.
C'est beau et triste, magnifique et désespérant.
C'est long et lancinant.
Un homme de cinquante-sept ans qui se définit comme vieillard prend un chien dans un chenil.
Entre eux vont se nouer des liens forts, de partage, de tendresse. de gaieté, de désespoir.
Tout au long de ma lecture, j'ai tenté de le définir.
Attardé mental ? Mais non, il sait tant de choses.
Asocial ? Oui mais par la force des choses
Simplet ? Un peu, à sa manière de rabâcher
Fada ? Si peu
Le ravi de la crèche ?
Un homme différent, tout simplement.
En tout cas, c'est un homme attachant, qui fut un enfant pas comme les autres, ne connut pas sa mère, n'alla pas à l'école, fut élevé par son père…… et se retrouva bien seul à la mort de celui-ci.
D'où sa décision de prendre ce chien qui a perdu un oeil, est agressif avec les autres animaux.
Mais quelle belle vie ils s'organisent tous les deux. Quelles belles ballades ils font dans la baie fauve proche du village irlandais où est la maison de son père. Quelle complicité lors de leur long périple en voiture.
Une parfait maîtrise du récit. Les situations s'éclaircissent au fur et à mesure pour cerner ce mystérieux personnage.
Une lecture envoutante qui plonge dans un univers des plus particuliers.

Pas évident de reprendre le fil de ses activités après avoir fermé la dernière page.

Un grand merci à babelio et aux éditions Noir sur blanc
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Traduit par France Camus-Pichon

Un homme de cinquante-sept ans, seul et solitaire, lit une annonce sur une vitrine de brocante, entre "une veste de peau de mouton, un tambourin en bois d'hévéa, un canard empaillé et un kit de calligraphie" : "CHERCHE MAITRE COMPATISSANT ET TOLERANT, SANS AUTRE ANIMAL DE COMPAGNIE, NI ENFANT DE MOINS DE QUATRE ANS." En guise de photo, une tête de chien estropié. La photo est la moins nette et la plus sinistre de toutes. Néanmoins, l'homme fond complètement pour cette bouille et fonce le récupérer au refuge. Ce chien a la particularité d'être borgne. Son nouveau maître dit ressembler tantôt à un indien, tantôt à un troll.

"A quoi je peux ressembler, vu de ton oeilleton solitaire ? Tu m'arrives tout juste au mollet et je suis massif comme un rocher. Mal fagoté, avec une barbe mitée. Les traits passés au rouleau compresseur, le poil pareil à de la limaille de fer. Quand je reste immobile, je me voûte sous le poids de mon propre bloc de peur. Quand je marche, je clopine sur mes pieds de cul-terreux et mes jambes mal proportionnées. Mes rotules cailleuses sortent par les déchirures de mon jean".
"A une époque, sous certaines lumières et certains angles, j'avais des cheveux noirs corbeaux aux reflets d'un bleu électrique, mais ils sont maintenant mouchetés de gris comme une corneille ébouriffée. J'en fais une tresse qui descend sur la bosse de mon dos de rocher, et parfois je me dis que, si j'avais des gens avec qui blaguer, on me surnommerait GRAND SACHEM à cause de la largueur de mon visage".
Le véritable prénom du narrateur est Ray, (nommé une seule fois page 17, mais il a tout sauf l'apparence d'un rayon de soleil ou de lune, comme il l'avoue lui-même !).

One Eye est aussi bizarrement fichu : "Tu pourrais faire trois mètres de haut que tu ressemblerais quand même à un chat de gouttière. On voit tes côtes. Ta croupe se termine par une queue coupée aux trois quarts et ton poids te tire vers l'avant comme une brouette. Tes pattes sont tout en os, tes épaules tout en muscles. Ton cou est trop court pour ton corps, ta gueule trop grande pour ton crâne, tes oreilles justes assez longues pour se replier sur elles-mêmes. (...) Il manque un morceau de tes babines, et elles sont figées en un rictus."

