Citations sur Armen (53)
En venant ici, pourtant j'espérais quitter à jamais le versant dérisoire de l'attente. Cette façon de tendre l'oreille et de retenir sçon souffle: l'essentiel de ma vie depuis tant d'années (...) Je pensais qu'au phare l'attente prendrait une autre forme. Si quelque chose doit surgir, ve ne peut être que du fond de moi. Et voilà que je guette encore, comme si on allait frapper à la porte. Au fond, rien ne bouge. Il ne se passera rien. (p.20)
On peut organiser toute sa vie autour de ce bruit imaginé. Se replier encore plus. Se taire. Faire tous les jours de sa vie la même chose à la même heure. Les moines. Compter sur les rites, sur le froid, sur la faim, sur les violents désirs pour réduire l’écart, quel écart ?
J’ai commencé à frotter le vieux pupitre. Très lentement avec peu de cire, en tournant puis en suivant les lignes du bois.. sa lueur s’est ternie. Tout à l’heure il brillera. C’est Noël dans un bout de bois.
Patience. Choisir d'habiter près d'une lampe, c'est tout de même choisir la couleur de sa vie. Une lumière violente fait écran. Ici, entre les lueurs et les ombres on doit pouvoir avancer lentement. Peut-être vaudrait-il mieux flamber d'un coup, vivre en torche, se consumer dans un éclair de folie ?
(p. 31, “20 décembre, 17h”).
IL n’y a plus qu’à s’installer dans la chambre de veille, qu’à rechercher d’autres amers. Si je pouvais ordonner les pensées de la nuit selon certains rites aussi, établir des cérémonies religieuses…
Je crois que peu à peu, dans le brume où tout s’embrouille, les pensées inutiles, durement secouées, finiront par tomber, par disparaître, avec les oiseaux. L’une après l’autre, je le crois. Mais la nuit passe sans attendre.
20 decembre, 17 H
Patience. Choisir d’habiter près d’une lampe, c’est tourt de même choisir la couleur de la vie. Une lumière violente fait écran. Ici, entre les lueurs et les ombres on doit pouvoir avancer lentement. Peut-être vaudrait-il mieux flamber d’un coup, vivre en torche, se consumer dans un éclair de folie ?
Mais la folie est dehors qui hurle. Il faut résister ? Faire le poids. J’allume ma lzampe. La lumière coule sur la table et d’objet en objet gagne ses positions. Des ombres se prennent à vivre intensément, comme un regard. La limite du cercle est imprécise. Il faudra y aller voir. Avancer les mains.
Je n’en finirai par d’errer entre l’ombre et la nuit. C’est de la complaisance.
Le phare est enfoui dans la lumière. Je sens au-delà des énormes murs la pression de l'espace. La porte est barrée. Les doubles fenêtres sont closes dans les trois chambres. Je reste assis sur une marche de l'escalier, adossé à la chaux. Aucune ombre ne bouge. Je croyais jadis que les tempêtes étaient effrayantes. Dans l'enthousiasme j'envisageais très bien de m'envoler avec le phare. Mais la vraie peur apparaît quand la mer est trop calme. Comme si nous dérivions. Je voulais me rouler en boule dans un coin, non pas sur ma couchette, sur la pierre, dans un coin.
Même la pluie est en voyage.
J'aurais voulu voir l'homme qui a décidé cette construction. (Un illuminé, probablement. Mais on dit qu'il était humble et fort inquiet.) Lorsqu'il a connu la nature de la roche, la surface utilisable, je suppose qu'il a su aussitôt quelles seraient la hauteur et la puissance du feu. Il brillait déjà là-haut, pour lui. Il n'y avait plus qu'à bâtir une tour pour le rejoindre.
Le ciel pâlit.
Il ne faut pas regarder. Il faut se glisser de côté, à pas de loup, secrétement affamé.
Je crois bien que le loup ne dévore pas pour lui, mais pour maintenir une vie mystétieuse, au fond de lui, qui lui ronge les côtes.
L'air est coupant, tintant de gel dans l'escalier. Le froid m'éclaire. J'étais fait pour un monde lisse et froid, non exempt des maladresses quotidiennes d'ailleurs. Je voudrais tant être attentif, maintenant, ne pas risquer n'importe quel mot. Si c'est le désert, ralentir le pas, étouffer toute impatience...