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3.63/5 (sur 24 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1980
Biographie :

Thierry Decottignies est écrivain et traducteur.

On lui doit notamment la traduction des œuvres de Ben Marcus et Tom McCarthy.

"La Fiction Ouest" (2019) est son premier roman.

Il vit à Berlin.

Source : Data bnf
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En ce début d'année sont parues les traductions de Caisse 19 de Claire-Louise Bennett et Assemblage de Natasha Brown, deux autrices britanniques dont les romans se sont imposés outre-Manche comme des révélations. Il s'agit là de deux livres singuliers, à l'écriture puissante, déployant chacun une grande originalité formelle et narrative. C'est aussi l'acuité de leur regard qui autorise le rapprochement, quant à ce que ces textes disent de l'expérience d'être une femme dans un monde patriarcal – et une femme noire dans le cas d'Assemblage – et quant à la relation de leurs narratrices au monde du travail. Caisse 19 et Assemblage peuvent en outre être lus comme les récits d'une révolution personnelle, laquelle en passe par la littérature. Claire-Louise Bennett est une écrivaine britannique, elle vit en Irlande depuis une vingtaine d'années. En l'espace de deux livres, L'Étang (trad. Thierry Decottignies, L'Olivier, 2018) et Caisse 19, elle est devenue l'une des figures de proue de la nouvelle littérature outre-Manche, au même titre que Sally Rooney ou Nicole Flattery, entre autres. Natasha Brown a suivi des études de mathématiques à Cambridge University, puis travaillé une dizaine d'années dans le secteur bancaire. Son premier roman, Assemblage, a été encensé par la critique et les libraires du Royaume-Uni, et traduit dans le monde entier. Elle est considérée comme l'un des grands espoirs des lettres britanniques. Retrouvez notre dossier "Effractions 2023" sur notre webmagazine Balises : https://balises.bpi.fr/dossier/effractions-2023/ Retrouvez toute la programmation du festival sur le site d'Effractions : https://effractions.bpi.fr/ Suivre la bibliothèque : SITE http://www.bpi.fr/bpi BALISES http://balises.bpi.fr FACEBOOK https://www.facebook.com/bpi.pompidou TWITTER https://twitter.com/bpi_pompidou

