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EAN : 9782371776012
252 pages
publienet (23/09/2020)
4/5   3 notes
Résumé :
Je suis en moi comme dans un pays étranger. On peut naître à soi-même à déjà 38 ans, sans savoir qui on a pu être avant. Avant quoi ? On peut recevoir un jour un mail d'une prétendue soeur dont on se sait dépourvu et espérer sa présence. Pourquoi ? On peut enquêter sur des identités suspectes qui semblent fictives sans parvenir à savoir si ces femmes, soupçonnées d'ébahissement, sont ou non une menace pour la sécurité de l'Etat.
Comment ? Ces personnages, et ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Polyphonique, superbe, « Soeur (s) » est un entrelac de voix. Matin calme, soir de veillée, l'entre monde en clair-obscur. Ecoutez ce grave qui s'élève, ce qui se murmure sur les lignes diapason. « Soeur (s) » est un parchemin qui se mérite. Passage d'Elle à Lui, Eux, Estelle et Lui, Ambre et Iva etc. Ce récit métaphysique, acide parfois, sillons existentialistes, futuristes, sociétaux, immanences des similitudes intérieures, des identités. « 14. Elle » « J'ai un corps féminin. Mon esprit y habite. Et réciproquement. Il devrait donc être plus aisé pour moi d'entrer en relation avec d'autres femmes, mes soeurs, selon ce que j'ai lu dans les textes qu'on dit féministes… Quelqu'un, ce peut être quelqu'une, mais je sens que le quelqu'un pour qui je suis ici, c'est un IL. » Les fragments sont aimantés, alliages, creusent de leurs mains cet intrinsèque dévorant. Signaux de fraternité détournée, le Vivre-Ensemble bousculé du pied, l'identité glaçante, le délit du regard. Ces textes sublimes sont des leviers, des rencontres gigognes, appel d'air, corne de brume. « 40. Elle et Thérèse » « Des jours que j'erre dans la ville, somnolant dans des buissons, macérant de terreur… Que vont-ils faire de moi s'ils m'attrapent, de quoi Ambra s'est-elle enfuie, savait-elle quelque chose que j'ignore, qu'elle me cachait dans sa douceur ? » La réalité est un choc frontal. Les textes s'emboîtent entre le fictionnel, et le vif d'un plausible à fleur de peau. On aime ces êtres, ce frère double de sa soeur imaginaire et vice versa. Les vérités détournées, écorchées vives, écueils sombres. Ces fragments à triple lecture dont les degrés échappent au conventionnel sont des alertes. Les identités floutées sont des quêtes. Des mains tendues, boussoles en reconnaissance et solidaires. Comme on aime Ambre, Thérèse. Comment se retirer de cette anticipation aux nombreuses nuances, sans faire de bruit, sans prendre pour soi cette couverture de haute littérature. Ces fragments sont l'épars assemblé subrepticement. Les quêtes démultipliées, l'urgence de lecture au garde-à-vous. Tout notre monde fusionne avec « Soeur(s) » Philippe Aigrain est un collecteur de sens et d'existences. Ce patchwork qui claque au vent est notre somme à tous. Il appuie là où ça fait mal. L'épiphanie langagière est notre rivage. Retenir les voix, les ombres, les marches dans la nuit noire. Les trottoirs où la sodalité se serre les coudes. Apprendre à se méfier de ce glacé individualiste. de cette peur intestine de l'autre qui aveugle et stigmatise. « Soeur s) » est un livre empreint d'humanité de délicate attention au prochain, soeur (s) frère (s) gémellaire. Ce livre magnétique, mélange de genre (s) est une référence, un outil pour demain. Publié par les majeures Éditions Publie.net.
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Entre surveillance informatique de masse et hasard politique oscillant entre métaphore et fantastique, un conte technique opérant à la fois facétieusement et à très grande profondeur, en mobilisant la poésie, l'amour et le gratuit face à ce qui écrase comme par réflexe.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2020/09/21/note-de-lecture-soeurs-philippe-aigrain/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
76. LA MÈRE D’AMÉLIE
Non seulement je ne comprends pas comment elles ont fait, mais je ne comprends même pas comment je suis au courant. C’est comme s’il y avait une conspiration invisible des esprits, et dans ce flot, ma fille, notre Amélie, travailleuse, diligente, assidue, courageuse, d’origine arabe et germanique dit Wikipedia de son prénom, mais pour nous c’était depuis toujours l’améli-mélo de joies et d’inquiétudes, c’est Amélie qui semble orchestrer ce je ne sais quoi dont nous sommes au courant, comme si elle avait joué ce rôle depuis toujours. Elles communiquent avec leurs langues secrètes et sans doute je les parle un peu puisque j’ai tout de même compris qu’il s’agit d’assigner à résidence ceux qui ont voté les lois d’urgence perpétuelle et d’exception systématique. Partout où ils se rendent, des jeunes femmes les abordent et leur demandent s’ils ont bien pointé au commissariat d’un quartier pas si voisin avant de se promener ainsi par ces temps dangereux et leur rappellent les peines sévères qui frappent ceux qui ne respectent pas les obligations de leur assignation à résidence. Munies de bracelets électroniques, en fait les plus cheap des montres connectées, elles menacent de les apposer à des sénateurs qui protestent de leur attachement aux libertés fondamentales, en particulier les leurs, et à des députés startuppeurs désignés au parlement et pas tout à fait sûrs de comprendre les instructions de vote des groupes d’intérêt qui tirent les ficelles de leur patron. Comment ont-elles fait pour se mobiliser en si grand nombre et se répartir ce presque millier de parlementaires, je ne sais pas, mais on en arrête des dizaines qui vont se retrouver assignées à résidence pour de bon, si par chance elles évitent les sévices que je visualise en boucle pendant mes insomnies. Peut-être les autres parents croient-ils que c’est la leur qui orchestre l’ensemble, mais fierté ou névrose d’inquiétude parentale, je pense que non, c’est la mienne. J’imagine le cercle des soupçons qui se resserre, la surveillance pour identifier ses proches avant d’agir, ce qu’ils feront pour lui faire révéler les mystères des langues secrètes, leur frustration et leur violence quand ils réaliseront qu’ils ne peuvent se les approprier, que s’ils le pouvaient, ils auraient déjà fait défection, comme celle dont nulle ne connaît le nom mais qui leur a donné des renseignements précieux. Les organes crient à l’atteinte aux droits démocratiques sacrés du parlement, en réponse à quoi elles invoquent l’article 2 de la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne de la république universelle. Hier, un député a giflé une de ses assignatrices à résidence et malgré les appels au calme des autres, des passants ont commencé à le malmener un peu, des vidéos tournent en boucle, certaines où on ne voit que l’interpellation et la gifle initiales, d’autres où l’on ne voit que la bousculade finale et de rares où l’on voit l’ensemble de la scène. Je me rassure honteusement en constatant qu’Amélie n’y apparaît pas, puis c’est la fierté qui prédomine, une impression qu’elle est portée par une force qui la rend invulnérable, avant qu’enfin ma peur reprenne le dessus à la pensée que la jeune femme du pont, elle aussi, débordait, parait-il, d’une énergie triomphante.
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2. EUX
– Je vous explique la panique. Il y a une femme qui a passé deux fois une frontière avec, à chaque fois, une carte d’identité qui avait toutes les apparences d’être vraie, mais qui est forcément fausse. D’abord parce qu’il y en a deux. Le numéro de chaque carte est vraiment celui de quelqu’un qui, dans le fichier, a le nom indiqué dessus. La photo biométrique lui ressemble. Quand on fait tourner l’algorithme de reconnaissance de visages sur les deux cartes, il conclut que c’était la même personne. Même chose pour les empreintes dont on a finalement obtenu qu’elles soient dans le fichier. Mais les identités sont différentes. Et elles n’existent pas. Enfin, pas en dehors du fichier.
– Comment ça « pas en dehors du fichier » ?
– Quelqu’un a inséré chaque identité dans le fichier, avec toutes les infos et fabriqué pour chacune une carte indistinguable des vraies. Il n’y a aucune trace d’intrusion dans le fichier ni de délivrance de ces cartes. Pas de formulaire de demande papier. Aucune personne ressemblant aux photos n’est dans le grand fichier. Celui des condamnés, suspects, victimes, de leurs entourages et des fichés parce qu’étant passés au mauvais endroit au mauvais moment.
– Qu’est-ce qu’on peut faire pour empêcher ce type d’usurpation d’identité ?
– On ne peut tout de même pas vérifier en permanence que chaque entrée dans le fichier correspond à une demande effective avec son formulaire papier pour repérer le moment d’une intrusion.
– Mais alors comment on a repéré la falsification ?
– Ils s’en sont rendu compte à l’occasion d’une formation à l’usage du fichier. Le formateur a extrait une photo de la base et s’en est servi pour l’interroger. Et il a trouvé deux photos, celle qu’il avait extraite et une autre. A d’abord cru que c’était juste un faux positif. Mais les empreintes aussi concordaient, et la coïncidence des deux est impossible. Enfin, extrêmement improbable. Ils ont lancé une recherche sur les deux cartes dans les bases de la Police Aux Frontières et ont trouvé un passage pour chacune. Du Royaume-Uni pour l’une et de Turquie pour l’autre. À chaque fois vers la France. N’ont pas aimé ça du tout. Dans les lieux équipés, tous les passages avec cette photo déclenchent maintenant une alerte violette. Maximale mais discrète, pas d’intervention immédiate, surveillance rapprochée. Mais aucune alerte n’a été signalée pour l’instant.
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1. LUI
Le mail arrive un lundi matin vers 10 h. Le sujet du message est « ta sœur ». Il émane d’une adresse jetable. Mon logiciel de mail soupçonne fortement une tentative d’escroquerie. Le sujet m’intrigue, je l’ouvre tout de même. Le corps du message est court : « Je suis ta sœur et j’ai besoin de toi. N’essaye pas de me répondre. Laisse-moi te contacter. » Souvenir de scams nigérians qui semblaient au départ ne rien demander pour installer une relation de confiance avant de réclamer des coordonnées bancaires ou d’autres données. Le message est signé Agathe Lambert. Je n’ai pas de sœur, mais comment savent-ils que, non rien, ils ne savent rien, c’est une coïncidence.
J’essaye de tracer le parcours du message, mais la piste s’efface. Et puis j’oublie. Enfin, presque.
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Je suis en moi comme dans un pays étranger.
Que vont-ils faire de moi s'ils m'attrapent, de quoi Ambra s'est-elle enfuie, savait-elle quelque chose que j'ignore, quelle me cachait dans sa douceur?
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Videos de Philippe Aigrain (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Philippe Aigrain
Rencontre autour du roman Jachère de Philippe Aigrain paru aux éditions Publie.net.
En présence de Roxane Lecomte, de Mireille Aigrain et de Dominique Lauze.


Philippe Aigrain, né en 1949, décédé accidentellement en 2021. Il a publié entre autres: Soeur(s), (Éditions publie.net, 202), Surveillances, (Éditions publie.net, 2016).
Roxane Lecomte, graphiste et illustratrice, travaille depuis 2011 au sein des éditions publie.net.
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27/01/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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