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Citations sur Seuls sont les indomptés (35)

- Jack...
- Ouais ?
Il se prépara une fois encore à monter en selle, le pied à l'étrier, dos tourné à Jerry.
- Jack...(Elle s'avança, lui toucha l'épaule et il lui fit à nouveau face, dans l'expectative.) Embrasse-moi.
- J'en ai envie, dit-il mais il ne bougea pas. J'en ai envie.
- De quoi as-tu peur ?
- Aucune idée. De rien, j'imagine. (Il tendit les bras, l'enlaça et déposa sur ses lèvres un baiser doux et bref.) J'ai peur d'une chose, dit-il lentement. De moi-même. Rien d'autre.
- Alors on a tous les deux peur de la même chose.
- Peut-être que c'est le cas pour tout le monde.
Jerry lui sourit malgré sa vue brouillée.
- Tu ferais mieux d'y aller, parvint-elle à articuler.
- Qu'est-ce qui te fait rire ?
Il répondit à son sourire par un autre sourire engourdi et incertain.
- Tu ferais mieux d'y aller, Jack.
- Oui, je sais.
Il la relâcha, lui tourna le dos, se hissa en selle avec une certaine lassitude. Il ajusta sa guitare et la cartouchière dans son dos, rabattit le rebord de son chapeau sur ses yeux.
- Au revoir, Jack.
- Au revoir, petite. Dis au revoir à Seth pour moi. (Il toucha Whisky avec les rênes, elle pivota vers les montagnes.) Prends soin de ton homme. A mon retour, je veux vous voir ici tous les deux.
La jument s'agita, hennit et secoua la tête, impatiente, indignée, pressée de s'élancer.
- Oui, je l'espère, dit Jerry. Mon Dieu, je l'espère.
- On se revoit d'ici un an. Peut-être avant.
- Oui. (Elle frissonna dans l'air frais, chassant d'un cillement de paupières la brume dans ses yeux.) Sois prudent, Jack.
- Adios.
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Il arriva, cet ours, cet homme énorme et sombre, il arriva à la cellule où Bondi se trouvait allongé… Et Bondi, qui le voyait pour la première fois, soutint son regard.
Il vit deux yeux rouges, petits, déterminés et sans épaisseur, comme s’ils étaient en fer blanc, deux yeux profondément enfouis au fond d’orbites plein de ridules et protégés par un surplomb d’os et de cuir et de sourcils noirs broussailleux. Il voyait ces deux yeux animaux, dangereux, implacables, tendus de pouvoir et de haine, et était incapable de voir quoi que ce soit d’autre. Le regardant ainsi, et patientant ainsi, il prit graduellement conscience du défi qui s’insinuait et s’installait entre eux, du combat primitif pour la reconnaissance et pour la soumission. Bondi sentit le frisson de la peur s’emparer de sa nuque, de ses doigts. p 81
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Il regarda au sud : le sommet de la montagne s’incurvait vers l’est, puis de l’ouest, descendait en paliers tranquilles dans l’ombre de Scissors Canyon à vingt kilomètres. Au-delà se dressaient les pics pyramidaux, bleus et embrumés des Manzano et une chaîne de montagnes indomptées qui s’étirait sur cent kilomètres vers le Mexique. Burns scruta au sud, loin au sud, jusqu’à ce que sa vue se trouble de désir impatient, et que le pincement de son cœur lui remonte dans la gorge.
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J'ai écrit ce livre au cours de l'été 1955...comme je me sentais seul alors ! Je pensais réellement qu'Ammon Hennacy, de Salt Lake City et moi-même étions les deux seuls anarchistes, pratiquants et prosélytes vivant dans tous les Etats -Unis. Et, le culte de la nature sauvage était à peine en train d'éclore...
A l'occasion de cette nouvelle édition ( 1971 ) j'ai procédé à quelques corrections mineures pour éliminer certaines des erreurs les plus embarrassantes de l'original, en résistant à la tentation de réviser chaque ligne..
