Citations de Vincent Cespedes (92)
Pas d’enjeux pour la pensée humaine sans poids sentimental ; sans émotions, pas de raisons à la raison.
Les six piliers de la philosophie : « Découvrir méthodiquement, juger souverainement, méditer profondément, critiquer joyeusement, problématiser rationnellement, innover conceptuellement ».
Avec les pensées de tout le monde, penser comme personne. Si vous n’êtes plus vous, qui le sera à votre place ?
Restreindre les libertés, pour se croire plus libre. Nier les intelligences, pour se croire supérieur. S’octroyer des trophées, des scalps, des performances, pour flouter la mort.
Pas d’intelligence sans l’espoir d’une émancipation générale. C’est cet espoir que la philosophie doit fonder, attiser, établir, sans demander la permission.
Le « nudge » (persuasion-manipulation par les choix), la « captologie » (persuasion-manipulation par la technologie), les « dark patterns » (persuasion-manipulation par les interfaces), l’« astroturfing » (persuasion-manipulation par des campagnes en ligne déguisées en mouvements populaires), le design de la dépendance et la pubtréfaction des plateformes influençaient déjà les comportements.
Une bipède à menton, à pince pouce-index, aux sourcils expressifs, au blanc de l’œil ostensiblement visible permettant de suivre la direction du regard, qui peut rire, pleurer, avaler de travers, mais pas réaliser la biosynthèse de la vitamine C. Une homo sapiens, en somme !…
Accoucher de soi-même par la pensée, n’est-ce pas cela, philosopher ?
La méthode ABCD [...] : Arrogance, Buzz, Charlatanisme, Déni.
Si l’on entend par « intelligence » la production de nouveaux problèmes à résoudre pour intensifier et optimiser la liberté, la taquinerie en est sans conteste l’un des agents essentiels.
Nous sommes faits pour nous délecter de l’ambition expressive des autres ; pour nous inspirer de leurs prises de hauteurs face aux clashs, de leur intelligence héroïque.
Une intelligence qui nous dépasserait grâce à la technologie ferait que nous nous prosternerions devant elle, tremblants, humiliés, aliénés.
Ce que tu ne peux pas réfléchir, ne le considère pas comme ton miroir, mais comme les murs de ta prison.
Aucune vraie solution ne peut être « finale » : les vraie solutions se tournent toujours vers la vie. Et les solutions théoriques ne sont que des reconfigurations d’énigmes.
Vous ne rêvez pas de choses : vous rêvez d’émotions ; d’émotions en forme d’énigmes pour l’action. Mais comme vos émotions s’accompagnent toujours de lieux, de personnes et d’entités, des lieux, des personnes et des entités peuplent continuellement vos rêves.
Fou rire : long rire clair et irrépressible, comme un torrent ; flou rire : long rire trouble et inextinguible, comme une soif. [...] Le flou rire n’est plus ce qui arrive, mais ce que l’on pourchasse.
Séduire, cela commence par transcender le réel avec de la poésie, or nous nous arrimons trop au réel, nous avons peur d'y perdre pied. L'absurde et la fantaisie, les tortillements du sens et les titillements des sens, tous ces sortilèges nous pimentent bien le sang quand ils s'infiltrent en nous, mais nous ne parvenons pas à les déclencher naturellement. Nous restons trop "masculins" pour cela.
Aussi, l’ambitieux doit-il slalomer entre les mesquins ou placer entre eux et lui des icebergs d’indifférence s’il ne veut pas noyer son ambition brûlante dans leur jouissance de la glaciation. Comme d’autres ambitieux ont balisé la piste de fuite, il lui suffit de suivre la trace de ces aînés, de ces modèles
La responsabilité des aînés envers un jeune est énorme.
D'eux, en partie, dépendent son sentiment de sécurité et son sentiment d'exister, ingrédients indispensables pour que sa solitude ne soit pas le fardeau mais le cocon de l'avenir.
Idéalement, ils redoublent de vigilance pour capter ce qui l'influence, apporter des modérations à ses propos radicaux, de la loufoquerie à son excès de sérieux et de l'enthousiasme à ses essais timides.
Ils veillent à l'aguerrir sans fabriquer un guerrier au front bas, à l'éveiller sans fabriquer un insomniaque abruti de leçons.
C'est cette expérience de la lutte que les vieux doivent raconter aux jeunes.
Non pas leurs exploits d'anciens combattants mais leur certitude, façonnée par les ans, que la vie n'est pas de l'ordre de la vocation facile, du formulaire à remplir : elle est notre ambition la plus démesurée, notre chantier sans fin, notre œuvre en construction.