Un-su Kim

Du Paradis Dr Kwon m'a demandé :
« Ça va en ce moment ? »

« Très mal.
Qu'est-ce que vous voulez que je fasse sur cette île ? »

« Eh bien, on n'est pas toujours obligé de faire quelque chose.
Essayez simplement de supporter le temps qui vous est attribué.
Après tout, la vie n'est qu'un récipient pour garder un peu le temps durant un moment. »

« S'agit-il par hasard d'un problème du genre se sentir seule avec les autres ou se sentir incompris de tous ?
— Je me sens seule, plutôt.
— Comme si personne ne vous comprenait ?
— Non, au contraire.
— Au contraire ?
— En fait, nous ne nous comprenons que trop bien. Mais rien à faire. Autrement dit, "Je sais que vous êtes seul, vous devez être aussi seul que moi, mais qu'est-ce qu'on peut y faire ?" Voilà pourquoi nous sommes seuls. Quoique ça paraisse un peu tautologique... »

Ce genre de complexe doit toucher tous les employés de labos qui ne sont pas des chercheurs. Encore que les gens savent bien que ceux qui bossent dans les hôpitaux ne sont pas tous médecins, que ceux qui travaillent dans l'armée de l'air ne sont pas tous pilotes d'avion de chasse. Pour qu'un avion ne vole pas à l'envers ou qu'il ne s'écrabouille pas dans les sillons de champs sous les phares goguenards d'un tracteur, il faut que quelqu'un se soit chargé de ses grands pneus, ait nettoyé ici et là, ait serré les joins, mis de l'huile, ce genre de trucs. Il faut aussi quelqu'un pour brandir le drapeau sur le tarmac. Mettez ensemble un pilote et son avion, ils ne décolleront jamais tout seuls vers le bleu du ciel. Chacun doit comprendre qu'il faut des ouvriers pour assumer des tâches moins enviables, dans l'ombre, que c'est ainsi que notre monde fonctionne.

Les bas-fonds sont le plus capitalistes des marchés qui puisse être imaginé. Ici, on peut tout avoir, tout acheter pourvu qu'on ait une bourse bien remplie. Ici, pas de produits interdits, que ce soit par la justice ou par la morale. Ca ne collerait pas avec les principes capitalistes.

- Où l'as-tu trouvée ?
- dans les WC chez moi
-T'aurais pu y laisser tes fesses.
- Ce petit truc aurait pu m'arracher le cul ?
- C'est une question de pression par rapport à la cuvette.

- Moi, je n'ai jamais eu honte de moi. Même si mes frères et soeurs ont quitté cette ville pour cette raison, même si les gens de mon quartier, dans la rue, au marché, jasent dans mon dos, je n'ai jamais eu honte de moi. Parce que j'ai toujours fait de mon mieux avec les conditions qui m'étaient données.
- Tu es fière davoir vécu en vendant ton corps? raille Huisu.
- Que pouvais-je vendre d'autre pour nourrir mes frères et soeurs, à dix-sept ans? s'exclame Insuk.

Tu sais ce qu’on dit : on peut survivre après avoir avalé du poison, mais on ne peut pas survivre après avoir avalé le temps.

Faut toujours regarder la météo avant de prendre le large. Sinon on risque de se prendre une vilaine tempête.

- Réponds-moi franchement, tu continues à broyer des corps, n'est-ce pas ? - Mais non, ce genre de truc, ça arrive une fois tous les 3 ou 4 ans, répond Daeyeong d'un ton innocent. Balançant sa tête, Huisu n'en croit manifestement pas un mot. - Je ne mangerai plus un seul flétan jusqu'à la fin de mes jours. Qui va croire que votre activité principale est l'élevage, allons.

Nous autres qui n'avons rien, il nous reste ça, l'envie de niquer les autres. On se renverse devant l'ennemi en montrant le ventre, on s'accroche à sa jambe en pleurant, on lui lèche le trou du cul et au dernier moment on lui grimpe dessus et on le baise. Si tu n'as pas le goût de niquer ton voisin et que tu t'entêtes dans l'élégance, tes mains demeureront vides.

Huisu a connu pas mal d'hommes tels que lui, car la plupart des voyous sont ainsi. Plus leur tatouage de dragon est gros, plus leur aspect est terrifiant, plus ils sont faibles.

La faiblesse alliée à la gentillesse, c'est mortel. L'homme n'est pas mauvais par naissance, il le devient par faiblesse.

Tu sais ce qu'on dit : on peut survivre après avoir avalé du poison, mais on ne peut pas survivre après avoir avalé le temps.

Dans les restaurants où il va d'habitude, ils servent un tout autre riz, probablement acheté au rabais après avoir moisi trois ans au fond d'un entrepôt ou pendant trois tours du monde à fond de cale.

Mais pour ces gangs, Guam (quartier de Busan) est comme l'aile de poulet : appétissante de loin mais pauvre en chair et difficile à manger. Sous leurs airs d'abrutis, les voyous de Guam se révèlent de dangereux forcenés quand il s'agit de défendre leurs gamelles. Enfin, déclencher une guerre peut faire exploser les gangs les plus florissants en attirant sur eux l'attention de la police.

Mais ce qui l'inquiète davantage, c'est que ces derniers temps, malgré son statut de gérant le plus respecté de Guam, les informations ne lui arrivent plus. C'est très dangereux, pour un voyou, de ne plus avoir vent des rumeurs et des coups qui se trament.

"T'en connais un seul qui soit encore en vie parmi ceux qui ont débuté avec moi ? ils ont tous claqué, pas vrai ? Un coup de couteau, un coup de hache, une indigestion en taule. Et pourquoi à ton avis ? Je vais te dire, c'est à force de s'agiter sans cervelle. Dès qu'un truand va en se pavanant comme en paon, y a pas loin qu'il disparaisse. N'oublie jamais que la vie d'un voyou c'est une longue marche sur les œufs. faut tout le temps faire attention, comme si tu traversais un lac à peine gelé. En clair, si tu veux survivre dans ce monde, t'as pas d'autre choix que de vivre en douce, aplati comme une souris morte.

— Ça va, votre santé ?
— Pourquoi cette question ? Maintenant que tu m'as confié une tâche, tu as des doutes ?
— Je voulais juste savoir si vous vous portiez bien.
— Je ne me porte pas bien. Quand on est vieux, on a mal ici et là et ça tombe en panne de partout. C'est comme ça. Tu sais ce qu'on dit: on peut survivre apès avoir avalé du poison, mais on ne peut pas survivre après avoir avalé le temps.

... quand on picole, faut toujours baver cinq fois sur les autres et se vanter cinq fois pour soi, ça met en valeur l'alcool...

De retour en mer il reprenait son pénible labeur. Les jours où le capitaine ne détectait aucun banc, Huisu restait planté à la proue, le regard vide. Deux ans plus tard, rentré à Guam, Père Sohn lui a demandé dans un sourire :
- Il y a pas grand-chose non plus, au bout de la mer, n’est-ce pas ?
Et Huisu a répondu :
- Effectivement, pas tant.
Alors il a repris sa vie de voyou, où l’on frappe et m’on menace les gens, parfois, on plante un couteau dans un ventre inconnu.