Citations de Siegfried Lenz (97)
« Animal Farm est ce que l’on pourrait appeler une fable appliquée, ou une fable applicable, on cherche à nous dire quelque chose à travers autre chose, ce que nous découvrons au premier plan dissimule une vérité universelle, qu’on pourrait désigner comme la misère de la révolution. » Elle s’est arrêtée devant la bibliothèque, elle a continué à parler, contre l’étagère : « Pour les animaux, ce ne sont pas tellement les revendications habituelles de la Révolution qui comptent – plus de pain, plus de liberté –, ce qu’ils veulent, c’est mettre fin à la domination de l’homme, c’est un objectif limité, concret, qu’ils atteindront d’ailleurs. Mais la fondation d’une nouvelle civilisation marque le début de la misère. Elle commence par la constitution de classes et par l’aspiration de quelques-uns au pouvoir. » […] «Il existe un titre de livre que tu n’es pas obligé de connaître mais qui en dit long : La révolution dévore ses enfants».
Le devoir, je tiens cela pour de la prétention aveugle. On fait inévitablement des choses qu'il n'exige pas.
La vie à l'américaine : cela signifie vivre dans le provisoire, sans responsabilité durable, dans le provisoire uniquement.
« Wir setzen uns mit Tränen nieder », « Nous nous asseyons en larmes » : c’est sur cette cantate que la chorale du lycée a ouvert la cérémonie commémorative, puis M. Block, notre directeur, s’est dirigé vers la tribune jonchée de couronnes. Il marchait à pas lents, c’est à peine s’il a jeté un regard vers la salle des fêtes comble ; arrivé au niveau de la photo de Stella, disposée sur un chevalet devant l’estrade, il a ralenti, il s’est raidi, ou a semblé se raidir, et s’est incliné profondément.
(Incipit)
«Rien n'est aussi répandu que la crainte de perdre ce que l'on possède.»
Je m'écrasai sur la table et me dégageai légèrement. Mon visage reposait sur la carte marine toute bleue, baignant dans les océans sur lesquels je régnais en rêve et où je rééditais les grandes batailles navales de l'histoire : c'est là que j'avais vécu Lepanto et Trafalgar, c'est là que Skagerrate s'était déroulé une seconde fois et Scapa Flow et Orkney et les duels de Falkland ; et maintenant j'allais à la dérive, toutes voiles avalées, dans les eaux où j'avais connu tant de triomphes imaginaires.
"Les choses que nous taisons [...] ont parfois plus de conséquences que celles que nous disons."
Chez nous, celui qui tend l'oreille par un soir venteux d'automne en apprend plus que ce qu'il s'attendait à apprendre, plus que ce qu'il désirait savoir : on surprend toujours quelque palabre au profond des haies, l'air charrie toujours des rumeurs singulières et celui qui consacre son attention aux voix ou aux portes qui claquent n'est jamais déçu.
Le devoir de chacun, n'est-ce pas de prévoir?
[...] au cours de notre vie commune, tu m'as appris que tout peut prendre de l'importance - même les objets les plus petits, les plus insignifiants - pourvu qu'ils témoignent de quelque chose.
[...] une punition bien faite c'est autant de chemin parcouru sur la voie du progrès.
Devant la porte de l'hôtel - ils avaient déjà pris congé l'un de l'autre - Henry fit demi-tour. Pouvait-il poser une question personnelle? Lagutin hocha la tête. Pouvait-il savoir d'où venait son allemand? Lagutin sembla se réjouir plus que s'étonner de cette question et dit :
- De Saratov bien sûr, de l'université! Nous avons même un club d'allemand, et quand certains de vos écrivains - ceux qui habitent nos coeur - fêtent leur anniversaire, nous pensons à eux et leur rendons hommage par des lectures, du café et des tartes maison.
Mais peut-on parler de vent : ce souffle du nord-ouest se lançait rageusement à l’assaut des fermes, des haies, des rangées d’arbres ; ses charges tumultueuses, ses embuscades mettaient à rude épreuve la résistance de toute chose et façonnaient le paysage à leur image : un paysage noir et venteux, tordu, échevelé et plein de significations ambiguës
Toi, tu sais à quoi tu veux arriver dans la vie ?
Quand j'entends le mot "arriver", cela me fait aussitôt penser
à "gare d'arrivée".
J'entends l'annonce : "Terminus, ici terminus, tout le monde descend".
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[...] mon père a élevé la voix et s'est écrié d'un ton résolu : Non, mon garçon, non, non, la mort n'a rien de terrible, rien d'angoissant, il faut l'accepter, c'est tout.
[...] il était toujours utile d'avoir un voeu en réserve, il fallait choisir soigneusement son heure, il ne fallait pas le gaspiller.
Si j'avais su quel plaisir me procurerait le travail au bureau des objets trouvés, j'aurais demandé ma mutation bien plus tôt.
P 39
Deux millions de mouettes se lèvent en un vol strident,
forment au-dessus de la presqu'île un nuage d'argent qui monte et descend,
et dont l'indignation se traduit par une vaste rumeur d' ailes froissées,
un nuage qui tourne, se dissocie et se reforme,
avec des claquements secs suivis d'une pluie de plumes blanches ou,
pour le dire mieux,
d'une neige de duvet qui couvre la vallée entre les dunes, un lit moelleux et tiède.
p 58
"Rien de ce qu'on sait n'est suffisant quand on se rend compte qu'on aime quelqu'un."
Je le crois capable à l'occasion d'expertiser sa propre expertise.
p 63