Citations de Taslima Nasreen (64)
Quelques mots
- Elles vendent quelque chose dans chaque maison.
- Qui ça, elles?
- Les femmes.
- Que vendent-elles?
- Leur liberté.
- Qu'est-ce que les acheteurs donnent en échange?
- Certains leur donnent à manger, d'autres un ou deux saris, d'autres le coït hebdomadaire habituel.
- Dans ce monde, rien ne vaut la liberté. La liberté ne saurait se vendre. Aux yeux de la loi humaine, il doit s'agir d'un commerce illégal.
- C'est un tel fardeau pour la société.
- Comment cela?
- S'il s'agit d'une femme, cette société ne reconnaît pas sa liberté comme légale.
- Et si elle est capable de se tenir droite et de marcher toute seule?
- Ca ne suffit pas.
- Et si elle ne compte que sur elle-même pour se nourrir, s'habiller et survivre? Si elle est capable de parler, de rire?
- Ca ne suffit pas, la coutume veut qu'on se moque de celles qui ne trouvent pas d'acquéreurs sur le marché.
- Qui a inventé cette coutume?
- Des hommes.
- Oh, bien, parfait! Les hommes savent tout des astuces et des règles du marché.
Elle nous mettait au lit,
nous chantait des berceuses,
elle préservait notre corps de la poussière,
notre esprit de la crasse,
elle nous aidait à garder la tête sur les épaules,
mais les gens la traitaient de sorcière noire
et nous aussi.
p 57
La lune ne savait sans doute pas
Qu'un être humain pouvait être aussi seul.
La lune a une cour aussi vaste que le ciel
Et des bandes de filles-nuages avec lesquelles jouer.
Mais moi, qui ai-je ?
(dans "Pleine lune")
Saint Paul cité par Caroline Fourest
« L’homme, lui, ne doit pas se couvrir la tête, parce qu’il est à l’image et à la gloire de Dieu : quant à la femme elle est à la gloire de l’homme. »
Saint Paul
L'ironie veut , dit-il, que toutes les religions n'aient qu'un but: la paix. Pourtant c'est au nom de la religion qu'il y a toujours eu tant d'agitation et de conflits, tant de sang versé, tant de victimes.
En mordant le fruit, Eve a fait de la terre un paradis.
Éve, si tu t'empares du fruit,
mords dedans à pleines dents.
p 85
Rêve domestique
A quoi ressembles-tu dans ton lit,
Au moment où tu t'endors
Ou au sortir d'un rêve ?
A quoi ressembles-tu au lever,
Quand tu vas dans la salle de bain
Te verser un verre d'eau de la cruche
Pour le boire ?
Je ne t'ai jamais vu dans un contexte domestique
Après que tu t'es rasé et baigné.
A quoi ressembles-tu
Quand tu chantonnes,
Quand tu retires ta chemise,
Quand une femme étale
La forêt de sa chevelure
Sur ton large torse
Et t'inonde de caresses ?
Quand, réveillé au plus noir de la nuit,
Tu te noies
Dans l'amour fou d'une femme
Comme la houle des vagues sur le fleuve ?
Je meurs d'envie de voir un jour
Comment le corps d'une femme
Frémit de joie sous ta main.
Pour une fois, je veux être une femme, entièrement femme !
Les intégristes musulmans m’ont attaquée, ont lancé des Fatwas contre moi, ont mis ma tête à prix et ont organisé de violentes manifestations, mais pas un seul n’a été puni. C’est moi qui suis punie….Moi j’ai perdu ma maison mon rêve, sans rien avoir à me reprocher. Je dois subir l’exil.
Mon pays , mon chez moi, ce sont les gens qui croient aux droits de l’homme, de la femme et à l’humanisme laïque.
Pourquoi m'écrirais-tu ?
Un homme heureux n'écrit jamais à personne !
(dans "Histoire de lettres ")
Dès l'âge de 6 ans, j'avais compris la très grande cruauté de ce monde dans lequel il n'est guère de plus grande misère que de vivre au féminin.
Puisque tu n'es plus là
pourquoi les sheulis devraient-ils refleurir ?
Quelle est l'utilité de leur parfum ?
