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Jacques Mailhos (Traducteur)
EAN : 9782351788417
256 pages
Gallmeister (01/09/2022)
3.77/5   85 notes
Résumé :
Exploration de la beauté impérissable des derniers grands espaces sauvages américains, En descendant la rivière nous entraîne dans des paysages où le corps et l’esprit flottent librement. Leur immensité réveille des méditations sur des sujets allant de la vie d’Henry David Thoreau à la militarisation des grands espaces. On y entend alors une condamnation passionnée des coups portés à notre patrimoine naturel au nom du progrès, du profit et de la sécurité.
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Critiques, Analyses et Avis (28) Voir plus Ajouter une critique
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« Je m'étonne parfois que nous puissions être frivoles […]. Comme si l'on pouvait tuer le temps sans en aucune manière meurtrir l'éternité ».
Tel un mantra ces propos de Henry Thoreau semblent animer les pensées d'Edward Abbey qui nous livre un récit qui va bien au-delà de la simple jouissance d'une nature encore préservée, bien au-delà d'un simple texte de Nature Writing à la sauce américaine.
Un récit structuré en onze nouvelles, tournant autour de la rivière, écrites dans les années 1980 et éditées pour la première fois en français en 2021, par les formidables Editions Gallmeister, dans lequel la Nature se veut engagement.

La rivière est supérieure au lac, écrit Henry Thoreau dans son Journal, de par son influence libératrice. Libératrice elle l'est pour Edward Abbey dont la descente en canoë avec une poignée d'amis, en ce jour d'élection, sur la Green permet en effet de libérer pensées, songes, observations et méditations. Flot cristallin de réflexions personnelles, comme si Abbey nous parlait directement, tasse de café ou pagaie en main, réflexions sous le parrainage de Thoreau. Qu'aurait pensé ce maitre à penser, iconoclaste et indépendant, des problématiques d'aujourd'hui (c'est-à-dire celles du début des années 80) ? Industrialisation, immigration, capitalisme, Abbey nous livre ses réflexions à l'ombre de celles de son maitre qui viennent clapoter et éclabousser son raisonnement. L'imprégner.

Certes, « En descendant la rivière » est un éloge à la nature observée lors de descentes sylvestres, souvent calmes, parfois fougueuses (comme dans les 5ème et 7ème nouvelles) de rivières à l'eau glacée, au coeur de canyons sauvages, de bivouacs sur les rives duquel faune et flore nous sont détaillées. Beautés qui ne manquent pas de faire éclore des réflexions existentielles. La Nature est-elle le symbole d'une réalité spirituelle supérieure qui se trouve au-delà et en dedans, ou La Nature est, tout simplement. C'est tout. « Et c'est plus que nous ne pouvons en comprendre » ?

« Dans le courant de la nuit, un cerf passe près de notre bivouac d'un pas nerveux. J'entends le bruit puis, un peu avant l'aube, lorsque je me lève, je vois ses délicates empreintes en forme de coeur. J'attise le feu et confectionne notre première cafetière de café de cow-boy noir et riche, et dans la solitude j'en bois la première tasse, en me réchauffant les mains sur l'émail brûlant. Les dernières étoiles disparaissent lentement, le ciel s'éclaircit, perçant la lueur verte de l'aube pour éclater dans la splendeur ignée du lever de soleil ».

Ce témoignage, c'est la conscience des moments de partage dans toute leur simplicité et leur bonheur, les repas par exemple, très souvent décrits avec appétit, dans le menu. Sous des airs gênés qu'il tente de cacher sous un vernis humoristique ou sarcastique, c'est un partage sensible d'instants beaux et éphémères. D'instants gourmands.

« Nous buvons et, assis au soleil sur le grès clair, nous déjeunons – tranches de pain noir, assez authentique, acheté dans une boulangerie bohème de Moab ; beurre de cacahuètes hippie tendance hardcore, lourd comme du béton humide, acheté dans une coopérative alimentaire beatnik de Durango, dans le Colorado (où vivent Teale et Corson) ; confiture de framboise ; et miel sauvage, épais comme de la graisse d'essieu, pour la lubrification oesophagienne ».

