La méthode Harari : exagération, raccourci, digression, auto-contradiction, absence de source
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Comme tout le monde, j'ai acheté ce livre sur sa bonne réputation, sans forcément regarder les commentaires moins optimistes. Après plusieurs jours d'une lecture laborieuse, le livre désormais lu, je ne peux que confirmer les avis négatifs : ce livre est une histoire majoritairement fictive et hautement subjective de l'Histoire, là où aurait attendu des argumentations solides, liées les unes autres autres, et sourcées.
Dès le premier chapitre, les premiers soupçons apparaissent : l'auteur défend des positions a priori nouvelles ou en tous cas assez audacieuses, sans forcément déployer des arguments forts ni citer de sources.
La suite du livre ne fait que confirmer la méthode Harari : nombreux avis personnels volontairement exagérés ou choquants, formulés sous formes de vérités péremptoires (ex : "De tous temps, les hommes ont été xénophobes...", "le nazisme est une religion humaniste"), nombreuses anecdotes et digressions qui font perdre le fil du récit, des exemples à l'appui de son argumentaire d'un niveau déplorable (Harry Potter, son paquet de céréales, etc.), position d'expert sur des sujets dont il ne connaît visiblement pas grand chose (la philosophie classique, l'économie, la biologie, la démarche scientifique, etc.), des contradictions au sein d'un même chapitre ou entre chapitres (ex : ch19 contredit toute la vision "heureuse" des sauvages du début).
Certains procédés tendent vers de la malhonnête intellectuelle ou la mauvaise foi : l'auteur ne retient que les arguments qui vont dans son sens, oubliant les autres. Il semble obsédé par la religion, qui apparaît à toutes les sauces et sur tout les sujets (oubliant soigneusement d'épargne le judaïsme). Il noircit le bilan de l'humanité sans arrêt (anti-humanisme), concluant que nous "n'avons pas produit jusqu'ici grand chose dont nous puissions être fiers"...
Certains chapitres sont à ce titre navrant de bêtises, proche d'une discussion de comptoir ou d'une mauvaise copie de BAC de philo : la révolution agricole, la religion, la révolution scientifique, le capitalisme, le consumérisme.
C'est d'autant plus dommage qu'il faut reconnaître à l'auteur l'art de se poser de bonnes questions (même si les réponses sont souvent hasardeuses). Lorsqu'il ne s'aventure pas en conjectures subjectives, certains passages sont vraiment intéressants (le génie génétique et le transhumanisme, le bonheur, etc.).
On en ressort malheureusement avec une vision encore plus floue de l'Histoire qu'avant, tant l'auteur a enchaîné mille idées différentes au cours des chapitres, sans fil rouge clairement présent, sans chronologie clairement suivie et affichée.
Rien n'étant sourcé, on ne sait pas, dans ce qu'on a lu, ce qui relève d'interprétations subjectives hasardeuses ou d'un consensus largement partagé par la communauté scientifique (vous trouverez dans les autres commentaires de nombreux exemples d'erreurs factuels ou d'interprétations erronées relevées dans le livre).
Quand je vois tous les commentaires positifs (y compris ceux de Barack Obama et Bill Gates), je me dis que notre système scolaire et éducatif a mal fait son travail, les lecteurs devraient mieux utiliser leur esprit critique (cf livre "cours d'autodéfence intellectuelle) plutôt que de "gober" passivement tout ce que M. Harari raconte.
Ce que j'ai aimé :
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- Au début, un peu d'humour, d'auto-dérisions et de salves ironiques (mais l'auteur finit par nous exaspérer par la suite)
- Une capacité indéniable à poser, souvent de bonnes questions et problématiques
- Quelques passages intéressants (mais encore une fois, je ne sais pas si ce que j'ai lu est faux ou non...)
Ce que j'ai moins aimé :
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- Des conclusions et opinions souvent tirées par les cheveux, amenées sans aucune argumentation solide et données sur un ton péremptoire. Pour un essai de ce type, c'est intolérable.
- De nombreuses positions affichées volontairement à contre-courant, pour choquer inutilement et créer le "bad buzz"
- Très peu de sources citées, surtout sur les passages les plus sujets à controverses
- Mauvaise foi dans les arguments et exemples retenus, ignorant toutes les théories et faits pouvant s'opposant à son interprétation
- Volonté manifeste d'enfoncer l'homme, de noircir son bilan, de ne pas reconnaître ne serait-ce qu'une partie de la grandeur de ses accomplissements (effectivement, il ne parle pas de l'art, de la poésie, de la philosophie, etc.). Le mot "raison" et "réflexivité" n'est jamais prononcé.
- D'incessantes digressions et anecdotes, nous éloignant du fil conducteur, déjà plus que difficile à identifier
- Une absence de "culture générale" classique, qui suffit à contrer 95% de ses interprétations sur divers sujets
- Un rythme pénible : l'auteur s'écoute parfois parler, étalant sa culture historique. Sans les digressions et discussions de comptoir, ce livre pourrait faire maximum 150 pages au lieu de 492.
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