Citations de Yaa Gyasi (367)
Il y a un fort sur la côte du pays fanti, on l’appelle le fort du Cape Coast. C’est là qu’ils gardaient les esclaves avant de les expédier à Aburokyire: l’Amérique, la Jamaïque. Les marchands ashantis y amenaient leurs captifs. Des intermédiaires fantis, ewes ou gas les gardaient, puis les vendaient à des Anglais ou à des Hollandais ou à celui qui offrait le meilleur prix. Tout le monde était responsable. Nous l’étions tous..... Nous le sommes tous.
En prenant l'argent, Sonny s'était demandé: Que peut-il y avoir de pire que la mort? Et les événements autour de lui s'étaient chargés de lui donner la réponse. Quelques semaines plus tôt, la police de New York avait abattu un jeune Noir de quinze ans, un étudiant, pour pratiquement rien. La fusillade avait déclenché les émeutes, opposant de jeunes Noirs, des hommes et quelques femmes, aux forces de police. Aux informations, on en avait attribué la responsabilité aux Noirs de Harlem. A ces dingues, ces brutes, ces Noirs monstrueux, qui avaient le culot de demander qu'on ne tire pas sur leurs enfants en pleine rue. Ce jour-là Sonny avait dans sa main l'argent que lui avait donné sa mère en rentrant chez lui, espérant ne pas rencontrer des Blancs qui voudraient prouver quelque chose, car il savait dans sa chair, même s'il ne l'avait pas totalement enregistré dans son esprit, qu'en Amérique, le pire qui pouvait vous arriver était d'être Noir. Pire que mort, vous étiez un mort qui marche.
Le pardon était un acte qui intervenait après les faits, un avenir pour la mauvaise action à venir. Et si vous poussez les gens à porter leur regard vers l'avenir, ils ne voient pas le tort qui leur est fait dans le présent.
« Le sang.Il imaginait les prisonniers amenés dans les cachots par dizaines ou vingtaines, pieds et poings liés , en sang. Il n’était pas fait pour ça .Il était censé avoir une vie plus facile, loin de l'organisation de l’esclavage .
Il avait grandi parmi les Blancs à Cape Coast, avait été éduqué en Angleterre ..... »
Nous sommes tous faibles la plus grande partie du temps... Regarde le bébé. Né de sa mère, il apprend à manger par elle, comment marcher, parler, chasser, courir. Il n'invente pas de nouveaux chemins. Poursuit seulement celui des anciens. Nous venons tous au monde ainsi. Faibles, avides, prêts à tout pour apprendre à être une personne. p.176 et 177
Elle avait entendu les anglais les appeler "filles", pas épouses. "Épouse" était un mot réservé aux femmes blanches de l'autre côté de l'Atlantique. "Fille" était quelque chose de totalement différent, un mot que les soldats utilisaient pour garder les mains propres et ne pas avoir d'ennuis avec leur dieu, un être qui lui-même était composé de trois parties mais n'autorisait les hommes à n'épouser qu'une seule femme.
Tu veux savoir ce qu'est la faiblesse? C'est de traiter quelqu'un comme s'il t'appartenait.
"C'est ici qu'était l'église, dit le guide. Juste au-dessus des cachots. Vous pouviez faire le tour du niveau supérieur, entrer dans l'église, et tout ignorer de ce qui se passait en-dessous."
Ils descendirent. En bas. Dans le ventre de cette bête échouée. il n'y avait pas de fenêtres. Il n' y avait pas d'air.
"Ici, c'est l'un des cachots des femmes. Ils y entassaient jusqu'à deux cent cinquante femmes pendant environ trois mois. De là ils les faisaient sortir par cette porte". Au-dessus, il y avait une inscription. Porte du voyage sans retour.
"Cette porte mène à la plage, où les bateaux attendaient pour les emmener."
"Raconte-moi l'histoire de ma cicatrice ",dit-il. Elle soupira. "Comment puis-Je te raconter l'histoire de ta cicatrice sans te raconter d'abord celle de mes rêves? Et comment te parler de mes rêves sans te parler de ma famille? De notre famille?"
La voix de sa grand-mère était une des merveilles du monde. Elle suffisait à éveiller en lui tout l'espoir, l'amour et la foi qu'il ne posséderait jamais, unis pour faire battre son cœur plus vite et rendre ses paumes moites.
Il devait lâcher la main de son voisin pour essuyer ses mains, ses larmes.
