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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
[Acquis 10 octobre 2021 / Librairie Caractères- Issy-les-Moulineaux ]

Un nouveau texte acquis dans cette excellente collection que j'affectionne spécialement… »Ma nuit au musée » !

Ouvrage poignant aux multiples récits et tons, intime essentiellement mais aussi historique, sociologique , philosophique, mêlant gravité, tendresse, et quelque cocasserie avec un brin de « provoc. » et d'esprit de transgression !

Une nuit entière, seule au Louvre est proposée à notre auteure… ce qui la réjouit et la ramène à son amour pour son père, qui adorait ce musée-ville et rêvait de « voler » la Joconde !!!

La phrase-jeu de son père quand ils arrivaient au Louvre : « Et toi, comment tu t'y prendrais, pour voler la Joconde ? Dans cet amour pour ce père, il y a tant et tant de sentiments intenses et contrastés.
Un « papa » yougoslave qui a dû se reconstruire, se réinventer totalement ; Père ayant fui son pays pour rejoindre Paris avec sa bien-aimée, fuite aussi d'un service militaire, et puis la guerre fratricide… qui détruira en profondeur cette famille, dont la mère de l'auteure, écrasée par le chagrin des proches assassinés… qu'elle n'a pu sauver !

Un hommage à un père, figure vénérée et adorée… des souvenirs tristes ou joyeux, le plus souvent reliés à ce Musée du Louvre ! Que le père étudie le français, seul, en lisant des biographies de peintres ou livres sur l'Art … ou qu'il emmène sa fille , voir les oeuvres, dont cette « Joconde » tant convoitée !!!, ou même qu'il l'oublie dans ce même Louvre, lieu absolu des rêves paternels…Le lieu central est ce Gigantesque Louvre, consolation et refuge car espace consacré à la Beauté, où le père s'évade !

« Un jour, je devais avoir huit ou dix ans, mon père m'a oubliée au Louvre. Curieusement, ce n'est pas un mauvais souvenir. Reste avec elle, d'accord, j'ai un coup de téléphone à passer, je reviens. -Elle- c'était la Vénus de Milo. Elle faisait partie de la famille.
Je me suis assise et j'ai attendu. Ce n'était pas difficile pour moi d'attendre et je n'y pensais même pas en ces termes. J'aurais sans doute dit que je regardais. Je regardais les oeuvres. Je regardais les gens. (p. 79)”

Une nuit d'instrospection de Yakuta Alikavazovic sur sa vie, ses rapports passionnés au père, ses questionnements sur les Pouvoirs de l'Art, tant pour les personnes, intimement , que sur le pouvoir brut ,de beaucoup de pays belligérants , au fil des siècles, s'affirmant ainsi, un peu plus, sur les pays annexés , pillant, ou dérobant des oeuvres dans les musées…, des observations fréquentes sur l'exil de sa terre d'origine,les guerres fratricides, le racisme ordinaire vécu, et enfin, la Culture, la Beauté de l'Art, facteurs de « baumes guérisseurs » et d'intégration…

« Que transmet-on à sa fille, sa fille unique, quand on a renié son passé ? Quand on a pu ou cru pouvoir se réinventer, dans un autre pays, une autre langue ? Mon père m'emmenait au Louvre. L'histoire de l'art est une histoire de fantômes pour grandes personnes, me disait-il. L'histoire de l'art, c'est ce qu'il m'a transmis à la place de son histoire à lui, savamment effacée et redessinée au gré du temps. (p. 34)”

Un moment très fort de lecture qui m'a fait connaître pour la première fois cette auteure, qui offre à son père, au-delà de l'absence, un texte magnifique de tendresse et d'admiration, même si il y a eu , à une période donnée, des moments de tangage pour construire sa vie de femme ! Nécessité de s'éloigner… pour mieux revenir vers ce père atypique et très aimant !

Quelle belle revanche , de surplus, en lisant que cette petite fille, à qui une institutrice peu bienveillante, avait prédit de ne jamais pouvoir apprendre le Français…est devenue une écrivaine talentueuse et reconnue !

