La divine comédie, tome 1 : L'enfer

« Ces tourments, ô mon maître, à ce propos lui dis-je,
s'accroîtrons-ils après le grand arrêt,
Ou diminueront-ils ? Seront-il si cuisant ? »

Il répondit : « Retourne à ta science
Qui veut que, d'autant plus qu'un être est accompli,
Plus il sente le bien et aussi la douleur.

Or, toutefois que ce peuple maudit
Jamais n'atteigne à perfection vraie,
Après plutôt qu'avant il s'attend à y être. »


(ENFER, chant VI)

« Qu'entends-je là, ô mon maître ? Lui dis-je.
Quels sont ces gens à l'air accablé de douleur ? »

Il répondit : « Cet état pitoyable
Est celui des esprits désolés de tous ceux
Qui sans louange et sans blâme ont vécu.

Ils sont mêlés au misérable chœur
Des anges qui félons ni fidèles ne furent
A leur Dieu, mais n'écoutèrent qu'eux-mêmes.

Pour n'être pas moins beaux, les cieux les ont chassés ;
Mais le profond Enfer non plus ne les reçoit :
Au prix d'eux, les damnés pourraient s'enorgueillir. »

- « Qu'est-ce donc qui leur pèse, ô mon maître, repris-je,
Tant qu'il les fait se lamenter si fort ? »
Il répondit : « Je vais le dire en bref.

Ceux-ci n'ont plus espoir de mourir,
Et si abjecte est leur aveugle vie
Qu'ils sont jaloux de tout autre destin.

Le monde d'aucun d'eux ne garde la mémoire :
La pitié les dédaigne, autant que la justice.
Taisons-nous d'eux, mais, toi, regarde et passe. »


(ENFER, Chant III)

L'art humain, autant qu'il peut suit la Nature, comme un élève suit son maître, si bien que l'art est comme un petit fils de Dieu.