Je remercie les éditions Gallimard et Babelio pour ce livre reçu avant publication dans le cadre de l'opération Masse Critique.
Je suis fort étonné qu'un tel livre soit publié par Gallimard, dans la NRF de surcroît, même pas dans la littérature étrangère. Je ne sais pas si je dois m'en réjouir ou m'en désoler.
Je m'explique.
J'ai assez bien aimé le ton et le style de penser et de s'exprimer de la narratrice et personnage principale du roman, très "fleuri", parfois vulgaire, pouvant choquer. On est là dans du sans filtre. Un langage de la rue aussi parfois. Bref, loin d'un stylisme NRF-ien, ou académique.
Je ressens ce livre comme une forme de sociologie du quotidien, tout à travers ce personnage de prostituée plutôt jeune embarquée dans une existence qui semble sans perspective positive, assez sordide, dans une forme de mensonge, du non-dit, de la honte et d'un combat permanent pour soi, son estime de soi, son intégrité. Quitte à bien critiquer et balancer sur les autres, pour mieux se rassurer et se sentir. le personnage est "petit" à bien des égards. Il est moche, souvent. Humain, trop humain.
Du Maroc ou des pays du Maghreb j'ai lu
Ben Jelloun,
Saphia Azzedine (à laquelle je ne peux pas ne pas me référer, femme, qui a aussi un ton parfois cru et net, et qui dénonce-balance, mais voilà Azzedine, elle, elle n'est pas à la NRF. Et why not elle ??), je pense aussi à des films de Kechiche... Quelques discussions avec des belgo-marocains, mais ils sont rarement fiers de leur village, de leur bled, de leur pays bizarrement ou ne le connaissent plus aussi intimement... Bref tout ça pour dire que globalement je ne connais pas bien ce pays.
Je parlais de "sociologie", en fait, il s'agit de quartiers citadins marocains, et de sa faune, bien décrites, psychologie des personnages secondaires, bien ciselés, bien dépeints. Un milieu de prostitution, un milieu de prohibition, rempli de passe-droits, dans protections rémunérées-obligées, de bakchiches, de corruption, d'hypocrisie lourde, grave.
La question de la religion est toujours présente, et en même temps complètement secondaire, Dieu vu comme infligeant des punitions, à qui on doit se soumettre, et en même temps ça n'empêche pas que tout font n'importe quoi, et en contradiction complète avec les lois divines. Advienne que pourra. Consciemment ou pas, d'ailleurs.
Bref, l'auteure nous dépeint une sacrée bande de cons, pas un pour rattraper l'autre (ou presque, il y a l'un ou l'autre personnage lunaire, qui détonne et qui font un peu de bien, mais très minoritaire), l'auteure nous dépeint un milieu pourri, qui ne donne pas envie, qui donne envie de fuir, loin.
Puis l'arrivée du cinéma, la possibilité d'un film et voilà tous qui rêvent, qui adulent, un forme de nouveau Dieu et une déesse actrice naissante. de nouveau, l'humain bête, qui s'incline, moutonnesque, pathétique.
La fin est assez médiocre pour les personnages. On peut rester sur sa faim, car on ne sait rien de comment les personnages autour de l'héroïne vont évoluer, ni même comment ça va continuer pour l'héroïne, plongée dans un tout autre milieu, celui du clinquant, de la lumière, et d'une toute autre forme d'hypocrisie...
Mais l'humain n'en sort pas plus grand.
Je suis assez bousculé parce que je pensais que, dans ces autres "cultures", il y avait certaines valeurs qui transcendaient un peu la misère humaine-réelle. Mais, en fait, non. Et donc comme il y a misère, c'est encore pire. Comme disait, Malek Bouthi (excusez l'orthographe), "il y a plus de gens sympas chez les "riches" que chez les "pauvres"", voulant qu'on cesse de faire l'apologie du bon coeur des gens "pauvres"et partant de la pauvreté qui donnerait des vertus... Il a bien raison...
Où en étais-je ? Ah oui, l'auteure pense-t-elle à une suite, une saga ? Car c'est tout à fait possible.
Maintenant, je ne sais pas si je la suivrais dans cette oeuvre. J'avais des moments de relâchement et de fatigue après la moitié du livre, je n'avais plus spécialement envie de connaître la suite, l'essentiel ressenti pour moi étant déjà clair : l'être humain est moche, partout, un fait universel... On a beau essayer de mettre l'humour, ça n'arrange pas tout, pas assez pour moi.
J'ignore l'objectif de l'auteure, voilà ce à quoi elle a aboutit dans mon chef. Je veux quand même dire que l'écriture n'est pas que vulgaire, les descriptions sont fines et réussies et le récit structuré chronologiquement est prenant, et globalement le livre est réussi aussi.
Mais pas un chef d'oeuvre, pas une oeuvre essentielle.