Clap de fin pour Fort-Beaulac

J'imagine que, comme moi, vous aimez regarder des p'tites vidéos sur Youtube. Surtout des vidéos d'urbex par exemple, entre autres chaînes de true crime et de creepypastas. J'imagine aussi que vous avez peut-être rêvé de faire votre propre vidéo un jour, de vous en aller vers une destination totalement inconnue, parce qu'un jour vous avez entendu parler d'un évènement chelou et que vous avez espéré au fond de vous apporter votre témoignage au-delà de la caméra, d'être là où ça s'est passé… de ramener les images précieuses.
Et bien, c'est ce que Damien Monseau, le protagoniste de « Clap de fin pour Fort-Beaulac » a voulu faire. Et il va aller au bout de son idée. Va traverser des kilomètres et des kilomètres afin de capturer les bonnes images d'un village abandonné depuis un glissement de terrain, depuis l'évacuation de celui-ci… Et… rien ne va se passer comme prévu. Rendez-vous avec les Autres, dans une ambiance pesante, mystérieuse, dérangeante, à deux pattes ou à plus…
La nouvelle, d'une vingtaine de pages, se lit d'une traite, sans récupérer son souffle. Même si les premiers paragraphes dignes d'un GPS peuvent éventuellement faire souffler le lecteur, c'est nécessaire de voir la route que fait Damien pour aller au bout de son sinistre projet et aussi pour s'immerger dans les contrées profondes du Québec, ce pays d'amour. Voir sa route, peut-être la dernière de sa vie, du moins la plus dangereuse au final, ça apporte un truc au récit : l'inéluctable, le suspens, comme les dernières secondes avant de fermer les yeux. Et c'est écrit avec brio. Une excellente nouvelle donc pour commencer le recueil !
Après le voyage chez les monstres, nous voilà dans l'espace avec la nouvelle « Détournement spatial » qui ne fait pas descendre le côté noir du recueil, au contraire. Une épopée rapide sur la lune, à la rencontre de… de quoi exactement ? Mystère ! Mais un mystère bien construit avec une ambiance théorie du complot et cryptides flippants. Les missions Appolo ne sont peut-être pas ce qu'elles ont toujours prétendu être…
Deux autres nouvelles, plus terre à terre ensuite, viennent clore le recueil de 100 pages. Une histoire de vengeance - « le soir où Victorine est allée chez Paul Lacombe » (qui traote de violences sexuelles…) et une enquête à rebours sous forme de souvenirs. J'ai moins apprécié ces deux dernières nouvelles, (avec « L'affaire Paul Clermont ») peut-être parce que j'avais baigné peu avant dans les monstres et l'imaginaire, tandis que là, nous restons sur terre avec la noirceur de l'être humain, ce qui, somme toute, est une horreur parfois à part entière…
L'auteur, Richard Cloutier, manie sa plume directement, sans prendre de gants et c'est là une qualité pour des récits courts et percutants. Imaginatif, il plante les décors avec quelques mots, quelques morts aussi, et c'est un régal pour les yeux, pour peu qu'on se laisser évader dans les histoires. Les ambiances sont toujours prégnantes dès les premières lignes, et, à mon sens, sa plume s'est grandement aiguisée depuis le dernier recueil que j'ai lu de lui : La nuit des quatre chirurgiens de Chicago
Quoi qu'il en soit, voilà un recueil qui gagne à être lu, disponible en emprunt sur Kindle si jamais… En bref : j'ai vraiment aimé !