.Or, je crois que ce livre ne m'appartient plus.
Je crois que je n'ai pas le droit de le changer.
Non, " Seuls sont les indomptés "appartient au jeune gars passionné et assez imbécile qui l'a écrit, ainsi qu'à la petite bande de fans fidèles, dont l'acteur Kirk Douglas,qui ont contribué à le maintenir en vie au fil de toutes ces années de calamité et d'espoir renouvelé.
Paix et venceremos ! Abbey ( Lukeville Arizona Mars 1970 )
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- [...] Connu pour avoir pris part aux réunions secrètes d'un groupe soi-disant anarchiste.
- Soi-disant quoi ?
- Soi-disant anarchiste.
L'opérateur fit une pause.
- C'est quoi ? demanda l'adjoint Glynn.
L'opérateur regarda le shérif Johnson, qui ne dit rien.
- Je sais pas trop, répondit l'opérateur. Ils sont contre le gouvernement, c'est tout ce que je sais.
- Ils sont pires que les communistes ?
- Je crois, oui.
- Ils ont des yeux rouges et posent des bombes.
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Parce que je suis un anarchiste, je ne suis pas seulement un anarchiste jeffersonien. Je suis aussi un anarchiste cynique. Pourquoi ? Parce que je perçois clairement le désespoir total des idéaux anarchistes : tout est contre eux - la pression massive de la surpopulation, l'industrialisation, la militarisation, le poids des sentiments, l'élan de l'histoire. Une cause perdue. Une cause jamais trouvée, si je puis dire, même. En voie de d'extinction en Amérique à l'instant même de sa naissance : Thoreau, le mythe de la Frontière, la Première Guerre mondiale...Bref, Jack, en résumé, mon anarchisme n'est que sentimentalisme. En pratique, je suis un bon citoyen, : je siège à divers comités, je vote aux élections, je me présenterai un jour au conseil d'administration de l'école.
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- Jack, mon vieux, ne passons pas tout l'après-midi à plaisanter. On a trop de choses importantes à se dire. Et je veux t’entendre chanter – tes nouvelles chansons, les anciennes et des reprises. Alors s’il te plaît, comprends-moi : je ne partirai pas avec toi. Je reste en prison, dans celle-ci et dans la suivante, jusqu’à ce que les autorités en aient ras le bol de me voir, ce qui à mon avis se produira d’ici à peine deux ans – ils m’accorderont peut-être une liberté conditionnelle. Et quand je serai à nouveau libre, on se retrouvera, toi, moi, Jerry et Seth. Et ton épouse. Tu en auras forcément une, d’ici là. Et on fera ce petit voyage pour chasser et pêcher ensemble. Où tu voudras : au Canada, dans les Rocheuses, à Sonora, en Baja California. On passera un mois ou plus dans la nature, on rira, on chantera et on oubliera à jamais ce cauchemar ridicule.
Bondi s’immobilisa alors, et l’autre s’arrêta avec lui. Bondi contempla la vue au-delà des barreaux, derrière la fenêtre crasseuse.
- Car bien-sûr, c’est un cauchemar. J’en déteste chaque minute. J’en suis profondément malade – mais je ne peux pas fuir. J’ai trop d’engagements à tenir, trop de faiblesses, trop d’idées optimistes. (Il fit une pause. Burns garda le silence.) Optimistes ? continua-t-il. Non pas vraiment. Je n’imagine pas le monde s’améliorer. Comme toi, je le vois plutôt empirer. Je vois la liberté qu’on étrangle comme un chien, partout où mon regard se pose. Je vois mon propre pays crouler sous la laideur, la médiocrité, la surpopulation, je vois la terre étouffée sous le tarmac des aéroports et le bitume des autoroutes géantes, les richesses naturelles vieilles de milliers d’années soufflées par les bombes atomiques, les autos en acier, les écrans de télévision et les stylos-billes. C’est un spectacle bien triste. Je ne peux pas t’en vouloir de refuser d’y prendre part. Mais je ne suis pas encore prêt à battre en retraite, malgré l’horreur de la situation. Si tant est qu’une retraite soit possible, ce dont je doute.