Mais « En descendant la rivière » c'est aussi, et surtout, un brulot. Un cri écologique que lance Abbey en prédicateur exaspéré par tout ce qui creuse, fore, excave les montagnes, épand du bitume, construit des barrages, mine à ciel ouvert, changeant les montagnes en taupinières « pour cette course de rats qu'est notre vie moderne ». Un brulot contre le pouvoir, le capitalisme qui ne cesse d'exploiter les hommes et les ressources, ce capitalisme dont le rythme s'accélère précisément au début des années 80. Dont les conséquences, notamment en terme de suicides, l'interpellent et le navrent. Un brulot contre l'agrobusiness (très bien expliqué d'ailleurs dans la 6ème nouvelle).

« Nous sommes des esclaves en ce sens que nous dépendons, pour notre survie quotidienne, d'un empire agro-industriel condamné à croître perpétuellement s'il ne veut pas s'éteindre – une machine de cinglé – que les spécialistes sont incapables de comprendre dans son intégralité, et que les managers sont incapables de manager. Empire qui, par ailleurs, dévore les ressources mondiales à une vitesse exponentielle. Nous sommes, pour la plupart d'entre nous, des employés dépendants ».

Voilà pour la première nouvelle qui donne le la à ce recueil. Les autres nouvelles sont parfois davantage ancrées sur la terre ferme, dans la forêt, ou sont des réflexions approfondies, sauf la 5ème nouvelle, véritable expédition sur canoë en Alaska dont nous suivons jour après jour la progression, ou encore la 7ème nouvelle, descente rapide sur la San Juan.
Réflexions sur la beauté insoupçonnée et l'utilité écologique des vautours, les rencontres avec un ours, les visites de courtoisie des serpents à sonnette, les hurlements des coyotes, la quête craintive du grizzli. Il nous offre des descriptions sentimentales sur la nature, des développements érudits sur la biodiversité ; Il raconte Abbey, il raconte avec passion, sarcasme, engagement. Avec coeur toujours. Avec chauvinisme oh oui ! Et quelques relents de nationalisme aussi (ses réflexions sur les immigrés notamment m'ont quelque peu interpellée même s'il explique ce refus d'accueil du fait de la croissance démographique, sa façon de narrer est discutable), tout en se demandant chaque fois ce qu'en aurait pensé aujourd'hui ce bon vieux Thoreau, dans le contexte qui était le sien au milieu du 19ème Siècle ?

« Réunis sur leur arbre mort préféré, dodelinant de la tête à l'unisson, les vautours ressemblaient, depuis notre site d'observation, à un congrès de chauves et judicieux gérants de pompes funèbres discutant de leurs perspectives d'avenir – toujours bonnes. Fiables. Les individus adultes ont une tête rouge ridée et déplumée ; les juvéniles ont la tête bleuâtre, elle aussi déplumée. Ils ont le crâne chauve parce que c'est plus propre, plus sûr, plus hygiénique, étant donné leur domaine d'exercice. Si vous gagniez votre vie en plongeant votre bec, vos yeux, vos oreilles et votre cou au plus profond des entrailles en décomposition, disons, d'une vache morte, vous aussi, vous préféreriez être chauve comme un vautour. Avoir des plumes sur la tête nuirait à sa rétractation rapide, en cas d'urgence, et ces plumes offriraient une multitude de petits recoins aux asticots, aux scarabées, aux vers et bactéries. Pour ce boulot, mieux vaut être lisse et net ».

J'aime cette idée que la vie au grand air, vie libre et vigoureuse, soit bonne pour les humains. « Ça les emplit de joie et de bonne humeur, garantes de santé et de longévité » nous dit l'auteur. Nous savons de plus en plus que l'essentiel tient en une eau pure, une nourriture fraiche et de l'activité physique. J'aime lorsque Abbey se fait le chantre de ce style de vie. Une vie à observer, regarder, inlassablement. S'émerveiller. Tout simplement. Pour se sentir libre.

Le message d'Edward Abbey est contemporain, atemporel. Et quand il se fait poète mettant un peu de côté sa rhétorique tantôt boudeuse et source de longueurs, tantôt militante et engagée alors source d'une érudition passionnante, cela donne de magnifiques éclats lumineux, inoubliables.

