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Citations de Serge Raffy (36)


Tous les hommes et les garçons descendirent et furent abattus. Lila, elle, fut embarquée par le chef de la milice, violée pendant plusieurs jours, puis vendue à un réseau mafieux. Jamais elle n’atteignit Bucarest. Pour la jeune fille, ce fut le début de l’enfer. L’enfermement dans une maison de dressage à la frontière albanaise, les tabassages, le vol de ses papiers d’identité, le passage par Trieste, la montée vers l’Allemagne, les Eros Centers de Rotterdam, les bordels de luxe de Madrid, et enfin, Paris, les réseaux de masseuses érotiques. J’étais anéanti. Ce qu’on lisait sur ces mafias spécialisées dans le proxénétisme restait une pure abstraction pour moi. Je fuyais depuis tant d’années la réalité, là, je sombrais dans le cauchemar de l’Histoire.
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Tout en elle était paradoxe. Elle pouvait passer d’un état d’enthousiasme adolescent à une forme d’hébétude qui me glaçait le sang. En cuisine, aussi, elle multipliait les tête-à-queue. Un jour, elle me proposa de préparer une pizza aux escargots. J’eus une moue dubitative. Elle prit le cahier à spirale et écrivit : « C’est une recette de ma grand-mère. Tu vas aimer. » J’appris ainsi qu’elle avait une grand-mère, peut-être italienne. Je m’exécutai bravement, en lui rapportant l’ingrédient indispensable à la confection de cette recette familiale si éloignée de ses préceptes du bien manger : des gastéropodes, dûment dégorgés, de la Maison de l’Escargot.
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J’en conclus qu’elle était, grâce à moi, sur la voie de la guérison. Avec de la persévérance, elle finirait par me parler. Cette perspective me rasséréna et me conforta dans ma méthode douce. Notre relation ne pouvait qu’en être renforcée.
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Il m’arrivait de penser que tout cela n’était qu’un rêve, ou bien un piège dans lequel on cherchait à me faire tomber. Je me mettais à surveiller les moindres faits et gestes de Lila. Je tentais de la prendre en flagrant délit de mensonge. Mon obsession était alors de la faire parler ou au moins émettre un son, par surprise. À plusieurs reprises, je l’appelai depuis l’étage, guettant un involontaire « Oui, j’arrive ! », ou je lui fis écouter une musique à son goût, espérant qu’elle se laisserait aller à chantonner comme n’importe quelle fille de son âge.
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Je m’étonnais de ne ressentir aucun désir pour Lila. Pourtant, j’étais fou de ses courbes, ses fesses rondes, ses épaules délicates et ses seins lourds. Je la regardais à la dérobée rejeter ses cheveux noirs en arrière. Elle ne s’en offusquait pas. Au contraire, je crois qu’elle aimait la manière dont je la regardais. Je la voyais comme un tableau vivant, une baigneuse de Gauguin.
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L’attitude de Lila m’intriguait : chaque jour plus confiante, apaisée, revigorée, elle paraissait, dans le même temps, lointaine, évanescente, absente à elle-même. Il fallait rompre ce cercle vicieux où tous les instants se ressemblaient. Je lui demandai si l’idée de sortir prendre l’air la tentait. Elle cligna deux fois des paupières. Je l’invitai à une promenade dans le parc Montsouris. Elle me fit comprendre qu’elle n’avait aucune envie de bouger. Elle n’était toujours pas prête à affronter le monde extérieur. Un simple grondement d’avion la paniquait. La sonnerie de la porte d’entrée la laissait tremblante.
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Lullaby était le fil invisible qui me reliait à ma « naufragée ». Ainsi, rien de ce qui venait de m’advenir n’était fortuit. Tout cela avait un sens. Je me suis plongé dans l’ouvrage et l’ai lu d’un trait, à la recherche d’un code secret.