Nous allons passer quatre saisons, du printemps à l'hiver, avec ce couple atypique et branquignole. Voilà l'histoire dans les grandes lignes : le narrateur ramène le chien dans la maison de son père, qui est maintenant la sienne. Tout se passe bien jusqu'au moment où les deux amis partent en promenade. One Eye est le roi des bêtises, malgré son handicap : il croque les autres chiens, qu'il voit très bien ! le début des embrouilles pour le narrateur qui est prêt à tout, sauf à se séparer de son animal. Il décide donc de tracer la route, dans sa vieille bagnole tout aussi branquignole que le reste et nous voilà partis sur les routes irlandaises, en particulier du côté de Tawny Bay (la "baie fauve"), où le varech pue tout ce qu'il peut. le roman prend une allure de road trip, de roman d'aventures...

Si on ne connaît rien du passé du chien, on va en apprendre un peu plus sur le narrateur, à travers son long monologue à son chien. C'est un être cabossé par la vie, en retrait de la société, il vivait la plupart du temps reclus chez lui. Son père est mort.... en s'étouffant avec une saucisse ! Pourtant, il ne le regrette pas car c'était un homme froid, égoïste etc.

On se prend d'affection pour le bonhomme comme pour le chien. Cependant, le gars a fait un truc qui m'a filé la chair de poule (il vous faudra lire le roman pour savoir quoi !). J'ai un peu changé d'avis sur lui en cours de route. Au début on le voit comme un pauvre bougre inoffensif. Certes, il n'est pas méchant, son père était un type moche, mais quand même il fait un truc de fou ! :)

