« Qui se confesse ment, et fuit le véritable vrai, lequel est nul, ou informe, et, en général, indistinct ».
Paul Valéry
Le père d'
Aris Alexandrou, grec résidait dans une région gréco-turque, en bordure méridionale de la mer noire.
Pour fuir l'appel sous les drapeaux de l'armée turque il doit s'exiler en Russie.
Aris Alexandrou nait ainsi à St Pétersbourg en 1922.Sa mère est russe d'origine estonienne.
Pour fuir la discrimination syndicale et les difficultés économiques, sa famille retourne en Grèce en 1928.A cette date Aris a six ans et sera muet avant d'apprendre la langue grecque : muet et étranger dans le pays d'origine de son père.
Durant la seconde guerre mondiale Aris participe à la résistance contre l'occupation de la Grèce par l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste
Emprisonné, durant la guerre civile par les anglais puis les grecs.
A nouveau emprisonné, durant la « dictature des colonels » il s'exile finalement en France où il meurt en 1978.
Traces d'humains ballotés par l'Histoire dont nait ce livre
Le récit de «
La Caisse » se déroule durant la guerre civile grecque, de 1946 à 1949 opposant les troupes communistes et les troupes royalistes soutenues par l'Angleterre et les États -Unis.
C'est le récit d'une mission commando qui consiste à transporter une caisse, qui s'avèrera vide ,et de la plus haute importance, d'une ville à une autre, selon un itinéraire tortueux, retardant indéfiniment la liberté des hommes qui en sont chargés. Ils vont se supprimer les uns après les autres, selon des ordres sans logique, qui leur laissent la responsabilité de leurs interprétations anxieuses.
Le seul survivant, ignorant des griefs dont il est accusé, rédige dans sa cellule une folle déposition adressée à un anonyme "Camarade juge d'instruction". Au fil des pages et des errements absurdes de cette expédition, sa plaidoirie zélée et obsessionnelle : « Vous êtes bien d'accord avec ce nombre, n'est-ce pas, » se fait de plus en plus intime.
Monologue, sans paysage, aveux sans cesse rectifiés : « J'ai menti l'autre jour quand j'ai réfuté mon précédent mensonge et ce deuxième mensonge dans la réfutation du premier… »
Les dernières pages hallucinantes mènent vers un gouffre sans fin
«
La Caisse » allie
La gravité d'une dénonciation des cécités idéologiques et des dictatures qui créent l'une comme l'autre un monde militarisé où se multiplient les prisons
L'intime : ne sommes-nous pas responsable, par notre lâcheté, de nos enfermements ?
L'universel qui rappellent les préoccupations de Kafka, l'absurde, l'étrange, les ténèbres : « eh bien oui, vous avez raison, rien n'est impossible et vos cinq hypothèses tiennent parfaitement debout, il est donc inutile que je continue, je vais vous retourner les feuilles blanches ».
Et médiation sur l'écriture : « Qui se confesse ment, et fuit le véritable vrai, lequel est nul, ou informe, et, en général indistinct. Mais la confidence, toujours songe à la gloire, au scandale, à l'excuse,
À la propagande. »
Paul Valéry.
Livre d''une subtilité stupéfiante d'une lecture ardue et qui sollicite beaucoup d'attention, certes, mais un très grand livre.