"Aime-la",ordonna Cobbe,comme si aimer était un acte aussi simple que de prendre de la nourriture dans une assiette et la porter à sa bouche.
Le véritable problème était que je refusais de voir la question qui s'imposait pourtant à moi : le désir, la retenue. Bien que je n'aie jamais été dépendante d'une drogue, l'addiction et le sevrage avait conditionné ma vie, et je ne voulais pas leur consacrer même une seconde de plus de mon temps. Pourtant c'était bien de cela qu'il s'agissait. C'était ce que je voulais savoir. Un animal était-il capable de résister à la recherche de récompense, en particulier si un risque y était associé ? Une fois cette question résolue, tout rentrerait dans l'ordre.
Je ne crois pas que ce pays ait apporté à ma mère tout ce qu'elle espérait quand elle avait demandé à Dieu où elle devait aller pour offrir le monde à son fils. Bien qu'elle n'eût pas traversé de rivière à gué ou franchit à pied des montagnes, elle avait pourtant accompli ce qu'avant elle tant de pionniers avait fait, elle s'était lancée hardiment, plein de curiosité, dans l'inconnu, avec l'espoir de trouver quelque chose de simplement un peu meilleur. Et comme eux elle avait souffert et persévéré, à part égale.
Je suis trop vieux pour aller en Amérique. Trop vieux aussi pour la révolution. En outre, si nous allons étudier chez les Blancs, nous apprendrons seulement ce que les Blancs veulent que nous apprenions. Nous reviendrons pour construire le pays que les Blancs veulent que nous construisions. Un pays qui continuera à les servir. Nous ne serons jamais libres.
Tu veux savoir ce qu’est la faiblesse ? C’est de traiter quelqu’un comme s’il t’appartenait. La force est de savoir qu’il n’appartient qu’à lui-même.
Mais cette tension, cette idée que nous devons nécessairement choisir entre la science et la religion, est fausse. J’avais été accoutumée à voir le monde à travers l’objectif de Dieu, et quand cet objectif s’est obscurci, je me suis tournée vers la science. L’un et l’autre sont devenus pour moi des moyens valables d’y voir clair, mais en fin de compte, l’un et l’autre ont échoué à remplir totalement leur fonction : apporter la clarté, donner un sens.
– Le dieu de l'homme blanc est comme l'homme blanc. Il pense qu'il est le seul dieu, juste comme l'homme blanc pense qu'il est le seul homme. Mais la seule raison pour quoi il est dieu au lieu de Nyame ou Chukwu ou n'importe qui, c'est parce que nous le laissons faire. Nous ne le combattons pas. Nous ne le contestons même pas. L'homme blanc nous a dit que c'était comme ça, et nous avons dit oui, mais quand l'homme blanc nous a-t-il jamais dit qu'une chose était bonne pour nous et que cette chose était vraiment bonne ? Ils disent que tu es un sorcier africain, et alors ? Et alors ? Qui leur a dit ce qu'est un sorcier ?
La nuit où naquit Effia dans la chaleur moite du pays fanti, un feu embrasa la forêt jouxtant la concession de son père. Il progressa rapidement, creusant son chemin pendant des jours. Il se nourrissait d’air ; il dormait dans les grottes et se cachait dans les arbres ; il brûla, se propagea, insensible à la désolation qu’il laissait derrière lui, jusqu’à ce qu’il atteigne un village ashanti.
Mes souvenirs de lui, bien que rares, sont plutôt agréables, mais les souvenirs de gens que vous connaissez à peine sont souvent teintés d'une sorte de charme en leur absence. Ce sont ceux qui ne sont pas partis qu'on trouve moins plaisants, simplement parce ce que le seul fait qu'ils soient restés permet de les juger.
Je comprends que ce qui fait notre supériorité humaine – la curiosité, la créativité, l’audace – est aussi ce qui menace la vie de tout ce qui existe autour de nous. Parce que nous sommes cette espèce animale qui ose s’embarquer sur les mers, même si nous croyons que la Terre est plate et que nos bateaux peuvent passer par-dessus bord une fois sa limite atteinte, nous avons découvert des pays nouveaux, des peuples inconnus et la forme ronde de la Terre. Le coût de ces découvertes fut la destruction de ces nouveaux pays, de ces peuples inconnus. Sans nous, les mers ne deviendraient pas acides, les grenouilles, les abeilles, les chauves-souris et les coraux ne seraient pas condamnés à disparaître.