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François Beauval [corriger]


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La Religieuse

Ce roman, l’un des plus célèbres de son auteur, a connu une genèse atypique. Diderot et Grimm souhaitaient faire revenir à Paris l’un de leurs amis, le marquis de Croismare. Comme ce dernier s’était beaucoup intéressé à l’histoire de Marguerite Delamarre, une jeune religieuse qui souhaitait être relevée de ses vœux, ils ont imaginé de lui écrire des lettres en provenance d’une jeune femme dans une situation proche, qui lui demandait son aide. Le fin marquis ne s’est pas laissé prendre, et les lettres se sont arrêtées. Mais Diderot a repris cette situation, et en a fait un roman. Ce dernier paraît entre 1780 et 1782 dans Les Correspondance littéraires, une sorte de revue pour quelques happy few, constitués essentiellement de souverains. C’était la seule possibilité de faire publier l’ouvrage, qui n’aurait jamais passé la censure. Le livre ne sera publié en volume qu’en 1796, après le Révolution et la mort de son auteur, et connaîtra un certain succès.



Le roman est à la première personne, Suzanne Simonin, la narratrice s’adresse à un certain marquis C… pour lui demander son aide. Pour l’intéresser à sa situation, elle lui fait le récit de sa vie. Le roman à proprement parlé est suivi d’un post-scriptum, dans lequel Suzanne met quelque peu en cause son texte, et enfin par une préface, dans laquelle l’auteur explique la supercherie originale à l’origine du roman (les lettres au marquis de Croismare).



La trame narrative du roman est connue. Suzanne est destinée par sa famille au couvent, alors que ses deux sœurs sont richement dotées pour se marier. Elle n’a aucune vocation religieuse, résiste et refuse une première fois de prononcer ses vœux. Revenue dans sa famille, elle subit de très fortes pressions, sa mère finit par lui avouer qu’elle née d’un adultère. Sa mère ne veux donc pas que la fortune de son mari lui revienne, et aimerait qu’elle puisse en quelque sorte lui permettre d’expier par la prière son péché. Suzanne finit par accepter plus ou moins son destin, prononce ses vœux dans un état second. Pendant quelques temps, la bienveillance et l’humanité de la mère supérieure de son couvent rendent son sort plus supportable, mais à la mort de sa protectrice, elle se retrouve en butte à l’hostilité de la nouvelle supérieure, et décide de demander l’annulation de ses vœux. Elle est alors persécutée de toutes les manières possibles dans le couvent. Elle perd son procès, mais obtient de changer de lieu de réclusion. A Saint-Eutrope elle devient une sorte de favorite de la mère supérieure, mais cette dernière éprouve pour elle une attirance sexuelle et la poursuit de ses assiduités. Suzanne s’y refuse, et la supérieure sombre dans la folie. Suzanne s’échappe du couvent, mais sa situation est des plus précaires et elle écrit donc au marquis, en espérant une aide dans une situation sans issue, où elle peut être reprise à n’importe quel moment.



Il s’agit d’un roman philosophique et pathétique, qui dénonce une situation inhumaine et lutte pour l’émancipation. C’est une critique des couvents, qui sont présentés comme des institutions qui coupent l’être humain de la société et prohibent la sexualité, les deux étant présentés comme contre nature. Le roman montre ce que devient une personne placée dans cette situation et joue sur le pathétique, sur l’émotion. Suzanne est traitée d’une manière très cruelle, elle subit des sévices physiques, une pression morale. Il s’agit de toucher le lecteur, en présentant des tableaux d’une suite d’horreurs sans fin.



Mais le livre comporte une indéniable composante érotique : Suzanne est vue comme séduisante, attirante, elle est souvent décrite comme telle par des tierces personnes. Certaines des scènes à Saint-Eutrope sont très suggestives, les scènes mêmes des sévices qu’elle subit peuvent avoir un aspect d’exhibitionniste. Diderot interroge d’ailleurs la nature de la confession de Suzanne : s’agit-il de toucher le destinataire de la lettre par le récit pathétique et faire appel à la vertu, la probité, ou aussi séduire, éveiller un intérêt qui ne serait pas uniquement charitable ?. De même Diderot interroge l’intérêt du lecteur : s’émeut-t-il au récit de malheurs terribles, d’une personne innocente et naïve, ou prend-t-il aussi un certain plaisir à assister à des scènes qui mettent en présentent une jolie jeune personne, dans des situations dont certaines sont pour le moins équivoques ?. Enfin la préface (placée tout à la fin du récit) met un second degré, une ironie dans le texte : il s’agissait à la base d’une supercherie, d’une tentative de mystification.