« La nouvelle lune flotte comme une tranche de citron dans le ciel lie-de-vin. Les sombres frondaisons découpent des colonnes de lumière ».


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Tout d'abord , un grand merci à Jerenight dont la critique m'a informée d'une nouvelle traduction d'Edward Abbey , un auteur que je vénère , le mot n'est pas trop fort .
Avant même d'entamer la lecture , j'étais émue de tenir ce livre dans les mains , comme si je retrouvais un ami .

Et l'enchantement a commencé .
Les récits d'aventures vécues par l'auteur forment la trame de ce recueil .
On descend de fougueuses rivières parmi les plus majestueuses au coeur de grands canyons , on bivouaque au milieu d'une faune et d'une flore sauvage . Et, il faut toute la poésie et la sensibilité d'Abbey pour nous inviter à un merveilleux partage d'instants rares , uniques .
Et la magie opère , encore une fois .

Au début du livre , un invité de marque , Thoreau .
Abbey lui rend un très bel hommage .
Puis , les récits se suivent au gré de l'humeur et du vécu de telle ou telle expédition , émaillés comme toujours d'humour et de sarcasmes bien placés . C'est aussi l'occasion de dénoncer les basses attaques de certains détracteurs : le militantisme écologique est un violent combat mais Abbey reste porté par son intégrité .

Beaucoup de souvenirs évoqués aussi , c'est agréable car quand on connaît bien l' oeuvre d'Abbey , on replonge avec délectation dans certaines actions fictives ou non : je pense aux tribulations sur le lac Powell ou dans Glen Canyon par exemple .

Ces récits se lisent comme si Abbey nous faisait la conversation .
Il est terriblement lui-même .
Amoureux de la nature , il invite le lecteur dans son temple des déserts , des cayons , des rivières sauvages et quand il n'est pas philosophe ou poète , il redevient le prédicateur écolo emporté par sa passion :

" La domination de la nature rendue possible par une science utilisée à mauvais escient aboutit à la domination de l'homme ;
elle aboutit à une uniformité lugubre et totalitaire . "
p. 141

Bien sûr , le ton est parfois grave . Mais , les messages difficiles alternent avec l'ambiance potache entretenue par la personnalité des bateliers .
Et , jolie surprise , on assiste à la première grande aventure de Suzannah Abbey , 13 ans , digne fille de son papa qui est de l'une des expéditions .

Un mot quand même sur mon étonnement : ces récits ont été publiés en 1982 et seulement traduits en 2020 ! Alors , d'autres traductions suivront-elles ?
Bon , j'espère vous avoir convaincus des qualités que recèle ce livre . Cependant , je pense que pour l'apprécier pleinement , mieux vaut avoir lu d'autres ouvrages d'Edward Abbey avant . Mais ce n'est que mon avis très subjectif , l'essentiel est de lire Abbey !
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En descendant la rivière, ou plus exactement en descendant des rivières (il y en a trois), rassemble douze articles écrits par Edward Abbey avec pour thème central la rivière.

La première rivière est la Green River, un affluent de la rivière Colorado, qui traverse des canyons aux parois verticales immenses, gardée par des tours de pierre. Cette rivière est un véritable labyrinthe aquatique « fondamentalement inconnaissable » en plein désert et se termine par des rapides dont l'un porte le doux nom de «tripes de Satan ». Tout y est, même le squelette de la tête de mouflon en haut des falaises, … Grrrh serre-moi un peu plus fort, j'entends déjà les flutes lugubres d'Ennio Morricone.

Lors de cette première descente, Abbey entreprend la relecture de Walden de H. d'Thoreau. On se retrouve donc à lire Abbey, qui lit Thoreau, un peu comme sur l'emballage de ce fromage fondu, qui montre une vache portant des boucles d'oreille, où on retrouve la vache et ses boucles d'oreille, en plus petit évidemment, et le tout se multiplie à l'infini... Ah mince j'ai oublié le nom de cette figure de style. Peut-être quelqu'un peut-il m'aider ?