Un style énergique, fluide, mêlant gravité et légèreté…Toutefois on sent très fort que ce « papa » déraciné , a dû sûrement être très seul intérieurement ; cela ne l'a pas freiné pour tout faire, afin de transmettre le meilleur à sa fille unique !

« Rien de tel chez mon père; au contraire, la maison qu'il professait s'être choisie, c'était le Louvre, justement; si tant est que l'on puisse choisir de s'établir non dans un pays mais dans un art, non dans une nation mais dans la beauté. Et malgré cela, malgré tout, la question de l'appartenance finit un jour ou l'autre par nous rattraper. » (p. 119)



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Une nuit. Une nuit enfermée au musée. le plus grand, le plus beau, le plus chargé d'histoire et de légendes, le plus mystérieux aussi. Une nuit d'enfermée volontaire au Louvre. Une nuit passée à convoquer ses souvenirs et ses peurs. Une nuit sous la seule lumière bienveillante du père absent. Une nuit passée à questionner l'art et son rapport à la construction des êtres. Une nuit passée à ajouter sa propre part aux secrets du lieu.

Prenant - comme d'autres avant elle – son tour dans la collection éponyme pour raconter sa nuit au musée, c'est en fait un énorme cri d'amour à son père que Jakuta Alikavazovic nous livre dans Comme un ciel en nous, le Louvre faisant ici office de trait d'union entre passé et présent, entre père et fille.

Un père à la vie de personnage de roman, qui a fui l'ex-Yougoslavie pour Paris par amour de sa femme, pour échapper au service militaire, pour l'attrait du Louvre, « lieu où la beauté l'emporte ». Et aussi, un peu, « pour le steak tartare ».

Un père qui tout petit entraîne sa fille au musée, capable de citer de tête le nombre de colonnes du Panthéon, d'arcades du Louvre, de cils de Marat dans le tableau de David ou de ceux de la Joconde. Un père qui « collectionnait les gens » et les fréquentations glorieuses ou douteuses, discret et fantasque à la fois, réservé autant qu'accorte.

Un père marqué par les séquelles de la guerre dans l'ex-Yougoslavie, réfugié en France sans jamais s'y sentir étranger, constamment soucieux d'afficher sa joie d'y vivre et de soigner les apparences, celles qui « comptaient davantage que le reste, davantage que le confort ; c'est déjà beaucoup d'être étranger, si en plus on fait pauvre, on est fichu ».

Alors que transmet-on à sa fille, à sa fille unique quand on a renié son passé ? Jakuta aura une vie et une nuit pour y répondre. Et dans cette réponse, l'art figure en place de choix. Dans l'obscurité de la salle des Cariatides, entre Venus de Milo et Hermaphrodite Borghese, elle peut enfin mieux les voir. « Eux : les lieux, les oeuvres. Eux : les souvenirs. »

Car l'obscurité change tout, éloigne les faux reflets, dépouille les artifices, libère les questionnements. de quoi parle t-on quand on parle d'art ? Qu'est-ce qui fait un chef d'oeuvre ? Quelle est la valeur et l'authenticité d'un souvenir, d'une perception ? Et toi, comment t'y prendrais-tu pour voler la Joconde ?

Des questionnements systématiquement brouillés par des fulgurances issues de sa propre histoire ou de celle du lieu. « Je voulais parler d'art, seuls des crimes arrivaient ». Mais aussi un sac, des voyages, un rapport particulier au langage et à la langue.

Comme un ciel en nous est un essai intime mais pudique, instantané d'une nuit où l'art sert de fil rouge au récit d'un parcours et d'une construction. Et même si « ce qu'on appelle grandir est une série de trahisons », Jakuta Alikavazovic retrouve le temps d'une nuit au musée, l'occasion d'un rendez-vous touchant avec son père et son enfance.

Un régal de style chez une auteure que je ne connaissais que de nom, mais dont je vais m'empresser d'explorer les livres précédents !
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Dans la collection « Ma nuit au musée » que j'aime beaucoup, voici Jakuta Alikavazovic au Louvre.

