LE MIRACLE DES OISEAUX
— Evangile apocryphe. —
« En ce temps-là Jésus s'assit dans les roseaux,
Près d'un lac, et pétrit des images d'oiseaux,
Une corneille, un coq, un ramier, une grive,
Dans la terre onctueuse et molle de la rive;
Et des enfants, pour ce beau jeu quittant le leur.
S'assemblèrent autour du divin modeleur.
Or, des Pharisiens qui revenaient du temple
Lui crièrent, passant près de là : « Quel exemple,
« Pour cet essaim d'enfants qui devant toi s'ébat,
« De travailler ainsi par un jour de Sabbat I
— Quoi ! j'ai donc tant péché? » dit Jésus aux apôtres.
Il sourit, et posa sans hâte près des autres
Un merle au bec pointu qu'il venait d'achever,
Puis, de ces mains qu'un jour il lui faudrait lever
Pour en laisser couler le salut sur la terre.
Redoublant le scandale aux yeux du groupe austère,
Prestement il frappa trois coups brefs...
A l'instant,
Les oiseaux prirent tous leur volée, en chantant. »
A UN AMI
Pauvre homme recouvert d'une lourde toison,
Oui, parmi les chasseurs gorgés de venaison.
Quelque soir, aux derniers reflets d'un soleil terne.
Dessinas sur les murs crayeux de la caverne,
D'un geste où gauchement tâtonnait ton instinct,
La tête d'un beau renne aperçu le matin ;
Toi dont l'àme d'enfant portait d'avance en elle
Tout l'infini de l'art, cette enfance éternelle,
— Sois béni, sous la terre obscure, dans tes os.
Dont sans doute, enfermant ton suprême repos.
Un millénaire humus dissout l'informe reste;
Sois béni, du profond des âges, pour Ion geste
Qui renaît, depuis lors, dans chaque effort tenté
Par tes frères, afin d'atteindre la Beauté
Et tous les jours console encore une âme triste.
Rêveur tendre, ô lointain ami, — premier artiste!