L'auteur revient sur ses premières années d'enseignement en collège de zone difficile et nous expose toute la solitude et toutes les difficultés qu'un jeune professeur doit affronter lorsqu'il débute. Il analyse les effets calamiteux d'une institution qui se refuse à voir que certains établissements en France sont devenus des zones de "non-droit", où la violence est la seule forme d'expression connue et acceptée par les élèves. Il est certain qu'un gouffre d'incompréhension sépare les tous jeunes diplômés de ces jeunes adolescents qui vivent le plus souvent dans conditions plus que défavorisées.
Alors que l'on demande aux jeunes enseignants de "tenir leurs classes", on pourrait rétorquer que l'administration de son côté les "lâche" totalement une fois qu'ils se retrouvent face à leurs élèves. Pas de vagues, pas de bruit... La réputation de l'établissement passe toujours avant celle de l'enseignant. Ce dernier met d'ailleurs en jeu plus que sa réputation puisqu'il en va de sa santé mentale et physique lorsqu'il faut subir quotidiennement moqueries, chahut, humiliations, insultes et agressions physiques dans le pire des cas.
Les problèmes d'ethnies sont bien évidemment à prendre en compte dans ces établissements situés dans des ghettos où la majeure partie de la population est d'origine étrangère. Beaucoup d'élèves se sentent en marge de la société de part la culture de leurs parents et l'école, pour certains, ne vient qu'appuyer sur leur différence lorsque langue et culture se frottent au carcan des programmes scolaires.
L'inertie des politiques est également soulignée. Coupés de la réalité de la situation, où plutôt ne cherchant pas à la connaître, les hommes politiques qui se succèdent ne peuvent évidemment pas trouver les bonnes solutions.
Heureusement, l'auteur termine sur des pensées positives, sur ce qui l'a sauvé comme il dit, comme l'écriture. Et puis, il reste du plaisir dans la pratique de l'enseignement : se confronter à des populations que l'on n'aurait jamais côtoyées en faisant un autre métier, se frotter à la spontanéité et à la joie de ces adolescents qui restent totalement "nature" ; et enfin, sans doute le plaisir ultime, découvrir parmi eux de réels talents pour une discipline et contribuer à la mettre en valeur - à mettre en valeur l'élève.
Il reste une évidence à la lecture de ce récit : être professeur n'est pas donné à tout le monde. L'obtention du CAPES ne donne pas les clés du métier et même après avoir travaillé longuement et durement pour l'obtenir, certains peuvent tout abandonner lorsqu'ils découvrent la réalité du terrain (c'est compréhensible !). Il reste peut-être l'expérience des années et sûrement, malgré les difficultés qui se multiplient, une réelle volonté de jouer un rôle -même minime - auprès de ces élèves, avec certainement une certaine forme d'attachement. Parler de "vocation" pour pratiquer ce métier peut paraître désuet, mais c'est pour moi ce terme qui résume le mieux le travail fait tous les jours par certains collègues.
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Un peu de désenchantement,
sans noirceur,
sans rancoeur,
en douceur,
plus de l'ordre de la constation, (il me semble)
des écarts entre les missions,
que se donnent les professeurs,
et le terrain,
pas toujours prêts à y faire face, et ce qui s'approchait de grandeur, teintée de candeur, se troublent,
sous
la bienveillance scandée...
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Notion d'autorité tout entière implicite : les professeurs doivent être "naturellement" autoritaires, ils doivent s'imposer sans effort, par l'effet d'une sorte de charisme personnel, totalement inné, sans quoi la sanction risque d'être sévère. Mais théoriser cette autorité, sûrement pas ; la leur apprendre, encore moins, car, assumée par le système, elle deviendrait indécente.
J'aurais presque envie, aujourd'hui, de conseiller aux élèves de développer, hors du cadre scolaire, de vraies passions qui leur serviraient à la fois de soupape et d'éventuelle seconde voie. Cultiver un esprit d'humour et d'ironie plutôt que d'inquiétude... Cependant, je n'ose pas imaginer l'effet d'un tel mot d'ordre sur des classes déjà difficilement tenables.
A droite : "Ils finiront bien par partir ou s'assimiler." A gauche : "Il faut que jeunesse se passe." En fin de compte, étonnante similitude d'inertie.
P17.
Dans certains quartiers, la désespérance sociale ou l'absence d'espoir sont si profonds__comme si le système n'avait jamais été conçu pour certaines personnes___que le professeur y passe pour un intrus.
Suite 3/3 des portraits et de l'interview des Vies enchantées et suite sur les Petits Blancs.