« Et toi, comment t'y prendrais-tu pour voler la Joconde ? » : la phrase d'un père à sa fille, un jeu bien sûr, une énigme, ou bien plus encore…

Une phrase à multiples strates. Des pensées révélées, auprès de la Vénus de Milo.

L'obscurité aidant aux confidences, se retrouver, la nuit tombée, dans la Section des Antiques, Salle des Cariatides, laisse libre court à l'imagination… une histoire autour de toute une symbolique.

“Le Louvre est la première ville française où je me suis senti chez moi, disait mon père”.

Déambulation et introspection en cette nuit. La nuit transporte dans une autre dimension, parallèle.

« La ligne de démarcation entre réel et fiction n'est pas la même pour chacun de nous ».

Une nuit pour redevenir la fille de son père.
Une nuit chargée d'ombres, des mystères de l'art, et des zones d'ombres et de souffrances laissées par la guerre de 1990 en ex-Yougoslavie.

Un père, venu en France pour sa beauté, et par amour, à l'âge de vingt ans, depuis la Yougoslavie et son Monténégro natal. Un père et l'exil vécu. Se réapprendre à vivre après avoir tout quitté. Est-il déjà trop tard, lorsqu'on part ?

Des souvenirs, parfois douloureux, surgiront librement de cette nuit entière au Louvre, la magie de l'art invoquant de profondes réflexions.

« Qu'est-ce qui fait un chef-d'oeuvre ?»

Je trouve un côté mystérieux, curiosité et sens en éveil, à s'imaginer seule la nuit au Louvre. Excitant et un peu effrayant aussi.

Une obscurité, une atmosphère chargée de merveilles, des milliers d'années d'histoires, une ambiance presque mystique… Des conditions appropriées pour explorer ses pensées profondes.

Je découvre l'auteure dans ce récit autobiographique, d'une légèreté qu'apparente et très enrichissant, à la fois intime et pudique. Douceur et émotions.

« L'histoire de l'art, c'est une histoire de fantômes pour grandes personnes ».

J'ai trouvé l'idée passionnante, se retrouver seule au milieu de ces oeuvres d'art, c'est séduisant, paradoxal et intrigant ; et je m'y serais retrouvée ou perdue là-bas, bien volontiers !

« (…) l'amour. Un sentiment comme un ciel en nous. Et comme un ciel, toujours changeant. L'amour et les formes que nous essayons de lui donner. (…) Parfois l'amour subsiste, seul ».
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Comme un ciel en nous, dans la collection Ma nuit au musée aux éditions Stock, raconte la nuit que Jakuta Alikavazovic a passé au Louvre, obsédée par cette question que lui posait sans cesse, enfant, son père : « Et toi, comment t'y prendrais-tu pour voler la Joconde ? ». Un père passionné d'art, à la mémoire exceptionnelle, qui se souvient de tout ce qu'il voit. Il est question de la pérennité de l'art confronté à la fragilité de l'existence, au fait que l'on défende plus les oeuvres que la vie. Comme un ciel en nous s'intègre parfaitement à l'ensemble de la bibliographie de l'autrice, complétant et valorisant celle-ci simultanément. À la fois récit autobiographique sur la filiation, roman habité par un enjeu narratif fort (quel est cet objet interdit que Jakuta Alikavazovic a introduit dans le Louvre ?), et essai sur son oeuvre (le livre ne cesse de donner des clefs de lecture, qui accroissent encore l'importance des précédents), Comme un ciel en nous est un objet riche, complet, passionnant, dépassant le cadre imposé, pour s'affirmer comme un texte essentiel. Il confirme combien Jakuta Alikavazovic est la grande autrice du visible et de l'invisible, de l'absence comme repère et de l'après-disparition comme horizon.
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Je suis sous le charme de ce livre rare et précieux, digne du Louvre des livres aimés et chéris.
Le Louvre est la première ville française où je me suis senti chez moi, disait le père adoré dans l'enfance. La fille décide de convoquer souvenirs, méditation sur l'art, retrouvailles avec le père, émigration lors d'une nuit éveillée au pied de la Vénus de Milo. L'art est finalement ce qui relie la fille au mystère paternel, cet homme muet sur son passé, prolixe sur l'art.
L'auteure construit sa rêverie et son imaginaire avec la précision de mots soigneusement choisis, de phrases truffées de ponctuation, saisies avec complicité une fois l'habitude prise d'une écriture fluide dans ses méandres inattendus.
Nous voyageons de la guerre en ex-Yougoslavie à la Jetée en spirale de Smithson au bord du Grand Lac Salé, de la vie humaine à la vie sublimée, endormie dans les musées, vivante sous le regard des visiteurs. Plusieurs créations évoquées m'ont donnée envie de les voir, de les regarder.
L'érudition de bon aloi instruit - notamment sur les vols célèbres - mais c'est l'amour indéfectible (pas inconditionnel) d'une fille pour son père charmant, charmeur et immigré, qui émerge, fantôme errant dans les salles vides d'une nuit habitée pour l'éternité. Quel merveilleux moment ai-je passé, à percer l'énigme du vol fantasmé ou réel du vol commis par le père. Quel beau regard sur l'écriture aussi, sur la créativité inhérente à chacun qui accepte de considérer la vie comme une oeuvre en devenir.