C’est une ode à la liberté, pleine de sel et d’embruns. Lullaby, une adolescente qui fait l’école buissonnière, y joue les sauvageonnes de bord de mer. Enfant de l’océan, elle parle aux vents et aux marées. Elle vit nue, sur la plage. Mon « invitée » avait laissé un marque-page au milieu du livre. Avant de m’endormir, je fus saisi par le doute. La jeune femme lisait un auteur qui s’exprime dans la langue de Voltaire. Mon scénario d’une étrangère échappée d’un bordel de la Méditerranée s’effondrait. Elle était peut-être française. Et cultivée. J’échafaudai une nouvelle hypothèse, celle d’une femme battue, une jeune bourgeoise fuyant un milieu familial violent, dominé par un père despotique. Lullaby, pensai-je, était un sauf-conduit vers la liberté. Ma naufragée était peut-être une fugueuse. Je ne savais plus que penser.
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Pendant l’amour, Firmin tentait de retenir le torrent qui grondait en lui, charriant tous les malheurs du monde, visage d’enfants torturés, femmes souillées, vieillards mutilés, grimaçants et hurlants. Dix ans d’affaires criminelles emmagasinées dans l’inconscient, ce petit grenier où l’on entasse tout, rêves fracassés, désillusions d’enfance, manque d’amour. Firmin était vulnérable, et ce qu’il a livré durant ces minutes d’abandon était le visage d’un homme aux abois. Il était au bord des larmes. Marie l’a cajolé jusqu’à ce que cessent les tremblements. Au réveil, Firmin avait repris le contrôle de lui-même. Ils ont avalé leur petit-déjeuner sans prononcer un mot, sans se regarder. Deux amants effrayés par les béances que chacun avait découvertes chez l’autre et la conscience d’avoir livré les siennes. Dès le premier jour, ils s’étaient aventurés trop loin en terre étrangère. Marie a senti qu’il fallait garder un peu de distance, éviter de piétiner le jardin secret de Firmin. Par la suite ils se sont revus toujours chez elle, dans son deux-pièces de la rue de Bièvre, près de l’île Saint-Louis. Ils avaient, d’un commun accord, décidé que leur relation resterait secrète.
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C’est comme un baume, un onguent protecteur. Et puis, surtout, elle me donne une capacité de concentration que je n’aurais pas sans elle. Elle me met en transe. Et là, je commence à réfléchir.



– Tout seul, tu n’arrives pas à penser ?



– Non, tout seul, je ne pense rien…
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Même les allégros sentent la terreur de la mort et du précipice. Le monde réel paraît alors apaisé, presque paradisiaque. Marie a rendu les écouteurs, amusée par sa découverte : Firmin venait, sans le vouloir, de lui offrir les clés de son monde intérieur.
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Elle était scandalisée par leur irrespect devant des êtres humains qu’ils dépeçaient comme des lapins. « Ils refoulent, ils refoulent », lui répétait sans cesse Firmin. Mais rien n’y faisait. Elle ne supportait pas qu’on prît la mort à la légère. Au cours d’un apéritif, un légiste lui avait glissé qu’il refusait d’autopsier les cadavres d’enfants. Enfin, pensa-t-elle, soulagée, un type normal. Mais il avait ajouté, en pouffant, au creux de son oreille : « Les gamins, c’est moins bien payé… »
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Marie n’a pas abandonné, et, malgré la clôture du dossier décidée par un juge d’instruction débordé et défaitiste, elle a fini par retrouver sa trace. Julie était vivante, contre toute attente. Elle n’avait été ni violée ni torturée. La gamine avait été kidnappée par une femme stérile qui l’avait élevée comme sa fille, lui faisant croire à la mort de ses parents. Marie a eu droit à la une des journaux, ce qui a redoré le blason de son service, surnommé « la brigade-maman », allusion au côté assistante sociale de sa chef, vouée à la recherche d’enfants fugueurs, victimes de violences familiales…
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Le Mal n’a aucun lien avec la modernité. Il est dans l’homme. Cette conviction lui évite de se perdre dans les laboratoires de la police scientifique, nouvelle toquade qu’il laisse à ses subordonnés. Tous les jeunes collègues qui débarquent à la Crim’ ont été abreuvés au scientisme des feuilletons américains, exaltant la toute-puissance des hautes technologies, des recherches d’adn, du langage des micro-fibres abandonnées sur la scène de crime.
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J’avais l’impression de l’avoir toujours connue. J’en profitai pour l’interroger sur son itinéraire. Elle restait désespérément silencieuse. Je ne pouvais faire appel qu’à mon intuition. J’ai pensé au pire : elle avait été enlevée et elle tentait d’échapper à ses bourreaux. Tout à coup, j’eus une certitude : j’avais en face de moi une femme en danger de mort. Ces salauds devaient être à sa recherche. Un instant, j’ai envisagé de la conduire à la police.
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Elle était perdue dans ses pensées, repoussant régulièrement une mèche de cheveux qui masquait son visage. Elle laissa passer deux rames de métro. Je n’avais jamais osé aborder une femme dans la rue. Je me jetai à l’eau, le cœur en vrille : « Parisienne ? Provinciale ? Sans doute du côté du Sud-Est ? Vous avez du sang italien, c’est sûr. » Je me sentais un peu ridicule. Je plongeai mon regard dans ses yeux noirs. Visiblement, elle faisait des efforts pour tenter de comprendre ce que je lui disais. Sans doute ne connaissait-elle pas un mot de français.
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Visage d’enfant, lèvres rondes, ourlées, peau cuivrée, et regard intense. Ses vêtements étaient trempés par la pluie. Elle devait avoir entre vingt et vingt-cinq ans. Je n’avais jamais vu une fille comme elle.
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