Citations de Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort (192)
Quand on a pris le parti de ne voir que ceux qui sont capables de traiter avec vous aux termes de la morale, de la vertu, de la raison, de la vérité, en ne regardant les conventions, les vanités, les étiquettes, que comme les supports de la société civile; quand, dis-je, on a pris ce parti (et il faut bien le prendre, sous peine d'être sot, faible et vil), il arrive qu'on vit à peu près solitaire.
Un homme d'esprit est perdu s'il ne joint pas à l'esprit l'énergie de caractère. Quand on la lanterne de Diogène, il faut avoir son bâton.
Un homme qui s'obstine à ne laisser ployer ni sa raison ni sa probité, ou du moins sa délicatesse, sous le poids d'aucune des conventions absurdes ou malhonnêtes de la société, qui ne fléchit jamais dans les occasions où il a intérêt à fléchir, finit infailliblement par rester sans appui, n'ayant d'autre ami qu'un être abstrait qu'on appelle la vertu, qui vous laisse mourir de faim.
La faiblesse de caractère ou le défaut d'idées, en un mot tout ce qui peut nous empêcher de vivre avec nous mêmes, sont les choses qui préservent beaucoup de gens de la misanthropie.
C'est une belle allégorie, dans la Bible, que cet arbre de la science du bien et du mal qui produit la mort. Cet emblème ne veut-il pas dire que lorsqu'on a pénétré le fond des choses, la perte des illusions amène la mort de l'âme, c'est-à-dire un désintéressement complet de tout ce qui touche et occupe les autres hommes?
La calomnie est comme la guêpe qui vous importune, et contre laquelle il ne faut faire aucun mouvement, à moins qu'on ne soit sûr de la tuer, sans quoi elle revient à la charge, plus furieuse que jamais.
L'Anglais respecte la loi et repousse ou méprise l'autorité. Le Français, au contraire, respecte l'autorité et méprise la loi.
L'homme vit souvent avec lui-même, et il a besoin de vertu ; il vit avec les autres, et il a besoin d'honneur.
Le premier des dons de la nature est cette force de raison qui vous élèves au-dessus de vos propres passions et de vos faiblesses, et qui vous fait gouverner vos qualités même, vos talents et vos vertus.
Ce que j'ai appris, je ne le sais plus. Le peu que je sais encore, je l'ai deviné.
Le hasard "sobriquet de la Providence".
Des qualités trop supérieures rendent souvent un homme moins propre à la Société. On ne va pas au marché avec des lingots ; on y va avec de l’argent ou de la petite monnaie.
Le Monde et la Société ressemblent à une bibliothèque où au premier coup d’œil tout paraît en règle, parce que les livres y sont placés suivant les formats et la grandeur des volumes, mais où dans le fond tout est en désordre, parce que rien n’y est rangé suivant l’ordre des sciences, des matières, ni des auteurs.
En apprenant à connaître les maux de la Nature, on méprise la mort ; en apprenant à connaître ceux de la Société, on méprise la vie.
A. — Je lui ferais du mal volontiers.
B. — Mais il ne vous en a jamais fait.
A. — Il faut bien que quelqu’un commence.
Celui qui ne peut être honoré que par lui-même, n’est guère humilié par personne.
Ce que j'ai appris, je l'ai oublié ; ce que je sais, je l'ai inventé.
il n'y a que l'amitié entière qui développe toutes les qualités de l'âme et de l'esprit de certaines personnes. La société ordinaire ne leur laisse déployer que quelques agréments. ce sont de beaux fruits, qui n'arrivent à leur maturité qu'au soleil, et qui, dans la serre chaude, n'eussent produit que quelques feuilles agréables et inutiles.
Il faut être juste avant d’être généreux, comme on a des chemises avant d’avoir des dentelles.
Il y a deux choses auxquelles il faut se faire sous peine de trouver la vie insupportable : ce sont les injures du temps et les injustices des hommes.