Lien : http://cinemoitheque.eklablo..
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fbalestas a fait une très belle critique, pas grand chose à rajouter si ce n'est quelques pistes de réflexions concernant l'art, et même de l'utilité des musées dans ce livre, comme le dit l'historienne Claude Mossé: "La Grèce antique n'a pas été ce monde de pureté auquel fait penser la blancheur de ses temples... qui d'ailleurs étaient peints de couleurs violentes, c'est un monde de violence et de cruauté, de feu et de sang, qui a vécu presque perpétuellement en état de guerre. " L'auteure pose des questions sans réponse , comment dort -on au pied de la statue la plus célèbre du monde ? qu'est ce qui fait un chef d'oeuvre ? Notre regard ? Ou le sien ? Bref une vision cultivé de l'art qui nous pose question...
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Ça se passe au Louvre dans la salle des Cariatides - et ça ne se passe pas au Louvre, ou si peu - et encore moins dans la salle des Cariatides.

Ça se passe dans la nuit du 7 au 8 mars 2020 - et ça ne se passe pas cette nuit-là, ou si peu, ou alors comme prétexte ou tremplin, comme jetée.

Ça se passe au milieu des statues et du marbre, au milieu des Artémis, des Apollon, tout près de la Vénus de Milo plongée dans l'obscurité - et ça ne se passe pas avec elles ni avec eux, ou si peu, mais avec des gens de chair et d'os, et un en particulier, magnifique et paumé, le héros de ce texte, le père de l'auteure.

La nuit au musée de Jakuta Alikavazovic, enfermée au Louvre, s'échappe, saute dans la Seine et appareille vers ailleurs. C'est un très beau road-trip, qui va de l'ex Yougoslavie à Paris, en s'exportant (un peu) aux États-Unis, dans l'Utah, près du grand lac salé ou des chutes du Niagara, à New York - et à Istanbul.

C'est aussi, plus que dans l'espace, une balade dans le temps. Jakuta est haute comme trois pommes. Jakuta boit les paroles de son père. Jakuta lui nomme les couleurs. Elle échafaude avec lui, une, dix, cent fois, les plans pour voler la Joconde. Puis elle grandit. Puis elle se teint les cheveux en rose et porte des bottes de vacher. Puis elle s'éloigne de lui, du Louvre, de Paris. Puis elle l'oublie, comme elle voudrait oublier le français - son père et le français qui continuent, malgré tout, de parler, de bouger en elle.

Comme un ciel en nous est une ode au père, la plus belle ode qui soit, une ode écrite de manière organique, vivante, changeante, avec des images plus lumineuses les unes que les autres, des digressions merveilleuses, une sincérité poignante.

L'amour, la beauté, les liens qui nous unissent, la mémoire de toutes choses : avec Jakuta Alikavazovic, la littérature nous prouve, comme le disait Pessoa, que la vie ne suffit pas.

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