Rouler avec sa femme et ses enfants endormis près de lui. Etre ensemble en silence. Ca avait toujours été son truc. Pas besoin de se parler pour être bien, il disait toujours. Du moment qu'on est ensemble.
Le parking est presque vide à part les semi-remorques garés un peu plus loin. Quand j'étais gamin ça me faisait rêver, les mecs qui conduisent ces engins, passent leur vie sur les routes à acheminer des cargaisons, dorment à l'intérieur avant de se remettre au volant.
Les familles sont tellement pleines de mystères. Si opaques.
Ce que vient de faire mon père j'en aurais été incapable. J'aurais jamais eu les couilles. Ou simplement le corage. Il paraît qu'il s'agit de ne pas avoir peur, mais de savoir la surmonter, d'agir malgré elle. Moi, ça m'a toujours arrêté, la frousse.
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Les familles sont tellement pleines de mystères. Si opaques. de loin tout paraît simple mais quand on s'approche, c'est gorgé de secrets dégueulasses, de silences qui cachent des trucs pas clairs, inavouables.
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Un jour, un prof m’a dit qu’on savait ce qu’on pensait d’une situation en parlant. Qu’en déroulant sa pensée on découvrait qu’on en avait une. Qu’en s’exprimant sur un sujet sur lequel on croyait ne pas avoir d’avis on se rendait compte qu’on en avait un, finalement. Il disait que c’était pareil pour l’écriture. Quand il nous demandait d’écrire sans consigne, librement, on était tous paniqués, on disait mais j’ai rien à dire, moi. J’ai rien à raconter. J’ai rien sur quoi écrire. Et lui il répétait : pour écrire il faut déjà écrire. Écrivez et vous verrez que vous avez quelque chose à écrire. Quelque chose d’unique. Qui n’appartient qu’à vous. Ou que vous avez une manière unique, qui n’appartient qu’à vous, de raconter.
Tout le monde s’en fout. Vous savez combien de femmes meurent chaque jour sous les coups de leur mari sans que personne n’intervienne ? Et puis il leur faut des preuves. La peur, c’est pas une preuve.
Vivre dans la peur, sans avoir la certitude de s'en sortir un jour est une épreuve dans laquelle l'aventure se crée et devient l'unique lumière d'espoir.
La vie est faite de morceaux qui ne se joignent pas
Antoine dort. Dans son sommeil, il a repoussé le drap. Je détaille son corps mince. Son ossature légère. Ses muscles nerveux. Je me retiens de toucher sa peau. Je le regarde intensément. Pour le fixer dans ma mémoire.