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Citations sur Une partie de badminton (126)

l'adolescence était un cimetière. Les dépouilles d'enfants joyeux y reposaient comme la peau d'une mue.
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Le soleil narguait la baie. L'eau avait lissé le sable jusqu'au pied de la terrasse. Au loin la mer semblait infinie. Rien n'arrêtait le regard. A perte de vue se superposaient deux bandes de bleu complémentaires. Aux tables d'à côté lézardaient deux couples de touristes. Paul se sentait étrangement serein, à contretemps, paisible, comme si la lumière et la roche, l'eau émeraude et l'horizon s'étaient frayé un chemin en lui, l'ouvraient, l'augmentaient, l'élargissaient. Plus rien n'obstruait. Il savait que ça ne durerait pas. Et comme toujours c'était ce putain de téléphone qui allait tout foutre en l'air, d'une manière ou d'une autre, il n'en doutait pas. Et ça ne rata pas. L'engin se mit à vibrer dans sa poche. Quelque chose lui dit que ce n'était pas une bonne nouvelle, que s'il décrochait le ciel allait aussitôt s'assombrir et ses poumons rétrécir.
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Paul sentit son corps, son cerveau, tout ce qui le constituait se dissoudre. Ses pensées se brouiller. Il était perdu, anéanti. Incapable de faire le moindre geste ou de prononcer le moindre mot.
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La maison dominait la mer. De la terrasse on pouvait embrasser la baie entière, deviner les criques nichées entre les falaises, suivre la découpe compliquée de la côte, la succession de pointes de granit et de longues anses de sable blanc, de havres et de presqu'îles.
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Tout prenait toujours des proportions démesurées. L'ampleur des préparatifs et de la logistique. La teneur des conversations. Les relations qui se noueraient avec plus ou moins de fluidité entre des gens qui en dehors d'eux avaient peu en commun. Son propre comportement au milieu de proches qui ne l'étaient que par éclairs, le temps d'une soirée, de quelques jours partagés, d'un repas, d'un apéritif. Paul ignorait ce qu'il craignait au juste. Les autres, sans doute. Et lui-même. Son manque de naturel. Ses empêchements. Sa susceptibilité. Sa paranoïa. Son mélange de réserve et d'emportements, la versatilité de ses humeurs, sa capacité à soudain prendre la mouche et à s'emballer pour un rien, à appuyer là où ça faisait mal, à provoquer, chercher le gâchis, s'approcher du point de rupture. Tout lui semblait toujours peser des tonnes. Accueillir les gens, leur parler, leur sourire, les écouter, cacher son agacement parfois, sa timidité souvent, se sentir en deçà de ce qu'on attendait de lui. Pas assez sympa, pas assez drôle, pas assez intelligent. Il en allait ainsi depuis toujours. Il voulait être considéré et être invisible. Il voulait qu'on l'aime et ne supportait pas qu'on le fasse. Il voulait vivre seul et au milieu des autres. Il voulait disparaître et qu'on s'en aperçoive. Il voulait être là et qu'on ne se soucie pas de lui. Il voulait tout et son contraire.
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Elle croyait le connaître parce qu'elle avait lu ses foutus romans ? Elle se fourrait le doigt dans l'œil. Tout ce qu'il avait toujours écrit n'était qu'un amas de mensonges. Ces milliers de pages ne disaient rien de lui. C'était même le contraire, elles le planquaient, le camouflaient, faisaient office d'armure ou de masque. Et qu'y avait-il derrière ? Rien. Ou si peu. Un type absent à lui-même. Incapable de vivre. Effrayé par les autres. Le genre qui aurait préféré ne pas naître s'il avait su. Le genre qui aurait décliné l'offre s'il avait pu.
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Des années entières, lumineuses, inconditionnelles lui revinrent en mémoire. Des images s'imprimaient en flash sous ses paupières. Ses grands yeux bleus sous ses cheveux d'une blondeur perdue, son sourire shooté de bonheur et de soleil sur la plage, dans le jardin de ses grands-parents, en robe de princesse ou à fleurs, ses jeux de rôle sans queue ni tête et ininterrompus, sa façon de se jeter dans ses bras, sa voix légèrement voilée et son rire en éclats. L'adolescence était un cimetière. Les dépouilles d'enfants joyeux y reposaient comme la peau d'une mue.
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L'expression de Claire alors se fit lumineuse, en un clin d'œil elle changea de visage. Quelque chose d'assoiffé, de fervent avait chassé l'anxiété. Le début d'une délivrance. Paul eut l'impression soudaine d'avoir affaire à une adolescente timide et réservée, mais capable de s'illuminer à la moindre marque de confiance ou d'affection. Il avait longtemps été comme ça lui aussi, enfermé en lui-même et effrayé par les autres, mais plein de tendresse et d'admiration éperdue pour quiconque lui témoignait un semblant de considération.
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La décision qu'il avait prise de quitter leur vie ici. (...) Aujourd'hui tout cela lui apparaissait comme un caprice. Une lubie. Et il lui semblait avoir pris tant de tournants de ce genre dans sa vie. Sur des coups de tête qui dans l'instant étaient à ses yeux le fruit de réflexions étayées, et dont six mois plus tard il ne comprenait plus le sens.
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Plus le temps passait, plus Paul se demandait si la page n'était pas définitivement tournée. Peut-être n'écrirait-il plus jamais le moindre roman. Peut-être ne publierait-il plus rien d'ici sa mort. Quand il s'en ouvrait à Sarah, elle haussait les épaules. Comme si la perspective de la voir se retirer du jeu ne la perturbait pas. Il avait longtemps gagné sa vie avec ses romans. Ce n'était plus le cas. Qu'il arrête et se consacre à un autre métier ne constituait pas un drame. Il ne serait ni le premier ni le dernier à devoir se reconvertir. D'ailleurs elle n'avait jamais vraiment compris pourquoi l'écriture, la réception de ses livres, en dehors des implications financières que cela supposait, le gouvernaient à ce point. Le plongeaient dans de tels états d'anxiété ou d'abattement, d'euphorie ou d'excitation. Tout cela lui paraissait nimbé d'une forme de romantisme démodé. Toute cette mythologie de l'auteur torturé. Rongé quand l'inspiration se dérobait. Hanté par le sentiment d'imposture ou d'échec. Elle en aurait souri si durant toutes ces années elle n'avait dû en subir les conséquences. Après tout, disait-elle, ce ne sont que des romans. Et puis quoi, tu n'es pas Faulkner non plus. Bien sûr Paul ne l'était pas, et ne le serait jamais. Mais tout de même, quelque chose dans ce discours, venant de quelqu'un qui vouait sa vie à enseigner les lettres à des lycéens rétifs, ne manquait pas de le troubler.
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