Donc Abbey nous bassine les oreilles avec ce qu'il pense de Thoreau (le pauvre Abbey : en 1982 -année de la parution du bouquin en anglais- il n'y a ni internet ni surtout de Babelio pour partager son ressenti), et je trouve ça dommage, car je peux me faire moi-même mon opinion sur Thoreau, pas besoin de savoir ce qu'il faut en penser. Abbey lui reproche entre autres ses sermons, sa vision simpliste de la vie (ouais c'est peut-être aussi un reproche qu'on peut faire à Abbey, j'y reviendrai, même si lui est doué d'un sens pragmatique que son prédécesseur n'avait peut-être pas), son ascétisme stérile, … et lui conseille d'aller faire l'amour avec un sapin, puisque son épouse est la nature.

Rire ? En tout cas, je ne ris pas quand Abbey écrit que « la seule chose que nous pourrions faire pour un pays comme le Mexique, par exemple, serait d'arrêter tous les immigrants clandestins à la frontière, de leur donner un bon fusil et une caisse de munitions, et de les renvoyer chez eux. Laissons les Mexicains régler leurs problèmes coutumiers à leur manière coutumière.»

La deuxième rivière est la Tatshenshini, dans le Yukon canadien, qu'Abbey descendra jusqu'en Alaska. Et là, même si la rivière reste le meilleur moyen de voir les animaux sauvages, dont le fameux grizzly ( Lord Grizz comme Abbey l'appelle), on se retrouve assailli par les moustiques. Lors des escapades sur les glaciers, il s'agit de ne pas glisser dans les crevasses dont on serait alors prisonnier et condamné à mourir, broyé par le glacier. Bon l'Alaska ne me fait plus rêver depuis lors…

Les deux premières descentes ne sont pas très intéressantes, on participe de loin aux soirées autour du feu, après les exploits de la journée, aux repas et aux douces souleries. Abbey fait figure de vieux bougon qui préférait les temps anciens et qui refuse toute la modernité sans vraiment argumenter et sans vraiment proposer d'alternative. C'est assez décevant.

Ça s'améliore quelque peu dans la suite. La dernière rivière est la San Juan, au sud est de l'Utah, et cette escapade est traitée avec humour et légèreté, ce qui fait du bien. On n'échappe cependant pas au regard naïf et sans fondement de l'auteur sur ce que devrait être une bonne agriculture, une bonne gestion des espaces sauvages et des villes, ... Tout est basé sur un point de vue platonicien, dans le sens où ce qui est beau est forcément bon. Ainsi il écrit : « l'utilité et la beauté sont inextricablement entremêlées dans les affaires humaines. L'utile nous parait toujours attirant, et le beau est en un sens toujours utile. » Ou encore « la beauté et l'existence du monde naturel devraient en elles-mêmes constituer des justifications suffisantes pour la préservation de tout ça ». Ou peut-être Abbey devrait appeler Rousseau à la rescousse ?

Je pense aussi que l'auteur se trompe quand il s'en prend à la science : « sans nécessairement aller jusqu'à rejeter en bloc la science et la technologie, il me semble que nous pouvons les garder comme des serviteurs, et non des maîtres, simplement en faisant de notre mieux pour préserver la variété et l'ouverture de la vie sur terre. Cela veut dire, en Amérique tout particulièrement, défendre la ferme familiale contre la monoculture mécanisée de l'agro-business ; défendre le ranch familial contre la compagnie d'exploitation minière à ciel ouvert ; défendre la coupe sélective de forêts gérées durablement contre le déboisement aveugle commis par les entreprises de l'industrie du bois en quête de profits rapides ; défendre la petite ville contre le blob de l'étalement humain ; protéger nos rivières survivantes contre la frénésie de construction de barrages de nos hommes politiques ; sauver nos collines et nos champs, nos montagnes et nos déserts, nos étendues sans route et nos espaces sauvages de l'expansion perpétuelle des industries extractives» . Ne devrait-il pas plutôt incriminer l'économie, la rentabilité, la politique du court-terme ? Opposer sciences et technologie à l'écologie n'est plus à l'ordre du jour. Au contraire.

Ce n'est probablement pas le meilleur livre pour faire connaissance avec la philosophie et le personnage d'Edward Abbey. du coup, la porte est ouverte à d'autres expériences plus enthousiasmantes.
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« Un jour ou l'autre, tout homme se doit de descendre la rivière ».