- Mais si c’est possible, rétorqua Burns. C’est possible. Je connais des endroits ici même, dans l’Ouest américain, où l’homme blanc n’a encore jamais mis les pieds.
Bondi sourit.
- Les toilettes pour femmes, tu veux dire ?
- Non, dit Burns. Je suis allé dans toutes les toilettes pour femmes. Je pense plutôt à quelques canyons de l’Utah, à quelques lacs de montagne dans l’Idaho ou le Wyoming.
- Peut-être, peut-être. Mais je ne suis pas encore prêt. C’est plus pratique de rester ici un moment, d’essayer de gagner ma vie honnêtement à introduire un peu de philosophie dans le cerveau des futurs ingénieurs, des futurs pharmaciens et politiciens. Ne va pas croire un seul instant que je me prenne pour une sorte de héros anarchiste. Je ne compte pas lutter contre l’Autorité, du moins pas ouvertement. J’ouvre peut-être quelques brèches clandestines. Quand ils nous demanderont de répéter « Je me rétracte », je marmonnerai juste quelque chose dans ma barbe. Quand ils nous demanderont de nous mettre au garde-à-vous et de saluer, je croiserai les doigts de la main gauche. Quand ils installeront des micros – au fait, c’est vrai que le slogan de ce vieux Hoover, c’est « Deux micros dans chaque maison ? » - et des mouchards, et la télévision émettrice-réceptrice, je mettrai des fusibles défectueux dans le central téléphonique. Quand ils me demanderont si je suis ou si j’ai été un Incorruptible, je leur répondrai que je ne suis qu’un bon vieil anarchiste jeffersonien sans reproche. Comme ça, je devrais me la couler douce pendant une décennie, peut-être assez pour prendre ma retraite avec un demi-salaire, recreuser le vieux fossé d’irrigation, faire pousser des concombres et du maïs. Ça te semble raisonnable ?
- Ça me semble plutôt facile, dit Burns en souriant. Sauf qu’à mon avis, tu n’en crois pas un seul mot.
Bondi soupira, se gratta le nez et soupira encore.
- Peu importe, alors. Appelons ça une hypothèse de travail.
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Je n'imagine pas le monde s'améliorer. Comme toi, je le vois plutôt empirer. Je vois la liberté qu'on étrangle comme un chien, partout où mon regard se pose. Je vois mon propre pays crouler sous la laideur, la médiocrité, la surpopulation, je vois la terre étouffée sous le tarmac des aéroports et le bitume des autoroutes géantes, les richesses naturelles vieilles de milliers d'années soufflées par les bombes atomiques, les autos en acier, les écrans de télévision et les stylos-billes. C'est un spectacle bien triste.
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Je n'imagine pas le monde s'améliorer. Comme toi, je le vois plutôt empirer. Je vois la liberté qu'on étrangle comme un chien, partout où mon regard se pose. Je vois mon propre pays crouler sous la laideur, la médiocrité, la surpopulation, je vois la terre étouffée sous le tarmac des aéroports et le bitume des autoroutes géantes, les richesses naturelles vieilles de milliers d'années soufflées par les bombes atomiques, les autos en acier, les écrans de télévision et les stylos-billes. C'est un spectacle bien triste. Je ne peux pas t'en vouloir de refuser d'y prendre part. Mais je ne suis pas encore prêt à battre en retraite, malgré l'horreur de la situation. Si tant est qu'une retraite soit possible, ce dont je doute.
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L'air du bloc fut imprégné de l'odeur déprimante et humide de chlorure de sodium - une atmosphère de latrines, d'abattoir, de maison de retraite, de morgue de prison de comté, d'orphelinat, d'asile, de maison de correction, d'école publique - une odeur conçue pour démoraliser les esprits libres, pour étouffer l'espoir : la revanche des vieillards sur les enfants.
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