C’est donc un texte complexe, qui peut permettre des lectures et des interprétations très différentes, selon les lecteurs et l’angle privilégié.
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Madame Bovary

Livre lu lorsque j’étais lycéenne et qui ne m’a pas laissé un bon souvenir. Je me souviens avoir ressenti de l’ennuie à travers cette lecture et malgré une plume magnifique, je n’ai pas su être convaincue par ce roman. Je salue cependant l’écriture de Flaubert et je pense que c’est un roman à lire avec une certaine expérience de vie afin d’en comprendre toutes les subtilités.
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Les 120 journées de Sodome

“C'est maintenant, ami lecteur, qu'il faut disposer ton cœur et ton esprit au récit le plus impur qui ait jamais été fait depuis que le monde existe, le pareil livre ne se rencontrant ni chez les anciens ni chez les modernes. »

Cela ressemble à une excuse très bon marché (comme lire Playboy pour les interviews), mais j'ai lu ceci principalement par intérêt historique (et d'accord, peut-être un peu de curiosité aussi). Je vais juste le dire clairement : c'est dégoûtant, mais vraiment dégoûtant, extrêmement dégoûtant, d'une manière que vous pouvez à peine imaginer. Et ce ne sont pas seulement les escapades sexuelles inimaginables que décrit de Sade, mais surtout la violence toujours croissante et la manière écœurante avec laquelle d'autres personnes (surtout les femmes et les enfants) sont dégradées au rang de simples objets.



Pour être honnête : j'ai principalement lu la préparation du livre et la plupart des histoires du premier cycle (la première des 4), et même alors, petit à petit, j'ai commencé à lire en diagonale, en sautant les pires passages. Au début, je n'en avais pas le courage (certaines scènes donnent vraiment la nausée), et puis au bout d'un moment, les interminables descriptions des excès commençaient vraiment à devenir lassantes. Cela aussi dit quelque chose. De plus, selon de Sade, ce premier cycle ne contient qu'une description des « passions simples ». À partir des aperçus schématiques des trois cycles suivants (qu'il n'a pas écrit, Dieu merci), on peut conclure qu'après ce premier cycle « simple », il ne fait qu'aller crescendo dans d'horribles tortures, jusqu'aux mutilations les plus bestiales et même des meurtres.



Curieusement, tout cela est présenté par de Sade comme une sorte d’expérience scientifique. L’essentiel du livre est que 4 amis (des hommes riches et puissants) s'isolent dans un château suisse, avec une trentaine de victimes, et se livrent pendant 4 mois à une série interminable d'actes sexuels et violents, et ce faisant, méticuleusement enregistrant et partageant toutes leurs émotions et expériences. Régulièrement, ils débattent, par exemple, de ce qui procure le plus grand plaisir (l'acte ou le désir) et de ses implications morales (ou plutôt de son absence), presque comme dans un dialogue platonicien.



Donc, même au milieu de ces excès, on peut parfois trouver des choses intéressantes, je veux dire sur le plan philosophique (imaginez !). Par exemple, ils concluent que leur bonheur vient du fait que les autres (leurs victimes) ne peuvent pas jouir de ce qu’ils peuvent, en d’autres termes : l’inégalité et la domination sont des biens fondamentaux. Ou que le bien et le mal sont complètement arbitraires, et que donc tout est permis. Les attaques féroces contre l'Église et contre la religion en général sont frappantes, mais pas inattendues : seule la Nature (avec un majuscule) compte, car, en rendant possibles les actes les plus terribles, rien (et certainement pas Dieu) ne s'oppose à leur réalisation. D’est pourquoi tout mal est justifié. C’est à celle « philosophie naturelle » libertine à laquelle de Sade revient sans cesse.



L’un des points qui m’intéressait était de savoir dans quelle mesure de Sade peut être considéré comme un représentant des Lumières du XVIIIe siècle, une question épineuse. D’accord, il faisait partie de la noblesse, et donc profondément enraciné dans « l’Ancien Régime », mais d’autres philosophes des Lumières l’étaient aussi. Et d’accord, son attention n’était certainement pas sur la raison supérieure, mais au contraire sur le côté obscur de l’espèce humaine. Mais quand-même, son approche dégage la vision rationaliste-mécaniste si typique des « philosophes » français de cette période. Il suffit de regarder avec quelle minutie les quatre « maîtres » accomplissent leurs actes brutaux, dans un ordre systématique et prémédité, et en rendent compte et en discutent. D’une certaine manière, on peut sûrement dire que de Sade expose le côté obscur du rationalisme éclairé, menant finalement à l’Holocauste (je ne dis rien de nouveau ici).



Naturellement, on se demande : mais quelle était la motivation personnelle de de Sade pour écrire tout cela, et surtout pourquoi d’une manière aussi explicite ? Je sais : des bibliothèques ont déjà écrit à ce sujet. Et les points de vue vont de « de Sade avait juste un esprit malade et perverté » à « il voulait fournir un aperçu de la fosse bouillonnante et puante qui se cache à l’intérieur de chacun de nous, mais que nous gardons habituellement cachée ». Je suppose que tous ces points de vue sont valables. J’ai ainsi définitivement compris pourquoi la figure de de Sade et ses écrits continuent de fasciner, même après plus de deux siècles. Mais si vous voulez mon conseil (totalement sans attaches) : faites attention, si vous voulez lire ceci, sachez dans quoi vous vous embarquez.



Annexe : J'ai maintenant aussi lu ‘Justine ou Les Malheurs de la vertu’ (la version retravaillée de 1797), et je dois dire que c'est à un niveau littéraire bien supérieur (ok, ça a l’air très "je lis Playboy pour les interviews"), il est moins explicite, et contient un peu moins de violence, même s'il reste très grossier et particulièrement désobligeant envers l'espèce féminine. Mais surtout il contient beaucoup plus de passages philosophes sur les aspects (im)moraux du comportement libertin, et en ce sens il est bien plus intéressant.
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