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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
On trouva Esse un jour pendu à sa ceinture dans la petite pièce qui nous servait de chiottes dans la baraque mais pas mort. Il s’était pendu ivre assis par terre accroché à un clou au-dessus de sa tête, et il s’était endormi ou évanoui comme ça. Il garda la marque pas mal de temps autour du cou à cause de l’invisibilité. Je veux dire qu’il s’était pendu à cause de l’habitude qu’il avait de croire que personne ne le voyait quand en réalité on le voyait parfaitement et ça le rendait mélancolique et silencieux. Pour tout dire je m’ennuyais sec avec lui dans le travail car il était mon collègue dans les maisons d’hôtes près des nids de frelons. Mais le parc lui fit du bien finalement dans un sens, et dans un sens seulement, dans le sens qu’il devint plus opaque malgré la transparence qui nous gagna tous peu à peu.
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J’ai parlé des gens un peu transparents et paumés que j’avais vus le premier matin en traversant le parc avec Percien, les hommes et femmes à l’air absent qui zonaient sans croiser les regards et rien faire de particulier, avec des chicots dans la bouche et maigres souvent, et lents dans les mouvements à cause d’être abîmés. C’était les flous du parc. On les appelait comme ça, mes camarades les appelaient comme ça. Ça venait je crois de l’impression qu’ils donnaient pareils à des spectres glissant sur l’opacité du monde. Les permanents les ignoraient la plupart du temps. En bas s’ils avaient des sales gueules ce n’était encore rien en comparaison des gueules qu’ils avaient en haut sur le plateau de l’exercice. Ils étaient pires là-haut, près des baraques qui étaient leurs maisons, avec des pieds qu’on aurait pu croire décollés du sol dans leur chétivité et alanguis souvent dans la craie et très gris avec la crasse. On ne s’en occupait pas, les camarades étaient habitués et je fis pareil. Je finis par ne plus trop les voir sauf quand ils gênaient dans l’exercice, s’étant couchés en plein milieu d’un trajet par exemple, et alors il fallait se lever et les pousser, les faire s’en aller. Quand ils ne réagissaient pas il fallait les porter, lourds comme des pierres, les éloigner et puis se recoucher pour ramper. Plus tard il me sembla que certains d’entre eux faisaient semblant dans l’épuisement mais je n’en eus jamais la certitude. Il y avait des degrés, des hommes et des femmes plus démolis que d’autres. De temps en temps des policiers d’en bas montaient et circulaient parmi ces égarés et ils en choisissaient une dizaine qu’ils emmenaient avec eux en les poussant doucement dans la pente. Je ne sus qu’un peu plus tard quel était leur destin, pourquoi on les enlevait ainsi à leur tranquillité de moribonds, pourquoi aussi ils prenaient les plus ingambes.
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On se cravachait. Les choses sont un peu floues. On avait bu de la vodka après le travail, après le repas du soir, dans la chambre, et quelqu’un avait sorti une longue baguette de cuir, peut-être moi. On s’était mis à se fouetter, à se battre, à tour de rôle victime entre les lits en continuant à boire de la vodka en se passant la baguette. Je parle des garçons seulement, nous étions dans la chambre des garçons. Les cris devaient s’entendre dans tout le parc, réveiller les chats, les chevaux, les familles, tous les policiers, les camarades. Les filles étaient dans leur chambre et elles ne se cravachaient probablement pas, elles étaient au lit avec un livre, ou autour d’un feu quelque part à siroter une bière et parler de leur vie de chez elles, d’avant le parc. Ou alors déjà elles dormaient. Il ne devait pas être si tard que ça mais l’exercice nous tuait. Le matin très tôt nous partions tous ensemble à la gymnastique et puis au travail chacun dans ses corvées de cueillette ou de nettoyage, de maçonnerie, de cuisine, puis à l’exercice.
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Le temps n'était plus que le récipient où nous étions broyés vifs.
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Il faut écouter la bande car c'est elle qui est le destin de Ouest, le destin de tous. Elle est le livre de la vie de Ouest. Il faut la lire. Il faut lire le livre qu'est la bande : concrètement, comme on lit quelque chose qui est là, car elle est là. Les choses ne sont pas autre chose que ce qu'elles sont. Il faut voir leur être qui est là.
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Ça faisait des semaines que j’arrêtais pas, alors c’est pas étonnant : au bout d’un moment c’est la surchauffe, les nerfs flambent, et l’angoisse, un matin, une angoisse comme un coup de couteau dans le ventre, m’a décomposé.
J’étais seul à la maison. Thomas était sorti, Matteo aussi, Seth était là : il ne sortait jamais, il n’était pas sorti depuis 1996, et c’était loin déjà, 1996, pour nous qui étions jeunes. Il restait dans sa chambre, celle qu’on partageait lui et moi, dans son trou. Il n’avait pas besoin de beaucoup d’espace, il ne bougeait pas, ou à peine. Il ne pouvait pas. La seule chose qu’il faisait c’était enlever les vêtements qu’on lui mettait, il ne supportait pas d’avoir quoi que ce soit sur le dos. Ça lui prenait des heures.
On lui apportait à manger, on lui changeait ses draps parfois quand ils étaient trempés et que son corps nu tremblait au matin. On ne le lavait plus beaucoup. Je n’ai pas la date de sa dernière douche : années quatre-vingt-dix aussi. Après ça, l’éponge et la bassine d’eau chaude de temps en temps. Un coup Thomas, un coup Matteo, un coup moi. Mais tellement espacées dans le temps, ces toilettes, que souvent on ne savait plus bien à qui c’était le tour. Alors on se disputait, et Seth restait dans sa crasse un peu plus longtemps. Il ne disait rien de toute façon. Il n’avait pas parlé depuis 1995, depuis le jour de l’accident qui l’avait fait comme il était : avachi, muet, plein de cris qui vous bouffaient la vie. Il criait de faim, il criait de soif, il criait d’ennui et de merde. Mais quand on le sortait c’était pas possible.
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Un couvre-feu avait été instauré, mais les gens sortaient quand même pour crier et caillasser comme ils pouvaient. Matteo y allait, moi je restais à la maison, je ne sortais plus beaucoup. J’avais pris l’habitude de boire pas mal et c’est ce que je faisais. Je restais à la maison et je buvais, doucement, toute la journée, tranquillement, je fabriquais des fumigènes pour que Matteo enfume la police et parfois, comme aujourd’hui, je passais à la caisse.
Dans la glace j’ai remarqué pour la première fois ma ressemblance avec nos parents, ou plutôt : avec le souvenir que j’avais d’eux. Pour la première fois aussi j’ai remarqué combien Thomas, Matteo et Seth leur ressemblaient aussi, et combien nous nous ressemblions les uns aux autres, comme les variations d’une même personne. Ça les contaminait, nos parents, comme cela arrive : notre ressemblance les contaminait. Dans ma tête ils finissaient également par se ressembler l’un à l’autre, comme frère et sœur, dans la distance.
J’aurais voulu pouvoir réduire cette distance et les séparer à nouveau, mais Thomas, qui était le chef de famille à présent, avait décroché toutes les photographies un peu après leur mort. Il n’y avait plus aucune image dans la maison, pas même de nous, qui restions. Il faut oublier, nous avait-il dit.
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J’ai pensé à Matteo si pressé, et j’ai écouté un moment à la fenêtre si ça pétait mais la rue était vide, les flics étaient partis, tous les gens. Il restait un bordel de poubelles renversées à moitié brûlées dans une atmosphère de dimanche ou d’août, et un homme dans un imper crasseux a tourné sa laideur barbue vers moi un instant, me regardant le regarder. Un instant qui s’étirait : comme s’il voulait me dire quelque chose mais ne trouvait plus quoi, ou comme s’il attendait que je le rejoigne, peut-être, pour trier avec lui les tas d’ordures. J’ai pensé à mon rêve de la nuit avant l’affolement cardiaque dans lequel je m’étais réveillé : je l’avais déjà vu quelque part, ce type, sans doute traînant dans le quartier avec ses sacs plastiques, son allure de détective des poubelles. Un homme démoli, chu, peut-être jeune, c’était impossible à dire. Il a continué à ramasser ses trucs un moment et il a disparu à l’angle de la rue.
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Thomas était là, il m’aidait. Il grattait lui aussi, avec son arme de service tout d’abord, cassant de petits monts de croûte immonde, creusant, puis il a pris le petit objet plat dont il se servait, l’hiver, pour racler le givre de son pare-brise. On n’y voit rien, répétait-il. On n’y voit rien. Ses yeux étaient ceux d’un fou.
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tout l'hiver, ils vivent comme plongés dans un rêve, ai-je entendu dire une voix, et ils tuent les hommes. ils les tuent et ils les mangent en pleurant. ils n'ont pas de langue.ix
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