Citations de Thomas John (19)
Je sais qu’un habitant de cette ville vient d’entrer en possession d’une véritable fortune. Des milliers d’écus. (Ses yeux brillaient). Il ne le mérite pas, soit dit en passant. Il doit avoir fort mauvaise conscience, aussi ai-je décidé de l’en soulager très prochainement. Je n’en suis pas à une action charitable près.
Sombre, merveilleux, riche et terrifiant, ce paysage hallucinant lui inspirait tout à la fois angoisse et fascination. Quand il reprit sa respiration, une terrible odeur s’imposa. Un remugle de pourriture si puissant qu’il imprégna son palais et le saisit à la gorge. Les ordures s’amoncelaient dans la rue devant lui, jonchant au hasard les pavés comme les caniveaux. A cet instant précis, sa vision prit une toute autre nature, celle d’un royaume en putréfaction, un monde agonisant sur le point de disparaître.
Elle chercha au fond d'elle le sentiment de plénitude qu'elle avait ressenti sous l'eau. Puis elle toucha la pierre, et ele éprouva de nouveau la paix. Un calme souverain, doublé d'une volonté farouche. Le massacre de Pomawok lui revint en mémoire. Froide et implacable, la vengeance s'insinua dans son esprit. La Naïme se laissa gagner par ces sensations, jusqu'à sentir son cœur et son âme durcir, jusqu'à ne faire plus qu'un avec la pierre.
Alors elle ordonna.
Le feu ne connaît pas de maître !
Ryniver est une légende vivante au sein de la garde de Malazur. […] Aucune défaite. Un corps couvert de cicatrices comme le ciel d’étoiles. La vitesse du vent, la force de la tempête.
La vie est une farce. Les dieux eux-mêmes se moquent de nous. Ils nous appâtent avec leurs étoiles avant de balayer nos rêves d’un revers de la main. Ils nous offrent de l’amour pour mieux nous déchirer, ils nous prennent ce que nous avons de plus cher. Ils nous poussent sur la scène et ils rient de nos infortunes. Les dieux veulent que je tremble ? Eh bien, je leur jouerai un tout ! À coups de pirouettes et de pieds de nez, je rirai plus fort à leur barbe que le tonnerre rugissant dans le ciel.
[Morgan Mophus l’achimiste] Je parle trop. Si je commence à parler de nos voyages, je deviens intarissable. Un authentique moulin à parole, pire qu’une grand-mère avec ses petits-enfants. (Au bord des larmes, il éclata d’un rire suraigu et tonitruant qui fit ballotter ses joues flasques. Heureusement que le destin a décidé de me privé de descendance, sinon j’en traumatiserai des générations entière.
Elle se sentait de taille à se frotter aux seigneurs. Ils pouvaient bien, tous, la croire faible, elle s’en moquait, à présent. Cette faiblesse, elle allait en faire une force. Elle se conduirait en agneau pour mieux approcher ses proies, et, quand viendrait le temps de conclure, elle mordait en loup.
Tu vois, ce genre de faux-fuyant me hérisse. Je ne suis peut-être pas aussi fin stratège que vous, mais j’ai le nez assez creux pour savoir quand cela sent le roussi. Et là, l’odeur est tellement forte que j’en ai les poils de nez qui brûlent.
Kroll était furieux. Les miliciens lui inspiraient une haine viscérale. Il voyait un Kheren en chacun deux. Le même abus des privilèges, la même condescendance. La même perversité.
[Kroll à propos de Leen] Quelle grande gueule celle-là. Grande gueule et casse-burnes, et d’autant plus casse-burnes qu’elle a foutrement raison.
Loin derrière elle, les éléments figuraient un duel sombre et fabuleux. Depuis le nord, prêt à dévorer l’immensité azurée, de lourds nuages noirs avançaient inexorablement, charriant dans leur sillage un cortège d’éclairs silencieux. Les quelques rais de lumière qui tremblaient encore étaient peu à peu rongés par le néant.
Les jours me sont comptés, et j’ai eu une vie bien remplie, jeune chef de village. Garde tes menaces pour d’autres. Aujourd’hui, la vérité a plus d’importance pour moi que le temps qui me reste.
[Malazur, « Ministre de l’Intérieur » de la Cité noire, à Perceron] Aussi stupide que cela puisse paraître, tes péripéties à la forteresse de Tranche-Cime ont circulé partout dans Kan-Pang cette nuit. On parle du Veilleur d’Oustreval, l’homme qui a tenu tête aux Sourgne. L’homme qui est revenu de la citadelle hurlante. On parle d’un Veilleur prodigieux, si subtil qu’il feint la niaiserie à la perfection. Tu as déjà acquis une légitimité. Si j’étais amené à reconnaître que nous nous sommes laissés duper, ou si un autre Veilleur disparaissait si vite, toi en l’occurrence, l’opprobre affecterait Heaumenuit, ainsi que mes représentants.
Tu dois passer, Perceron. Il faut que tu passes ! songea-t-il en se grignotant l’ongle du pousse, lançant des œillades perdues autour de lui, comme si une idée lumineuse pouvait tout à coup surgir de quelque recoin d’ombre.
[Perceron à son fils Poulo] Les fées, mon garçon, il faudra t’en méfier. Elles sont aux forêts ce que les sirènes sont à l’océan. Elles courent les bois, nues, le corps couverts de peintures sauvages. Elles invitent le voyageur égaré à les suivre au plus profond de la sylve, et leurs manières ensorcellent les femmes comme les hommes. Gare aux voyageurs qui croisent leur chemin ! Ces fées-là n’ont pas d’ailes. Elles ne connaissent ni le bien ni le mal, seules les lois anciennes de la nature.
- Toute ma vie, je n’ai vécu que pour ce moment-là. C’est la seule occasion que j’aurai de toute mon existence pour devenir enfin quelqu’un.
- Devenir quelqu’un ? Qu’est-ce que cela signifie pour toi, Payot ? Plus de richesses, plus de pouvoir ? Plus ?
Le vide s’étendait sous lui, à perte de vue. Éclairée par Arakir, Kan-Pang se déployait dans toutes les directions, dédale immense de masures délabrés, d’échoppes, de bouges et de temples, flot déchaîné de bâtiments noirs, endigué par la muraille colossale qui veillait sur la sombre cité. En bas, les gardes n’étaient plus que des figurines et le pavé se noyait dans les ténèbres.
Rebâtie sur ses propres ruines après un séisme, un siècle auparavant, la ville exhibait encore çà et là quelques édifices ruines, comme autant de carcasses d’animaux gigantesques. De toute part, des creux et des bosses démesurées traçaient des vallons ou bien érigeaient des terrasses. Grouillant sur les pentes et les crêtes, d’innombrables monstres de pierre et de bois somnolaient, couverts d’yeux mi-clos luisant dans la nuit.