Il aura traîné longtemps dans ma PAL. Et puis l'envie d'un peu de nature writing et d'écriture contemplative l'a imposé, comme une pause bienvenue dans une période un peu trop bousculée.

Dans En descendant la rivière, traduit par Jacques Mailhos, Edward Abbey fait le job, racontant successivement plusieurs de ses descentes – la Green, la Tatshenshini, la San Juan ou le Rio Dolores -, ponctuées des rituels du genre : navigation, bivouac, contemplation, randonnée, navigation…

Les amateurs adoreront ; les autres s'ennuieront ferme. Ou pas…

Car à travers ces différents textes rassemblés, Abbey se lâche davantage que dans ses romans et se révèle sociologue, politique, un peu moraliste et même… drôle ! En particulier lorsqu'il nous livre son regard sur l'oeuvre et la pensée de Thoreau, son grand ancien.

On y sent la balance constante entre admiration et critique d'un précurseur probablement trop extrémiste, là où Abbey recherche davantage l'équilibre et croit que la cohabitation de la ville et de l'industrie avec la campagne et la nature, est encore possible. Puis d'un seul coup, Abbey se lâche :

« Oh, allez Henry, ça va, arrête de nous glapir au nez. Va donc faire l'amour à un sapin (vu que la nature tout entière est ton épouse). Fiche-nous la paix. Laisse-nous tranquille ». Voilà, ça c'est fait !

Plus loin, c'est une vision politique assez traditionnelle qui s'exprime : retour à la préservation d'un espace minimum naturel pour tout homme ; promotion du modèle traditionnel de la ferme familiale ; glorification des grandes figures US :

« L'Ouest américain ne nous a, jusqu'à présent, pas donné assez d'hommes à la hauteur de nos montagnes. Pas depuis la mort de Crazy Horse, Sitting Bull, Dull Knife, Red Cloud, Chef Joseph, Little Wolf, Red Shirt, Gall, Geronimo, Cochise, Tenaya ».

Une vision qui devient plus discutable quand il oppose les progrès de la médecine face aux bienfaits de la nature ou fustige les avancées scientifiques : « Ce qui s'appelle la science de nos jours nous apporte de plus en plus d'informations, une indigeste débauche d'informations, et de moins en moins de compréhension ».

Au fil des textes, Abbey témoigne enfin de la félicité de sa vie simple : joie de planter un arbre, de naviguer avec sa fille, effroi de la rencontre avec le grizzly (Ursus horribilis) ou plaisir des heures passées à veiller un éventuel début d'incendie dans les forêts alentours.

Une lecture apaisante, qui se termine sur ce conseil de bon sens : « Lis la rivière comme tu lirais un livre. Et si tu persistes à rester dans le doute… ? Saute du bateau. Reste chez toi. Lis un livre » !
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Le nombre de livres de mon auteur préféré étant restreint, je les lis à dose homéopathique sur plusieurs années. Comme le titre l'indique, Edward Abbey nous décrit ses descentes de rivières, sous forme de nouvelles, en y sublimant la nature, ses concitoyens atypiques, ses points de vue sur l'humanité. le tout avec engagement (il donne même une adresse où lui écrire), poésie et humour. Une nouvelle permet de voir Henri Thoreau sous un autre jour.
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Citations et extraits (68) Voir plus Ajouter une citation
De quelle couleur est cette chose ? Un bleu turquoise très clair, je dirais. Ou bleu chrysocolle. Non non, dit quelqu’un d’autre, c’est plutôt une sorte de… bleu corrosion de cosse de batterie.
Nous plongeons nos regards dans ce qui paraît être des crevasses sans fond. Des oubliettes parfaites. Si vous tombez là-dedans, vous disparaissez à jamais. Vous glissez, glissez et glissez sans fin dans la dense inanité bleue, entre des parois de verre frigorifiques, sous des stalactites qui dégouttent lentement, jusqu’à ce que vous finissiez par vous coincer dans une faille trop étroite pour vous laisser continuer votre dégringolade.
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[...après cinq ans de vie dans l'Ouest américain... ] l'Europe m'apparut comme un monde contraint , étriqué et surpeuplé , et je pris conscience , partout , des longs siècles obscurs de travail forcé, de servitude et d'esclavage , qui avaient été nécessaires à la création de la beauté historique de l'Europe .
Au-dessus de chaque village au charme désuet plane l'ombre noire du château ou du manoir — symboles et témoignages de mille ans d'injustice .