J'ai été bluffée par l'écriture de Sara Baume, dont c'est le premier roman traduit en français : à la fois poétique, trash, avec des touches d'humour. J'ai été scotchée par la manière dont elle décrit les plantes, les oiseaux, les rochers, bref la nature. Rien n'échappe à sa plume ciselée. Et on court, on court, on court, on roule, on roule, on roule ! Une écriture dynamique !
"Dans la baie fauve" est plein d'humour, de tendresse, de poésie et empreint d'une ambiance décalée qui ne ressemble à rien d'autre.
Je ne peux que vous inviter à découvrir cette auteure dotée d'un vrai talent. de la vraie bonne littérature irlandaise dont vous vous souviendrez !
Elle a écrit un deuxième roman, qui j'espère bien arrivera jusqu'à nous.
Lien : http://milleetunelecturesdem..
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critiques presse (1)
LeMonde
30 mars 2018
Un marginal parle à un chien, son seul confident, au cours d’errances sans fin. « Dans la baie fauve », lyrique premier roman.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
J’ai apporté une thermos et je la pose sur le galet le plus plat. Le café est trop chaud, je le sais, mais je me suis toujours demandé quel effet ça faisait d’en boire à la plage. Toi aussi, tu as trop chaud ? Tu respires par petites bouffées rapides. Je tire sur ton collier pour t’entraîner jusqu’à une mare dans les rochers, je te hisse dedans, je recueille de l’eau au creux de mes mains pour asperger ton encolure et ton ventre. Lorsque la mare redevient étale, tu restes où tu es. Tu observes les crevettes autour de tes pattes, essaies de mordre l’eau, la recraches par les narines en toussant.
Tu finis toujours par revenir vers moi. Cette fois tu t’appuies contre mes chevilles croisées, près du galet avec la thermos. Regarde les champs là-haut, au-delà des résidences secondaires. Tu te souviens qu’ils paraissaient uniformément verts lorsqu’on est passés devant ? Mais vus d’ici, ils sont taupe, vert menthe, vert émeraude et vert citron.
Ils sont interrompus par un terrain de golf et des pavillons épars. Des granges, des voitures, des bottes de foin et des arbres. Des vaches qui se déplacent aussi imperceptiblement que les aiguilles d’une horloge, et arrivent à destination sans en avoir l’air. Maintenant regarde l’océan, et ce qui l’interrompt. Un rocher herbeux couvert de cormorans. La bouée d’un casier à homards. Quelques voiliers au loin. Un baril bleu, probablement relié à quelque chose sous l’eau. Et un cargo contournant une balise pour entrer dans le port.
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Je tourne les talons et me laisse guider par toi pour traverser la place, le marché, la ville, jusqu’à la voiture. Je verrouille les portières pour nous protéger du monde, des marchands ambulants et des passants, des nomades et des promeneurs. A travers le pare-brise, j’observe tous ces individus qui marchent dans la rue, qui sont juchés sur des tabourets des cafés, qui font la queue dans l’abribus. Je sais que chacun a un écran miniature dans sa poche. Je sais que chaque écran a une liste de personnes qui sont ailleurs et possèdent elles aussi un écran miniature. Je sais que dans chaque poche une femme blonde murmure pour rappeler à ceux qui la transportent qu’ils sont reliés.
Assis dans notre capsule calme et verrouillée, j’essaie de me représenter en détail la vie de ces gens, afin qu’ils semblent plus familiers, moins déroutants. J’essaie de me représenter la couleur de leurs murs, le bric-à-brac sur la table de leur cuisine, la vue de leur fenêtre en façade. Mais j’ai beau faire, je ne vois que le jaune d’or de mes murs à moi, mes stylo-billes vides, la vase de ma baie.
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Le soir, on regarde la télé. Tu aimes les documentaires animaliers, en particulier ceux avec des chants d’oiseaux stridents. Moi je préfère les émissions de société. J’aime bien les gens qui, en l’absence de script, cherchent leurs mots ou ne disent pas ce qu’il faut. J’aime bien ceux qui n’ont pas besoin d’oignons pour pleurer ; ils pleurent même mieux.
Je n’ai pas vécu comme les personnages des séries télévisées. Je n’ai pas fait la guerre, ne suis pas tombé amoureux. Je n’ai jamais donné un coup de poing à quelqu’un non pris une femme par la main. Je n’ai jamais mené grand train ni eu la belle vie, et pourtant je veux croire que j’ai vécu intensément, que j’ai remis en question et analysé mon existence vide, banale, et l’ai parfois même comprise. Depuis toujours je remarque les petits détails, les plus anodins. Un chewing-gum en forme de ptérodactyle. Une anguille de sable à deux têtes enroulée à l’intérieur d’un coquillage. Le filament de tungstène dans les résistances. J’ai lu beaucoup de journaux. Ils s’empilent sur la table basse pendant des semaines avant que j’entreprenne de les recycler. Je sais comment la société devrait fonctionner. Je la trouve absurde, mais je finis par croire que c’est parce qu’elle l’est réellement.
Je ne suis pas le genre de type qui agit – je ne te l’aurais pas déjà dit ? Je m’allonge et j’attends que la vie laisse son empreinte sur moi.
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Dès que je vois un cargo, je commence à me représenter les différents objets enfermés dans chaque conteneur, puis tous les composants qui ont servi à les fabriquer, puis tous les composants des composants, et ainsi de suite, à l’infini. Comme la mise en abyme sur les boîtes de levure chimique Royal Baking Powder. Du temps où j’étais à peu près grand comme la table et om je voyageais à l’arrière de la voiture de mon père, un jour on a longé la grand-rue pour traverser la ville, et je me souviens d’avoir vu par la vitre une femme debout à sa porte. Un instant plus tard, elle a tourné les talons et est rentrée, refermant la porte derrière elle, et bien sûr je ne le voyais plus. Je sais que ça paraît insignifiant, mais c’était la première fois que je prenais conscience que la vie des autres continuait. Tout le temps, hors de ma vue et sans moi. C’était la première fois que je prenais conscience que tout continuait sans fin. Envers et contre tout, sans relâche.
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 Voilà comment les gens survivent, en comblant un vide à la fois pour une infime gratification temporaire, et en recommençant jusqu’à ce que la saison se termine et qu’ils finissent par mourir, par se dessécher sur le mur ou l’allée, dans leur crevasse sombre. Voilà comment la vie est rongée de l’intérieur, épuisée par les efforts onéreux pour la vivre.
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