Yves Berger
Jacques CHANCEL s'entretient avec
Yves BERGER, écrivain et directeur littéraire d'une maison d'édition : son livre : "
Le Fou d'Amérique", sa
passion pour l'Amérique du Nord du siècle dernier, ses
voyages aux Etats-Unis, comment il a écrit ce livre. Enfant, était déjà intimidé par l'Amérique, son premier
voyage en 1963, le sentiment d'
espace qu'on ressent dans ce pays, le
massacre des...
Je voudrais qu'elle eût entendu, comme moi, ces rumeurs que font les villages le matin, le soir et cette autre rumeur que font, avec les souvenirs de l'enfance, les voix en nous quand nous savons que nous ne les entendrons plus, voix des morts.
[L'Indien] disait : "Je crois à un ras-le-bol de la Terre... Là encore, toute l'histoire de mon peuple est traversée par la conscience que la Terre, si patiente qu'elle soit, si calme sous le poids des profanations et provocations incessantes dont elle est l'objet depuis des milliers d'années, si héroïque sous le nombre des blessures qu'on lui inflige - et la dévastation ne cesse de s'aggraver - la Terre, dis-je, lasse d'être maltraitée, méprisée, exploitée, en a eu assez et qu'elle a provoqué la colère qui aboutit au désastre d'aujourd'hui. En commun avec les peuples, elle a une patience infinie, mais la révolution éclate un jour."
Elle avait un visage fait pour la paix et le bonheur qui, quand elle les éprouvait, l'éclairaient à la façon magique d'un fard.
Le Nouveau Monde est l’objet d’une agaçante dérive sémantique – certains diraient, plus agacés encore : d’un impérialisme sémantique. Le mot Amérique, d’apparence plus faible, à l’espace plus limité, couvre le continent, l’enserre et l’étouffe, à la façon d’un python, alors qu’il devrait désigner les seuls États-Unis (d’Amérique).
D'aucun pays au monde plus que les États-Unis d'Amérique ne montent des lumières mais aucun n'abrite plus d'ombres.
Je dois vous dire que rien ne me passionne plus que les commencements. Dans toute aventure, qu'elle soit individuelle ou collective, le plus important et aussi le plus beau, c'est le début. Après, tout se déglingue.
Si je pouvais, je recommencerais tout et tout le temps. Il m'est arrivé de penser - et aujourd'hui encore - que le Mal, je veux dire le principe de dégénérescence, s'est manifesté avec le Temps, à la seconde, au millième de seconde où le Temps s'est mis en branle.
Lors de ce voyage-là, ce jour là dans le silence et l'air chargé de l'odeur des pins et des cèdres, j'ai compris la supériorité du discours magique (ou religieux) sur le scientifique. La déesse est bien plus forte que la loi, sèche et morne. Les Navajos, comme les Indiens en général, ne se sont pas remis d'être obligés de passer d'une explication magique de l'univers à la scientifique. Ils adorent la création et font fi du créateur. Il tiennent pour outrecuidante la géomorphologie. Là où se dresse (ou s'étale) la beauté, de préférence l'absolue beauté, là est l'explication suffisante du monde.
où l'on arrive à travers un univers minéralisé qui est le coeur du silence, à ceci près que la voix porte à distances et qu'elle engendre un écho qui, se heurtant au cercle incorruptible des falaises, ne cesse de se répercuter, de rebondir, de sorte que j'ai cru, une fois en chair et en os dans la Vallée de la Mort, sans que sa légende eût cessé de m'occuper, que ma voix, là-bas au loin repoussée par la montagne, se brisait en une plainte...
Le propre de la merveille est le sentiment de jamais vu qu'elle donne à chaque vision d'elle.