Comme un ancien fumeur évite tout ce qui pourrait lui rappeler sa drogue, j’évite en général et pour des raisons de santé les lectures équestres susceptibles de me faire replonger. Mais les rares fois où elles sont mises en avant dans les rayons, il est quand même très dur de ne pas tendre le bras pour en prendre une bouffée au travers de quelques lignes. En l’occurrence, les premières lignes étaient tellement éblouissantes que je me suis sentie oooobligée d’acheter le bouquin.
Parce que monter à cheval, c’est bel et bien ceci :
« Sentir un autre coeur soudain battre tout contre sa cheville. Un second, à une main du creux de l'épaule gauche comme le coeur des humains. Mais un coeur plus allant. Plus sauvage. Plus vibrant. Dix fois plus généreux et mille fois plus fougueux. Si vite effarouché pourtant. Un coeur de fauvette affolée que l'on voudrait pouvoir apaiser d'une caresse. Un coeur de guerrier à jamais indompté. D'un calme invincible et tout à coup en tempête. Pour un rien, un bruit ou une biche invisible en alerte. Sans cesse sur le qui-vive. Capable de vous tuer aussi innocemment que de vous changer la vie. Voire de vous la sauver. »
Pour une fois il s’agit non pas d’un roman mais d’un récit : Celui de la vie cavalière de Sophie Nauleau. En 135 pages, elle tente de nous en faire saisir la définition et l’essence. De petits maux en petits mots, les réflexions de l’auteure visent à comprendre et expliquer un petit miracle : Celui qui fait de l’équitation un mode de vie plus qu’une passion, et ce en dépit du danger qu’elle peut représenter, de l’investissement personnel, en temps, et en argent qu’elle demande, malgré aussi les moments de découragement intense qu’elle nous fera forcément subir.
On saisit au fil des pages qu’au fond, La vie cavalière nous apporte plus qu’elle ne nous prend : Elle est plus intense car au contact de ces grands animaux qu’il faut sans cesse apprivoiser, les émotions sont plus fortes, le dépassement de soi est quotidien, la découverte de l’autre toujours instructive, la complicité presque sans failles… Et l’on en sort grandi pour affronter la vie, forts des leçons apprises souvent malgré nous. Prendre de la hauteur nous fait voir la vie différemment. La difficulté est de devoir composer avec un être vivant mais la satisfaction est, contrairement au mythe du cow-boy solitaire, de n’être jamais seul.
Sophie Nauleau, que vous connaissez peut-être pour ses rendez-vous poétiques sur France Culture, tente donc dans ce récit un exercice périlleux : Mettre des mots sur des sensations, aussi fortes, personnelles et si apparemment abstraites et fuyantes soient-elles. Elle y parvient en grande partie dans la mesure où beaucoup de cavaliers retrouveront des expériences vécues. Certains passages m’ont moins captivée et j’aurais aimé retrouver encore plus de sensations et réflexions communes à un plus large panel de cavaliers (car la vie cavalière de Sophie Nauleau est forcément axée sur sa discipline de prédilection, qui est le concourt de saut d'obstacles). Mais l’ensemble est harmonieux, poétique et intimiste ; Et si l’écriture sert à poser une réflexion personnelle, qu’elle espère probablement partager avec un public averti auquel ses propos parleront, Sophie Nauleau va peut-être aussi, grâce à sa belle maîtrise de la langue française et aux références littéraires dont elle nourrit sa réflexion, créer l'étincelle et initier certains lecteurs à la découverte de ce monde à part.
J’aime beaucoup ce genre de récit dont la vie quotidienne est prétexte à des réflexions plus larges et approfondies.
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