Page 59 ( sheulis ou jasmins du soir)
A présent je reçois deux fois par jour la mort en visite. Nous nous donnons un baiser appuyé, nous nous asseyons côte à côte, notre conversation est des plus animées. Son corps est merveilleusement parfumé. Quand je lui raconte ma vie, le menton posé sur ses genoux... la rivière débordante, oùj'ai plongé mon adolescence, mes jeux – quand je lui raconte les parties de marelle, mes deux nattes battant au vent, mes courses éperdues derrière un cerf-volant, mes bains au clair de lune au bord de l'étang, quand je lui raconte les éclats de l'astre nocturne quej'attrapais en tendant la main vers l'eau, croyant y pendre un poisson argenté ..., je vois la rosée perler dans ses yeux,j'entends sa voix se nouer.
A présent, je reçois deux fois par jour la mort en visite. Tout en me caressant affectueusement les cheveux, le dos, elle m'a promis de revenir me voir, de ne plus me laisser seule dans le noir, de m'emmener chez elle, dans sa demeure étincelante, et de m'y garder.
Gigolo
Tu n'es qu'un gigolo.
Et moi, j'étais si heureuse
De t'entendre dire
Les mots d'un amoureux.
Lorsque tu arrivais,
Un ciel illuminé
Sautait dans ma chambre.
Les oiseaux perdus retrouvaient leurs nids,
Les arbres dépouillés leurs feuilles,
Les fleurs des jardins éteints renaissaient.
Lorsque les femmes remplies de rêves
Les perdent
C'est ainsi que cela se passe.
Puisque tu n'étais pas un amoureux,
Tu as fui après la fiesta,
Exactement comme le font
Les gigolos.
J'ai été aspiré dans ton égout
En croyant que c'était un océan.
Parce que lire des livres permet aux gens de changer, de penser par eux-mêmes, les mentalités peuvent évoluer. Les religieux peuvent ouvrir les yeux, et les misogynes, rejoindre la cause des femmes. Un livre est une arme redoutable qui peut faire changer les esprits. Ce que je ne peux pas faire avec des couteaux ou des pistolets.
Flammes
C'est mon mari, le dictionnaire dit qu'il est mon
Chef, seigneur et maître, etc., etc.
La société reconnaît en lui mon seul dieu.
Mon vieux mari gâteux a retenu à la perfection
Les règles qui prévalent à l'exercice de l'autorité.
Il lui tarde de traverser le pont de l'éternité
Pour entrer au royaume resplendissant du paradis,
Il a envie de toutes sortes de fruits,
De liqueurs aux couleurs éclatantes et de mets délicieux,
Il convoite
Les corps des vierges roses qu'il pourra mordiller,
Sucer et lécher tout à loisir.
(...)
Femmes, libérez-vous des morsures
de la peur pour vous tenir debout,
droites et fières,
non comme des lianes aggripées et dépendantes
mais comme de grand arbres
aux racines solides !
Une femme seule peut grandir,
se déployer et faire croître toute une forêt.
"Regardez, voilà une pute. / Le corps d'une pute est en tout point semblable /A celui d'un être humain. / Elle a le même genre de nez, d'yeux, de lèvres, / De mains et de doigts. / Elle marche comme un être humain, / S'habille, comme un être humain, / Sourit, pleure et parle de la même façon. / Pourtant, on ne la qualifie d'être humain. / On la traite de pute. / La pute est toujours une femme, jamais un homme..." (Voilà une pute)
En amour, l'âge ne compte pas
Ô jeune homme de soixante ans,
Tombe amoureux si tu veux.
En amour, l'âge ne compte pas.
(...)
Pour le bien de l'humanité, les lieux de culte devraient être transformés en hôpitaux, en orphelinats et en universités.
Je regarde par la fenêtre les quelques lumières dans la nuit. Lorsque l'avion a décollé, je contemple du ciel mon petit pays, si pauvre, surpeuplé de cent vingt millions d'habitants. Plus l'avion prend de l'altitude, plus il s'estompe, disparaît dans l'épaisseur des nuages. Je continue à regarder en espérant que les nuages vont s'écarter. Mais non, l'avion implacablement continue son ascension et mon pays devient tout à fait invisible. Mon cher pays. Je sursaute en m'entendant soupirer. De soulagement ? D'aise ? Parce que je retrouve la vie ? Ou de douleur ? D'incertitude ? Parce que je suis en train de la perdre ?