Steve Brusatte

Les os ne sont pas des éléments inertes qui se trouveraient là, simplement, dans notre corps ; ils sont au contraire des tissus dynamiques et vivants qui se développent, se régénèrent et se transforment en permanence. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ils se réparent si on les casse. Lorsqu'ils grandissent, ils gagnent en volume et s'étendent du centre vers la périphérie. Cette croissance rapide ne se produit toutefois qu'à certains moments de l'année, l'été ou lors de la saison humide, quand la nourriture est abondante ; elle ralentit l'hiver ou à la saison sèche. Lorsqu'on sectionne un os, la transition entre croissance rapide à lente apparaît sous la forme d'un anneau. Le passage de l'été à l'hiver ne se produisant qu'une fois par an, un nouvel anneau apparaît tous les 12 mois. Tout comme chez les arbres, il suffit alors de les compter pour connaître l'âge d'un dinosaure à sa mort.

A l'heure actuelle, quelque part autour du globe- des déserts d'Argentine aux terres glaciales et désolées d'Alaska-, une nouvelle espèce de dinosaure est mise au jour chaque semaine en moyenne. Vous avez bien lu : un nouveau dinosaure est découvert chaque semaine ; soit près de 50 nouvelles espèces par année [...]

Prologue.

Je le répète car c'est important : les oiseaux sont des dinosaures. Je reconnais que c'est sans doute difficile à intégrer. Je rencontre souvent des gens qui essaient d'argumenter avec moi à ce propos : les oiseaux ont peut-être évolué à partir des dinosaures, me disent-ils, mais ils sont si différents de T. rex, de Brontosaurus et d'autres qu'on ne devrait pas les classer dans le même groupe. Ils sont si petits, couverts de plumes et capables de voler, pourquoi les considérer comme des dinosaures ? À première vue, l'argument paraît recevable. Mais voici le contre-exemple que je cite en général : les chauves-souris n'ont ni l'apparence ni le comportement des souris, des renards ou des éléphants, n'est-ce pas ? Et pourtant, personne ne conteste qu'elles sont également des mammifères. Les chauves-souris sont simplement un genre bizarre de mammifères qui a développé des ailes et la capacité de voler. Idem pour les oiseaux : ils sont simplement un genre bizarre de dinosaures qui a développé des ailes et la capacité de voler.

On a calculé la quantité de nourriture dont un T. rex adulte avait besoin pour survivre, sur la base des apports alimentaires de prédateurs actuels transposés à l'échelle d'un monstre comme il l'était. Ces estimations ont de quoi soulever le cœur. Si T. rex avait le métabolisme d'un reptile, il lui fallait entre 5 et 6 kilos de côtelettes de Triceratops par jour. Mais il est très probable qu'il lui en fallait beaucoup plus, car comme nous le verrons par la suite, les dinosaures étaient plus proches des oiseaux que des reptiles dans leur comportement et leur physiologie. Il se peut même qu'ils (ou du moins beaucoup d'entre eux) aient eu le sang chaud comme vous et moi. Si tel était le cas, alors Rex devait engloutir plus de 100 kilos de barbaque par jour. C'est-à-dire plusieurs dizaines de milliers de calories, voire des centaines de milliers, selon que le roi aimait son steak plutôt gras ou non. En d'autres termes, la quantité avalée quotidiennement par trois ou quatre grands lions mâles, qui, parmi les carnivores actuels, sont les plus insatiables et dont le métabolisme est le plus élevé.

T.rex est en quelque sorte le James Dean des dinosaures : il vivait vite et mourrait jeune.

Je vais d’ailleurs vous révéler un secret bien gardé des paléontologues. La plupart des valeurs fabuleuses indiquées dans les livres et les musées, du genre le brontosaure pesait cent tonnes et était plus gros qu’un avion, sont bidons. Disons qu’elles sont de l’ordre de la supposition éclairée et encore dans le meilleur des cas.

Utahraptor
« voleur de l’Utah »

Le théropode Utahraptor du crétacé inférieur ressemble à une créature sortie d’un mauvais rêve. C’était un dromæosauridé du même groupe de « raptors » vifs, intelligents et pourvus de griffes acérées que Deinonychus. Mais, tandis que ce dernier était un prédateur de taille modeste, Utahraptor était un géant : il était deux fois plus grand que son plus proche cousin, et il est le plus grand membre découvert de ce groupe proche des oiseaux.

Pour la chasse, Utahraptor disposait de l’arsenal classique du dromæosauridé : une longue griffe en faucille sur le deuxième orteil, des membres postérieurs fins, adaptés à la course, une queue rigide utilisée comme balancier, et des dents acérées pour démembrer ses proies. Cet énorme prédateur chassait de la même façon que Deinonychus, mais à une toute autre échelle. La seule évocation d’une meute de raptors de la taille d’Allosaurus glace d’effroi. Pourtant, il y a 125 millions d’années, c’était sans doute le quotidien des espèces herbivores côtoyant Utahraptor, comme les sauropodes brachiosauridés tel Cedarosaurus, les ornithopodes Planicoxa et les ankylosaures Gastonia.

Utahraptor a vécu plusieurs millions d’années avant Deinonychus, ce qui signifie que ces raptors ont terrorisé le monde crétacé de l’Amérique du Nord durant des dizaines de millions d’années. Les dromæosaures se sont remarquablement diversifiés à travers le monde et ont continué à dominer tous les écosystèmes, de l’Asie à l’Amérique du Sud jusqu’à la fin du crétacé.

Le gigantesque Utahraptor et le minuscule Microraptor de Chine comptent parmi les plus anciens dromæosauridés. Et pourtant, ils ne sont pas vraiment parents : Microraptor serait une forme très primitive et Utahraptor une espèce bien plus évoluée. Les scientifiques pensent que les dromæosaures étaient à l’origine très petits et n’auraient évolué en géants que par la suite.

Classification : Animalia > Chordata > Sauropsida > Archosauria > Dinosauria > Theropoda > Tetanurae > Coelurosauria > Dromaeosauridae.

Répartition des fossiles : Amérique du Nord.

Fiche signalétique

Habitat : Amérique du Nord (États-Unis)
Période : crétacé inférieur
Longueur : 6 à 7 m
Hauteur : 1,8 m
Poids : 700 à 850 kg
Prédateurs : aucun
Alimentation : dinosaures herbivores

Il y a autre chose que l’extinction des dinosaures nous rappelle plus cruellement, une leçon plus importante encore. Ce qui s’est produit à la fin du Crétacé montre que même les animaux les plus dominants peuvent s’éteindre, et de la façon la plus soudaine qui soit.

Le crétacé est l’âge d’or des dinosaures. Jamais dans leur histoire ils n’avaient été aussi diversifiés, abondants et dominants. Comme c’est aujourd’hui le cas des humains, au cours du crétacé, les dinosaures se disséminent dans le monde entier. Ces gigantesques créatures foulent alors toutes les régions – des fossiles ont même été retrouvés dans les montagnes polaires de l’Alaska et les glaciers de l’Antarctique. Les premiers mammifères apparus au trias supérieur continuent d’évoluer en se diversifiant faiblement. C’est aussi le cas des oiseaux, ces reptiles descendants des dinosaures. Mais le crétacé est avant tout acquis aux dinosaures.

La mort des dinosaures.

Ce jour resterait comme le plus terrible de l'histoire de notre planète.
Quelques heures d'une violence inouïe qui allaient effacer 150 millions d'années d'évolution et engager la vie sur un autre chemin.