Citations de Sylvain Trudel (56)
[Cette chaise] avait été sculptée dans le bois de son arbre généalogique. C’est sur cette chaise que… qu’il est monté pour se pendre…
Comme pour l'histoire de l'oeuf et de la poule, on sait pas si c'est l'hystérie ou la psychothérapeute qui est apparue en premier sur la terre.
Céline était encadrée comme une nature morte dans la porte du salon et elle continuait à ne rien dire pour ne pas me défendre et ça m'a rendu sourd de rage, parce que ç'aurait été facile pour elle d'être quelqu'un pour moi en cette seconde-là, en ce moment de mort où j'étais seul comme un chien dans l'univers, sauf le respect à Pipo.
Je finirai par trouver celui que j'étais quelque part en secret, car j'existais ailleurs, depuis longtemps... Je m'attendrai moi-même, assis sous un arbre, comme une mémoire qui m'aurait devancé sur le chemin des jours. (Télérama 25 septembre 2002)
Et je frémissais au pied de la Vierge dorée qui régnait sur la nef du haut de sa pitié froide, certain que Dieu vivrait toujours malgré tout, que rien ne pourrait jamais le tuer de chagrin, pas même la tristesse et le désespoir des malheureux, pas même la souffrance des malades et des innocents.
Un jour, des années plus tard, je comprendrais que le malheur de l'homme est d'être à la fois la galère et le galérien.
L'âme serait toujours l'âme, et cette idée me décourageait. On serait toujours soi-même dans l'éternité, cette solitude serait un esclavage perpétuel, et j'essayais de fuir ces sensations terrifiantes que m'inspiraient le corps et l'âme.
«Judas a osé vendre Jésus pour trente deniers. C'est scandaleux! Le Christ valait plus que ça. Moi, j'en aurais demandé cent pièces d'argent.»
Ce soir-là, avant de nous quitter, mon parrain m'entraîna de nouveau dans ma chambre pour m'offrir son présent seul à seul, d'homme à homme. J'avais déjà reçu une bible, une montre, un dictionnaire... C'est alors que mon oncle Bernard fit un tour de passe-passe et sortit des pans de son veston un magazine pornographique qu'il posa sur mon oreiller.
«Oublie un peu la catéchèse et étudie les sciences naturelles.»
- Je comprends pas.
- Pas grave. De toute façon, personne ne sait rien de rien, mais il faut toujours envisager le pire, parce que, le pire, , c'est le propre de l'homme.
« On a beau hurler son désespoir jusqu’à s’en ouvrir les veines en public, on finit toujours par se poisser de la petite atmosphère salopée que chacun promène sur soi comme un manteau de silence et de réclusion. »
L’angoisse de la nuit proche me noue la gorge et j’aimerais me cramponner aux gens pour leur arracher des lambeaux d’amitié, mais c’est en toussant et en crachant que je vois les derniers fantômes disparaître au loin, mêlant leur ombre aux ombres des bonheurs insensés, bonheurs secrets et inconcevables qui sanctifient des hommes et des femmes, au hasard, comme la foi, mais qui abandonnent les damnés au bord des chemins.
Personne ne peut envahir la pensée parce que la pensée c'est l'exil et que chacun a l'exil qu'il désire. Habéké et moi, on s'était promis de visiter nos exils un beau jour.
Il faut comprendre que , quand on accumule les années dans sa tête, tout devient de plus en plus vrai, tellement vrai que bientôt l'invisible ne se voit plus et les royaumes s'effondrent. C'est alors qu'arrive l'adultère avec son hypocrisie. L'adultère, c'est l'ère adulte avec un passé d'enfant figé dans la roche. L'ère adulte annonce la fin des glaciers et la fin des mammouths. C'est l'hiver et le froid qui engourdissent tous les pouvoirs et c'est là que commence le début de la fin.
Habéké, en tant que noir de couleur, faisait jaser à cause du manque de préparation et l'étrangeté africaine. C'était la première fois qu'un Noir authentique nous apparaissait tel quel, hors téléviseur, et nous, les jeunes, on voulait toucher du doigt pour voir si c'était du pareil au même. On a bien vu que ce garçon avait une douce peau de chocolat, des cheveux de laine, des yeux plein de vie, un nez de boxeur, des dents comme les touches d'un piano et des jambes infinies reliées entre elles par des genoux tout en os. Il articulait le français mieux que nous et son nom était comique.
L'union de l'eau et du ciel était si parfaite que le ruban de l'horizon semblait avoir été rompu par un ciseau, comme un ruban coupé pour l'inauguration d'une ère neuve. Ça nous a donné une vague de courage et on s'est assis sur les rails du milieu du pont avec les jambes en balance dans le vide. En jouant les pendules, on sentait glisser le temps entre nos orteils.
Comme deux petits miroirs placés l'un devant l'autre, Habéké et moi on a réfléchi à l'infini.
Quand je suis perdu, j'aime bien penser à Gustave Désuet qui croit en l'existence, quelque part dans le monde, d'un phare à paupières pour guider les regards.
Tu accosteras sur une île en forme de joue et ce sera le bout de tes peines parce que c'est sur les joues que meurent les larmes.
Mes yeux fatigués voyaient Nathalie, dehors, dans la nuit, sous un lampadaire, qui prenait une douche sous le jet de lumière et se savonnait avec la lune.