Citations sur Prends garde (28)
A Vincenza, Carolina et Luisa aussi, elle aurait aimé poser des questions. Avaient-elles déjà rêvé d'amour, par exemple, et de sexe ?
Ou bien elle était la seule à être obsédée par le sexe, elle à qui ses parents avaient fait épouser un vieux, espérant accroître leur pouvoir économique et consolider leur parentèle, et qui en matière d'amour et de sexe avait dû tout imaginer.
Elle se querellait en pensée avec tout le monde,des disputes enragées avec cris et injures.Personne ne le savait ,puisque tout cela n'advenait qu'en son for intérieur,mais au fond elle était une grande acariâtre,chicaneuse et agressive,et souvent il lui arrivait de haïr des gens à peine croisé dans la rue,et de vouloir les rouer de coups,pour leur façon de s'habiller,ou pour un geste d'eux qu'elle trouvait intolérable.Par la suite,si elle faisait plus ample connaissance avec ces fâcheux,elle cessait de les détester et leur inventait toutes les excuses du monde.p.26
Lorsqu'elle t'irait à boulets rouges sur tout le monde et affirmait que son pape idéal serait celui qui excommunier ait et considérerait comme hérétique quiconque ne refuserait pas de devenir soldat,les Porto auraient voulu barricader portes et fenêtres.
Elle avait honte de ses pensées, car au fond, elle qui critiquait tant, qu'avait-elle accompli d'inconfortable et de courageux ? Certes, elle avait de grandes idées, dommage que sa bravoure se limitât au domaine de l'imagination.
On raconte que ses derniers mots ont été "pardonnez leur"; elle était faite comme ça; il n'y a rien à ajouter.
Et ses amies Porro ? Elles devaient bien aspirer à d'autres joies qu'à celles, si fastidieuses, de l'outre-tombe catholique. Elles avaient forcément, elles aussi, une vie secrète, grâce à laquelle elles n'étaient pas malheureuses.
Pourquoi ne s'étaient-elles pas rebellées ? En épousant un pauvre, par exemple, un journalier ! Pourquoi ne s'étaient-elles pas mélangées en faisant leur propre révolution ?
La foule, elle ne supportait pas la foule. Il suffisait d'un seul diable pour que tous fussent possédés.
Elle blâmait l'immoralité du paisible farniente des dames riches, clamant qu'elles auraient toutes dû travailler la terre pour apprendre ce qu'est la vie, et de retour chez elle après une visite sur ses terres, elle nettoyait ses souliers à fond, ou plutôt, elles les faisait nettoyer à fond par l'une de ses domestiques.
C'est la faim qui se transforme en violence et qui réclame vengeance. Et elle la réclame aux sœurs Porro, parce qu'elles appartiennent à la classe sociale des exploiteurs : que ce soient elles ou d'autres qui ont tiré n'a désormais plus d'importance. Elles sont coupables pour des raisons historiques. Pour des raisons de classe. Les plus féroces sont les femmes, des femmes contre d'autres femmes au destin différent ; ce qui les divise, c'est la faim, subie ou imposée.
À y bien réfléchir, ce qu'il y avait de plus beau dans sa vie, ses émotions les plus bouleversantes, appartenaient au monde de l'imaginaire, elle n'avait jamais essayé de réaliser ses rêves.