Nous allâmes ainsi jusqu'à la lumière
en causant de choses qu'il est beau de taire,
comme il était beau d'en parler alors.
Jamais tonneau fuyant par sa barre ou sa douve
ne fut troué comme je vis une ombre,
ouverte du menton jusqu'au trou qui pète.
Ses boyaux pendaient entre ses jambes ;
on voyait les poumons, et le sac affreux
qui fabrique la merde avec ce qu'on avale.
Chant XXVIII, (22-27).
"Je cherche la liberté qui m'est si chère
comme le savent ceux qui pour elle marchent à la mort"
« Que votre souvenir ne s’envole jamais dans le premier monde des esprits humains mais qu’il y vive sous de nombreux soleils. » Chant XXIX
Nous rencontrâmes une foule d'ombres
qui s'en venaient près de la rive, et chacune
nous regardait ainsi que font le soir
ceux qui se croisent à la nouvelle lune ;
elles clignent des yeux vers nous
comme le vieux tailleur au chas de son aiguille.
Regardé ainsi par semblable famille,
je fus reconnu par l'un d'eux, qui me prit
par le pan de ma robe et cria : " Merveille ! "
Et moi, quand il tendit le bras,
je fixai mes regards sur sa figure cuite,
si fort que le visage brûlé n'empêcha pas
à mon esprit de le connaître.
Chant XV, (16-28).
Et une louve, qui paraissait dans sa maigreur
chargée de toutes les envies,
et qui fit vivre maintes gens dans la misère ;
elle me fit sentir un tel accablement
par la terreur qui sortait de sa vue,
que je perdis l'espoir de la hauteur.
(...)
" Il te convient d'aller par un autre chemin,
(...)
si tu veux échapper à cet endroit sauvage ;
car cette bête, pour qui tu cries,
ne laisse nul homme passer par son chemin,
mais elle l'assaille, et à la fin le tue ;
elle a nature si mauvaise et perverse
que jamais son envie ne s'apaise
et quand elle est repue elle a plus faim qu'avant ".
Chant I, 49-54, 91, 93-99.
Qui pourrait jamais, même sans rimes,
redire à plein le sang et les plaies
que je vis alors, même en répétant son récit ?
Certes toute langue y échouerait
car notre discours et notre pensée
pour tant saisir ont peu d'espace.
Chant XXVIII, (1-6).
Nous faisions route avec les dix démons.
Ah féroce compagnie ! mais à l'église
avec les saints, et à la taverne avec les gloutons.
Chant XXII, (13-15).
Au milieu du chemin de notre vie
je me retrouvai par une forêt obscure
car la voie droite était perdue.
Ah dire ce qu'elle était est une chose dure
cette forêt féroce et âpre et forte
qui ranime la peur dans la pensée !
Elle est si amère que la mort l'est à peine plus ;
mais pour parler du bien que j'y trouvai,
Je dirai des autres choses que j'y ai vues.
Je ne sais pas bien redire comment j'y entrai,
tant j'étais plein de sommeil en ce point
où j'abandonnai la voie vraie.
Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir.