"L'arbre du mal" de Tana French (@calmann.levy) est un roman fleuve, un polar qui trempe son intrigue dans le passé de ses personnages. Totalement haletant! #onlalu #instalivre #instabook #bookstagram #lecture #polar
Elle paraissait hébétée , comme si quelqu'un avait secoué son univers telle une boule à neige où rien ne se remettait en place...
Lucy allume une autre cigarette. J'adore la nicotine. Ça met les témoins à l'aise quand la situation se corse ; ça évite aux amis et à la famille de la victime de s'écrouler ; ça signifie qu'on peut rendre les suspects aussi agités qu'on veut et leur donner la possibilité de se calmer en un clin d'œil quand ça nous arrange. Les non-fumeurs sont plus compliqués : il faut trouver d'autres moyens de les manipuler . Si cela ne dépendait que de moi , toutes les personnes impliquées dans une enquête seraient à un paquet par jour.
Rory ressemble à un type dont la partie préférée , dans un jeu vidéo, est d'explorer le paysage et admirer le graphisme à la pointe de la technologie, plutôt que de descendre froidement tous les vilains.
J'ai déjà reçu deux messages.(...). " Bonjour beauté, j'aimerais beaucoup savoir ce qu'un aussi joli minois cache. Moi: spirituellement mûr, très créatif, grand voyageur ; les gens me disent toujours que je devrais écrire un roman sur ma vie. Ça t'intrigues ? "On en parle quand ? " Je reconnais la photo de profil ; quand j'étais en uniforme, j'ai arrêté ce type parce qu' il se tripotait dans un bus.
Elle [ la victime ] doit faire un mètre soixante -dix environ, mince, avec des talons aiguilles, un bronzage artificiel, une robe bleu cobalt moulante et un gros collier en imitation or. Son visage est couvert de mèches blondes, lissées et tellement laquées que même le meurtre n'est pas parvenu à les décoiffer. On dirait Barbie Macchabée.
Déclenchez le rire d'une femme et elle en arrive très vite aux confidences.
Ils sont mabouls ces Anglais, confie Mart à Cal. Ils ont plus de compassion pour les animaux que pour les êtres humains. Dans son pays, y a des mômes qui ne mangent pas à leur faim, les bombardements font exploser des civils au Moyen-Orient, mais lui ça ne lui fait ni chaud ni froid, par contre, l’idée qu’on tue ce blaireau, il en aurait chialé. Et il en était qu’à sa deuxième pinte.
Des éclats de rire fusent. Cal n'en cerne pas bien la teneur. Il y devine de la moquerie, mais ici, la moquerie est comme la pluie : soit présente, soit imminente, et il en exiyte au moins une dizaine de variantes, allant de l'enveloppante à brutale, avec des distinctions si subtiles qu'il faudrait des années pour les identifier toutes.
Je n'ai jamais pitié des gens que je croise au cours de mes enquêtes. La pitié vous valorise à vos propres yeux, vous pousse à vous surestimer. Mais ceux à qui vous la témoignez s'en moquent. Dès que vous commencez à ressentir ce que les victimes ont subi, vous perdez vos moyens. Vous devenez faible. Vous avez du mal à vous lever le matin parce que la perspective d'aller travailler vous révulse, ce qui n'est d'aucun secours pour personne. Je consacre mon temps et mon énergie à apporter des réponses ; pas des paroles de réconfort ou du chocolat chaud.
Si je devais cependant éprouver de la compassion, je la réserverais aux familles des victimes. Comme je venais de le dire à Richie, quatre-vingt-dix-neuf pour cent des victimes n'ont aucune raison de se plaindre : elles ont eu exactement ce qu'elles cherchaient. Les familles, elles, n'ont pas demandé à vivre l'enfer où elles se trouvent projetées. Je réfute le cliché selon lequel tout est de la faute de maman si le petit Jimmy est devenu un junkie et un dealer assez débile pour éventrer son fournisseur. Peut-être ne l'a-t-elle pas vraiment aidé à se réaliser. Et alors ? Mon enfance m'a laissé, moi aussi, face à des problèmes. Ai-je fini pour autant avec deux balles dans la nuque tirées par un caïd de la drogue ? J'ai vu un psy pendant deux ans, pour m'assurer que mes problèmes ne me submergeraient pas. Pendant ce temps, j'ai saisi le monde à bras-le-corps, parce que je suis adulte et que ma vie ne dépend que de moi. Si je me fais un jour défoncer la tronche, j'en porterai l'entière responsabilité. Et les miens, qui n'y seront pour rien, devront ramasser les morceaux.
Voilà pourquoi je me blinde devant les familles. Rien n'est plus destructeur que la compassion.
Toutes les trois s'esclaffèrent encore. Bon Dieu, ce que j'aimais ces nanas sur le point de sortir, peinturlurées, aussi allèchantes que des paquets cadeau! On avait envie de les enlacer toutes pour voir si l'une d'elles se laisserait faire. Mais je m'en moquais. La plus belle était pour moi depuis longtemps. J'avais le sentiment d'être Steve McQueen, de pouvoir, d'un claquement de doigts, enlever Rosie sur ma moto et l'emmener voler au-dessus des toits.