Ce terrible héritage a pu être en partie transcendé à force de révolutions et de progrès , mais son souvenir traîne encore dans l'air , dans l'atmosphère , comme un lugubre écho de " la musique calme et triste de l'humanité " .
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Aussi alléchante que l'idée de la réincarnation puisse me paraître, je dois avouer qu'elle a un petit défaut, qui est qu'il n'existe pas la moindre once de preuve qu'elle puisse être vraie. Cette idée n'est soutenue par rien, sinon le désir et les aspirations frénétiques de l'esprit humain. Mais quand a-t-on vu des aspirations se laisser intimider par des faits? Si on me donne le choix, pour mon prochain passage, je veux être un oiseau à grandes ailes et queue en éventail.
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Comme de nombreuses personnes l’ont remarqué, la grande masse des hommes – et des femmes – vit des vies de désespoir non calme. Un affairement – “les affaires sont les affaires” – frénétique agite notre société où que nous portions le regard – en ville comme à la campagne, chez les jeunes, les vieux et les ni-jeunes – ni-vieux, chez les mariés et les célibataires, dans toutes les races, toutes les classes, tous les sexes, dans le travail et dans le loisir, en religion, dans les arts, les sciences, et peut-être de la façon la plus flagrante dans le culte autocentré de la méditation, de la retraite, de l’abstraction au monde. Les symptômes du malaise universel sont visibles partout. Nous voyons, par exemple, les économistes conventionnels réclamer un accroissement de la “productivité”. La productivité de quoi ? Au bénéfice de qui ? Dans quel but ? Par quels moyens et à quel prix ? Ces questions-là ne sont pas prises en compte. Nos politiciens, nos hommes d’affaires, nos chefs militaires et la clique de scribes qui les sert nous rabâchent perpétuellement que la “croissance” et le “pouvoir” sont intrinsèquement bons, et que nous ne pourrons jamais en avoir assez, ni même trop. Comme si le gigantisme était une fin en soi. Comme si un bon rat était un rat de douze mains de haut au garrot… qui grandirait encore. Comme si nous ne pouvions jamais avoir la paix sur cette planète tant qu’un État ne dominera pas tous les autres.
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Hier, j’ai arraché de l’ambroisie ; ce matin, j’ai creusé un trou jusqu’à hauteur de cuisse ; et cet après-midi j’y ai planté un jeune peuplier plein de bourgeons. Nous avons imbibé le trou d’eau du puits, mélangé de la tourbe aux pelletées de terre arable soigneusement mise de côté, et installé la motte de racines au creux de son nouveau foyer. J’ai vu l’arbre frémir tandis que je tassais la terre autour de son pied. Un frémissement de plaisir. Un bon présage. Quelques semaines de beau temps, et les petites feuilles vertes frétilleront au soleil. Quelques bonnes années, et il y aura de l’ombre sur la terrasse de l’entrée, puis sur le toit de la maison. Si la maison est encore là. Si quelqu’un, ou quelque chose, comme je l’espère, profite encore de cette demeure, de ce lieu, de ce jardin de rocaille, de sable et de palo verde, de soleil et de délices.
Nous ne verrons peut-être jamais nous-même ce peuplier atteindre la maturité, nous ne jouirons sans doute jamais de son ombre et de ses oiseaux, ni n’admirerons l’or clair de ses feuilles en automne. Mais quelqu’un le fera. Quelque chose le fera. Dans cinquante ans, Tucson sera redevenue ce qu’elle était jadis, une petite ville de huttes d’adobe sur les rives de l’étincelante Santa Cruz, plus heureuse qu’elle ne l’est aujourd’hui, et notre arbre sera là, avec ou sans nous. Je trouve dans cette expectative ce qu’il me faut de satisfaction.
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